La Curée pantoufle merveilleuse, garnie au talon d'ailes de libellules; les Aeridès, si tendrement parfumées; les Stanhopéa, aux fleurs pâles, tigrées, qui soufflent au loin, comme des gorges amères de convalescent, une haleine âcre et forte.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document


«
mystérieux, comme s'il avait lu le désir enfin formulé qui galvanisait ce coeur mort, le désir longtemps
fuyant, « l'autre chose » vainement cherchée par Renée dans le bercement de sa calèche, dans la cendre fine
de la nuit tombante, et que venait brusquement de lui révéler sous la clarté crue, au milieu de ce jardin de feu,
la vue de Louise et de Maxime, riant et jouant, les mains dans les mains.
A ce moment, un bruit de voix sortit d'un berceau voisin, dans lequel Aristide Saccard avait conduit les sieurs
Mignon et Charrier.
\24 Non, vrai, monsieur Saccard, disait la voix grasse de celui-ci, nous ne pouvons vous racheter cela à plus de
deux cents francs le mètre.
Et la voix aigre de Saccard se récriait:
\24 Mais, dans ma part, vous m'avez compté le mètre de terrain à deux cent cinquante francs.
\24 Eh bien, écoutez, nous mettons deux cent vingt-cinq francs.
Et les voix continuèrent, brutales, sonnant étrangement sous les palmes tombantes des massifs.
Mais elles
traversèrent comme un vain bruit le rêve de Renée, devant laquelle se dressait, avec l'appel du vertige, une
jouissance inconnue, chaude de crime, plus âpre que toutes celles qu'elle avait déjà épuisées, la dernière
qu'elle eût encore à boire.
Elle n'était plus lasse.
L'arbuste derrière lequel elle se cachait à demi, était une plante maudite, un Tanghin de Madagascar, aux
larges feuilles de buis, aux tiges blanchâtres, dont les moindres nervures distillent un lait empoisonné.
Et, à
un moment, comme Louise et Maxime riaient plus haut, dans le reflet jaune, dans le coucher de soleil du petit
salon, Renée, l'esprit perdu, la bouche sèche et irritée, prit entre ses lèvres un rameau de Tanghin, qui lui
venait à la hauteur des dents, et mordit une des feuilles amères.
PARTIE II
\24\24\24\24-
Aristide Rougon s'abattit sur Paris, au lendemain du 2 Décembre, avec ce flair des oiseaux de proie qui
sentent de loin les champs de bataille.
Il arrivait de Plassans, une sous-préfecture du Midi, où son père venait
enfin de pêcher dans l'eau trouble des événements une recette particulière longtemps convoitée.
Lui, jeune
encore, après s'être compromis comme un sot, sans gloire ni profit, avait dû s'estimer heureux de se tirer sain
et sauf de la bagarre.
Il accourait, enrageant d'avoir fait fausse route, maudissant la province, parlant de Paris
avec des appétits de loup, jurant « qu'il ne serait plus si bête »; et le sourire aigu dont il accompagnait ces
mots prenait une terrible signification sur ses lèvres minces.
Il arriva dans les premiers jours de 1852.
Il amenait avec lui sa femme Angèle, une personne blonde et fade,
qu'il installa dans un étroit logement de la rue Saint-Jacques, comme un meuble gênant dont il avait hâte de
se débarrasser.
La jeune femme n'avait pas voulu se séparer de sa fille, la petite Clotilde, une enfant de quatre
ans, que le père aurait volontiers laissée à la charge de sa famille.
Mais il ne s'était résigné au désir d'Angèle
qu'à la condition d'oublier au collège de Plassans leur fils Maxime, un galopin de onze ans, sur lequel sa
grand-mère avait promis de veiller.
Aristide voulait avoir les mains libres; une femme et un enfant lui
semblaient déjà un poids écrasant pour un homme décidé à franchir tous les fossés, quitte à se casser les reins
ou à rouler dans la boue.
Le soir même de son arrivée, pendant qu'Angèle défaisait les malles, il éprouva l'âpre besoin de courir Paris, La Curée
PARTIE II 24.
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