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La Legende des Siecles Et son cou d'où sortait, dans un bruit de tempête, Un flot rouge, un sanglot de pourpre, éclaboussant Les convives, le trône et la table, de sang.

Publié le 12/04/2014

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La Legende des Siecles Et son cou d'où sortait, dans un bruit de tempête, Un flot rouge, un sanglot de pourpre, éclaboussant Les convives, le trône et la table, de sang. Alors dans la clarté d'abîme et de vertige Qui marque le passage énorme d'un prodige, Des deux têtes on vit l'une, celle du roi, Entrer sous terre et fuir dans le gouffre d'effroi Dont l'expiation formidable est la règle, Et l'autre s'envoler avec des ailes d'aigle. XVI APRÈS JUSTICE FAITE L'ombre couvre à présent Ratbert, l'homme de nuit. Nos pères--c'est ainsi qu'un nom s'évanouit-- Défendaient d'en parler, et du mur de l'histoire Les ans ont effacé cette vision noire. Le glaive qui frappa ne fut point aperçu; D'où vint ce sombre coup, personne ne l'a su; Seulement, ce soir-là, bêchant pour se distraire, Héraclius le Chauve, abbé de Joug-Dieu, frère D'Acceptus, archevêque et primat de Lyon, Étant aux champs avec le diacre Pollion, Vit, dans les profondeurs par les vents remuées, Un archange essuyer son épée aux nuées. LA ROSE DE L'INFANTE Elle est toute petite, une duègne la garde. Elle tient à la main une rose, et regarde. Quoi? que regarde-t-elle? Elle ne sait pas. L'eau, Un bassin qu'assombrit le pin et le bouleau; Ce qu'elle a devant elle; un cygne aux ailes blanches, Le bercement des flots sous la chanson des branches, Et le profond jardin rayonnant et fleuri. Tout ce bel ange a l'air dans la neige pétri. On voit un grand palais comme au fond d'une gloire, Un parc, de clairs viviers où les biches vont boire, Et des paons étoilés sous les bois chevelus. L'innocence est sur elle une blancheur de plus; Toutes ses grâces font comme un faisceau qui tremble. Autour de cette enfant l'herbe est splendide et semble Pleine de vrais rubis et de diamants fins; Un jet de saphirs sort des bouches des dauphins. Elle se tient au bord de l'eau; sa fleur l'occupe. Sa basquine est en point de Gênes; sur sa jupe Une arabesque, errant dans les plis du satin, Suit les mille détours d'un fil d'or florentin. La rose épanouie et toute grande ouverte, LA CONFIANCE DU MARQUIS FABRICE 87 La Legende des Siecles Sortant du frais bouton comme d'une urne ouverte, Charge la petitesse exquise de sa main; Quand l'enfant, allongeant ses lèvres de carmin, Fronce, en la respirant, sa riante narine, La magnifique fleur, royale et purpurine, Cache plus qu'à demi ce visage charmant, Si bien que l'oeil hésite, et qu'on ne sait comment Distinguer de la fleur ce bel enfant qui joue, Et si l'on voit la rose ou si l'on voit la joue. Ses yeux bleus sont plus beaux sous son pur sourcil brun. En elle tout est joie, enchantement, parfum; Quel doux regard, l'azur! et quel doux nom, Marie! Tout est rayon: son oeil éclaire et son nom prie. Pourtant, devant la vie et sous le firmament, Pauvre être! elle se sent très grande vaguement; Elle assiste au printemps, à la lumière, à l'ombre, Au grand soleil couchant horizontal et sombre, A la magnificence éclatante du soir, Aux ruisseaux murmurants qu'on entend sans les voir, Aux champs, à la nature éternelle et sereine, Avec la gravité d'une petite reine; Elle n'a jamais vu l'homme que se courbant; Un jour, elle sera duchesse de Brabant; Elle gouvernera la Flandre ou la Sardaigne. Elle est l'infante, elle a cinq ans, elle dédaigne. Car les enfants des rois sont ainsi; leurs fronts blancs Portent un cercle d'ombre, et leurs pas chancelants Sont des commencements de règne. Elle respire Sa fleur en attendant qu'on lui cueille un empire; Et son regard, déjà royal, dit: C'est à moi. Il sort d'elle un amour mêlé d'un vague effroi. Si quelqu'un, la voyant si tremblante et si frêle, Fût-ce pour la sauver mettait la main sur elle, Avant qu'il eût pu faire un pas ou dire un mot, Il aurait sur le front l'ombre de l'échafaud. La douce enfant sourit, ne faisant autre chose Que de vivre et d'avoir dans la main une rose, Et d'être là devant le ciel, parmi les fleurs. Le jour s'éteint; les nids chuchotent, querelleurs; Les pourpres du couchant sont dans les branches d'arbre; La rougeur monte au front des déesses de marbre Qui semblent palpiter sentant venir la nuit; Et tout ce qui planait redescend; plus de bruit, Plus de flamme; le soir mystérieux recueille Le soleil sous la vague et l'oiseau sous la feuille. Pendant que l'enfant rit, cette fleur à la main, Dans le vaste palais catholique romain Dont chaque ogive semble au soleil une mitre, LA CONFIANCE DU MARQUIS FABRICE 88

« Sortant du frais bouton comme d'une urne ouverte, Charge la petitesse exquise de sa main; Quand l'enfant, allongeant ses lèvres de carmin, Fronce, en la respirant, sa riante narine, La magnifique fleur, royale et purpurine, Cache plus qu'à demi ce visage charmant, Si bien que l'oeil hésite, et qu'on ne sait comment Distinguer de la fleur ce bel enfant qui joue, Et si l'on voit la rose ou si l'on voit la joue. Ses yeux bleus sont plus beaux sous son pur sourcil brun. En elle tout est joie, enchantement, parfum; Quel doux regard, l'azur! et quel doux nom, Marie! Tout est rayon: son oeil éclaire et son nom prie. Pourtant, devant la vie et sous le firmament, Pauvre être! elle se sent très grande vaguement; Elle assiste au printemps, à la lumière, à l'ombre, Au grand soleil couchant horizontal et sombre, A la magnificence éclatante du soir, Aux ruisseaux murmurants qu'on entend sans les voir, Aux champs, à la nature éternelle et sereine, Avec la gravité d'une petite reine; Elle n'a jamais vu l'homme que se courbant; Un jour, elle sera duchesse de Brabant; Elle gouvernera la Flandre ou la Sardaigne. Elle est l'infante, elle a cinq ans, elle dédaigne. Car les enfants des rois sont ainsi; leurs fronts blancs Portent un cercle d'ombre, et leurs pas chancelants Sont des commencements de règne.

Elle respire Sa fleur en attendant qu'on lui cueille un empire; Et son regard, déjà royal, dit: C'est à moi. Il sort d'elle un amour mêlé d'un vague effroi. Si quelqu'un, la voyant si tremblante et si frêle, Fût-ce pour la sauver mettait la main sur elle, Avant qu'il eût pu faire un pas ou dire un mot, Il aurait sur le front l'ombre de l'échafaud. La douce enfant sourit, ne faisant autre chose Que de vivre et d'avoir dans la main une rose, Et d'être là devant le ciel, parmi les fleurs. Le jour s'éteint; les nids chuchotent, querelleurs; Les pourpres du couchant sont dans les branches d'arbre; La rougeur monte au front des déesses de marbre Qui semblent palpiter sentant venir la nuit; Et tout ce qui planait redescend; plus de bruit, Plus de flamme; le soir mystérieux recueille Le soleil sous la vague et l'oiseau sous la feuille. Pendant que l'enfant rit, cette fleur à la main, Dans le vaste palais catholique romain Dont chaque ogive semble au soleil une mitre, La Legende des Siecles LA CONFIANCE DU MARQUIS FABRICE 88. »

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