La Legende des Siecles Le soir, l'homme qui met de l'huile dans les lampes A son heure ordinaire en descendit les rampes; Là, mangé par les vers dans l'ombre de la mort, Chaque marquis auprès de sa marquise dort, Sans voir cette clarté qu'un vieil esclave apporte.
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
« Ce tapis autrefois ornait la grande chambre; Au dire des vieillards, l'effrayant roi sicambre, Witikind, l'avait fait clouer en cet endroit, De peur que dans leur lit ses enfants n'eussent froid. VIII LA TOILETTE D'ISORA Cris, chansons; et voilà ces vieilles tours vivantes. La chambre d'Isora se remplit de servantes; Pour faire un digne accueil au roi d'Arle, on revêt L'enfant de ses habits de fête; à son chevet, L'aïeul, dans un fauteuil d'orme incrusté d'érable, S'assied, songeant aux jours passés, et, vénérable, Il contemple Isora, front joyeux, cheveux d'or, Comme les chérubins peints dans le corridor, Regard d'enfant Jésus que porte la madone, Joue ignorante où dort le seul baiser qui donne Aux lèvres la fraîcheur, tous les autres étant Des flammes, même, hélas! quand le coeur est content. Isora est sur le lit assise, jambes nues; Son oeil bleu rêve avec des lueurs ingénues; L'aïeul rit, doux reflet de l'aube sur le soir! Et le sein de l'enfant, demi-nu, laisse voir Ce bouton rose, germe auguste des mamelles; Et ses beaux petits bras ont des mouvements d'ailes. Le vétéran lui prend les mains, les réchauffant; Et, dans tout ce qu'il dit aux femmes, à l'enfant, Sans ordre, en en laissant deviner davantage, Espèce de murmure enfantin du grand âge, Il semble qu'on entend parler toutes les voix De la vie, heur, malheur, à présent, autrefois, Deuil, espoir, souvenir, rire et pleurs, joie et peine; Ainsi, tous les oiseaux chantent dans le grand chêne. Fais-toi belle; un seigneur va venir; il est bon; C'est l'empereur; un roi, ce n'est pas un barbon Comme nous; il est jeune; il est roi d'Arle, en France; Vois-tu, tu lui feras ta belle révérence, Et tu n'oublieras pas de dire: monseigneur. Vois tous les beaux cadeaux qu'il nous fait! Quel bonheur! Tous nos bons paysans viendront, parce qu'on t'aime Et tu leur jetteras des sequins d'or, toi-même, De façon que cela tombe dans leur bonnet. Et le marquis, parlant aux femmes, leur prenait Les vêtements des mains. Laissez, que je l'habille! Oh! quand sa mère était toute petite fille, La Legende des Siecles LA CONFIANCE DU MARQUIS FABRICE 76. »
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