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La Legende des Siecles Ce monde est mort.

Publié le 12/04/2014

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La Legende des Siecles Ce monde est mort. Mais quoi! l'homme est-il mort aussi? Cette forme de lui disparaissant, l'a-t-elle Lui-même remporté dans l'énigme éternelle? L'océan est désert. Pas une voile au loin. Ce n'est plus que du flot que le flot est témoin. Pas un esquif vivant sur l'onde où la mouette Voit du Léviathan rôder la silhouette. Est-ce que l'homme, ainsi qu'un feuillage jauni, S'en est allé dans l'ombre? Est-ce que c'est fini? Seul, le flux et reflux va, vient, passe et repasse. Et l'oeil, pour retrouver l'homme absent de l'espace, Regarde en vain là-bas. Rien. Regardez là-haut. II PLEIN CIEL Loin dans les profondeurs, hors des nuits, hors du flot, Dans un écartement de nuages, qui laisse Voir au-dessus des mers la céleste allégresse, Un point vague et confus apparaît; dans le vent, Dans l'espace, ce point se meut; il est vivant, Il va, descend, remonte; il fait ce qu'il veut faire; Il approche, il prend forme, il vient; c'est une sphère, C'est un inexprimable et surprenant vaisseau, Globe comme le monde, et comme l'aigle oiseau; C'est un navire en marche. Où? Dans l'éther sublime! Rêve! on croit voir planer un morceau d'une cime; Le haut d'une montagne a, sous l'orbe étoilé, Pris des ailes et s'est tout à coup envolé? Quelque heure immense étant dans les destins sonnée, La nuit errante s'est en vaisseau façonnée? La Fable apparaît-elle à nos yeux décevants? L'antique Éole a-t-il jeté son outre aux vents? De sorte qu'en ce gouffre où les orages naissent, Les vents, subitement domptés, la reconnaissent? Est-ce l'aimant qui s'est fait aider par l'éclair Pour bâtir un esquif céleste avec de l'air? Du haut des clairs azurs vient-il une visite? Est-ce un transfiguré qui part et ressuscite, Qui monte, délivré de la terre, emporté Sur un char volant fait d'extase et de clarté, Et se rapproche un peu par instants pour qu'on voie, Du fond du monde noir, la fuite de sa joie? Ce n'est pas un morceau d'une cime; ce n'est Ni l'outre où tout le vent de la Fable tenait, Ni le jeu de l'éclair; ce n'est pas un fantôme LE CRAPAUD 111 La Legende des Siecles Venu des profondeurs aurorales du dôme; Ni le rayonnement d'un ange qui s'en va, Hors de quelque tombeau béant, vers Jéhovah; Ni rien de ce qu'en songe ou dans la fièvre on nomme. Qu'est-ce que ce navire impossible? C'est l'homme. C'est la grande révolte obéissante à Dieu! La sainte fausse clef du fatal gouffre bleu! C'est Isis qui déchire éperdument son voile! C'est du métal, du bois, du chanvre et de la toile, C'est de la pesanteur délivrée, et volant; C'est la force alliée à l'homme étincelant, Fière, arrachant l'argile à sa chaîne éternelle; C'est la matière, heureuse, altière, ayant en elle De l'ouragan humain, et planant à travers L'immense étonnement des cieux enfin ouverts! Audace humaine! effort du captif! sainte rage! Effraction enfin plus forte que la cage! Que faut-il à cet être, atome au large front, Pour vaincre ce qui n'a ni fin, ni bord, ni fond, Pour dompter le vent, trombe, et l'écume, avalanche? Dans le ciel une toile et sur mer une planche. Jadis des quatre vents la fureur triomphait; De ces quatre chevaux échappés l'homme a fait L'attelage de son quadrige; Génie, il les tient tous dans sa main, fier cocher Du char aérien que l'éther voit marcher; Miracle, il gouverne un prodige. Char merveilleux! son nom est Délivrance. Il court Près de lui le ramier est lent, le flocon lourd; Le daim, l'épervier, la panthère Sont encor là, qu'au loin son ombre a déjà fui; Et la locomotive est reptile, et, sous lui, L'hydre de flamme est ver de terre. Une musique, un chant, sort de son tourbillon. Ses cordages vibrants et remplis d'aquilon Semblent, dans le vide où tout sombre, Une lyre à travers laquelle par moment Passe quelque âme en fuite au fond du firmament Et mêlée aux souffles de l'ombre. Car l'air, c'est l'hymne épars; l'air, parmi les récifs Des nuages roulant en groupes convulsifs, Jette mille voix étouffées; Les fluides, l'azur, l'effluve, l'élément, Sont toute une harmonie où flottent vaguement On ne sait quels sombres Orphées. LE CRAPAUD 112

« Venu des profondeurs aurorales du dôme; Ni le rayonnement d'un ange qui s'en va, Hors de quelque tombeau béant, vers Jéhovah; Ni rien de ce qu'en songe ou dans la fièvre on nomme. Qu'est-ce que ce navire impossible? C'est l'homme. C'est la grande révolte obéissante à Dieu! La sainte fausse clef du fatal gouffre bleu! C'est Isis qui déchire éperdument son voile! C'est du métal, du bois, du chanvre et de la toile, C'est de la pesanteur délivrée, et volant; C'est la force alliée à l'homme étincelant, Fière, arrachant l'argile à sa chaîne éternelle; C'est la matière, heureuse, altière, ayant en elle De l'ouragan humain, et planant à travers L'immense étonnement des cieux enfin ouverts! Audace humaine! effort du captif! sainte rage! Effraction enfin plus forte que la cage! Que faut-il à cet être, atome au large front, Pour vaincre ce qui n'a ni fin, ni bord, ni fond, Pour dompter le vent, trombe, et l'écume, avalanche? Dans le ciel une toile et sur mer une planche. Jadis des quatre vents la fureur triomphait; De ces quatre chevaux échappés l'homme a fait L'attelage de son quadrige; Génie, il les tient tous dans sa main, fier cocher Du char aérien que l'éther voit marcher; Miracle, il gouverne un prodige. Char merveilleux! son nom est Délivrance.

Il court Près de lui le ramier est lent, le flocon lourd; Le daim, l'épervier, la panthère Sont encor là, qu'au loin son ombre a déjà fui; Et la locomotive est reptile, et, sous lui, L'hydre de flamme est ver de terre. Une musique, un chant, sort de son tourbillon. Ses cordages vibrants et remplis d'aquilon Semblent, dans le vide où tout sombre, Une lyre à travers laquelle par moment Passe quelque âme en fuite au fond du firmament Et mêlée aux souffles de l'ombre. Car l'air, c'est l'hymne épars; l'air, parmi les récifs Des nuages roulant en groupes convulsifs, Jette mille voix étouffées; Les fluides, l'azur, l'effluve, l'élément, Sont toute une harmonie où flottent vaguement On ne sait quels sombres Orphées.

La Legende des Siecles LE CRAPAUD 112. »

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