La Chartreuse de Parme violer ainsi, de la façon la plus criante, la sainte promesse que j'ai faite à la Madone?
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
archevêque Landriani, qui l'avait toujours aimé, et qui, dans le fait, avait eu l'idée de le faire coadjuteur,
conçut contre lui un peu de jalousie.
L'archevêque croyait avec raison devoir aller à toutes les fêtes de la cour,
comme il est d'usage en Italie.
Dans ces occasions, il portait son costume de grande cérémonie, qui, à peu de
chose près, est le même que celui qu'on lui voyait dans le choeur de sa cathédrale.
Les centaines de
domestiques réunis dans l'antichambre en colonnade du palais ne manquaient pas de se lever et de demander
sa bénédiction à Monseigneur, qui voulait bien s'arrêter et la leur donner.
Ce fut dans un de ces moments de
silence solennel que Mgr Landriani entendit une voix qui disait:
\24 Notre archevêque va au bal, et monsignore del Dongo ne sort pas de sa chambre!
De ce moment prit fin à l'archevêché l'immense faveur dont Fabrice y avait joui, mais il pouvait voler de ses
propres ailes.
Toute cette conduite, qui n'avait été inspirée que par le désespoir où le plongeait le mariage de
Clélia, passa pour l'effet d'une piété simple et sublime, et les dévotes lisaient, comme un livre d'édification, la
traduction de la généalogie de sa famille, où perçait la vanité la plus folle.
Les libraires firent une édition
lithographiée de son portrait, qui fut enlevée en quelques jours, et surtout par les gens du peuple; le graveur,
par ignorance, avait reproduit autour du portrait de Fabrice plusieurs des ornements qui ne doivent se trouver
qu'aux portraits des évêques, et auxquels un coadjuteur ne saurait prétendre.
L'archevêque vit un de ces
portraits, et sa fureur ne connut plus de bornes; il fit appeler Fabrice, et lui adressa les choses les plus dures, et
dans des termes que la passion rendit quelquefois fort grossiers.
Fabrice n'eut aucun effort à faire, comme on
le pense bien, pour se conduire comme l'eût fait Fénelon en pareille occurrence; il écouta l'archevêque avec
toute l'humilité et tout le respect possibles; et, lorsque ce prélat eut cessé de parler, il lui raconta toute l'histoire
de la traduction de cette généalogie faite par les ordres du comte Mosca, à l'époque de sa première prison.
Elle
avait été publiée dans des fins mondaines, et qui toujours lui avaient semblé peu convenables pour un homme
de son état.
Quant au portrait, il avait été parfaitement étranger à la seconde édition, comme à la première; et
le libraire lui ayant adressé à l'archevêché, pendant sa retraite, vingt-quatre exemplaires de cette seconde
édition, il avait envoyé son domestique en acheter un vingt-cinquième; et, ayant appris par ce moyen que ce
portrait se vendait trente sous, il avait envoyé cent francs comme paiement des vingt-quatre exemplaires.
Toutes ces raisons, quoique exposées du ton le plus raisonnable par un homme qui avait bien d'autres chagrins
dans le coeur, portèrent jusqu'à l'égarement la colère de l'archevêque; il alla jusqu'à accuser Fabrice
d'hypocrisie.
"Voilà ce que c'est que les gens du commun, se dit Fabrice, même quand ils ont de l'esprit!"
Il avait alors un souci plus sérieux; c'étaient les lettres de sa tante, qui exigeait absolument qu'il vînt reprendre
son appartement au palais Sanseverina, ou que du moins il vînt la voir quelquefois.
Là Fabrice était certain
d'entendre parler des fêtes splendides données par le marquis Crescenzi à l'occasion de son mariage: or, c'est
ce qu'il n'était pas sûr de pouvoir supporter sans se donner en spectacle.
Lorsque la cérémonie du mariage eut lieu, il y avait huit jours entiers que Fabrice s'était voué au silence le
plus complet, après avoir ordonné à son domestique et aux gens de l'archevêché avec lesquels il avait des
rapports de ne jamais lui adresser la parole.
Monsignore Landriani ayant appris cette nouvelle affectation, fit appeler Fabrice beaucoup plus souvent qu'à
l'ordinaire, et voulut avoir avec lui de fort longues conversations; il l'obligea même à des conférences avec
certains chanoines de campagne, qui prétendaient que l'archevêché avait agi contre leurs privilèges.
Fabrice
prit toutes ces choses avec l'indifférence parfaite d'un homme qui a d'autres pensées."Il vaudrait mieux pour
moi, pensait-il, me faire chartreux; je souffrirais moins dans les rochers de Velleja."
Il alla voir sa tante, et ne put retenir ses larmes en l'embrassant.
Elle le trouva tellement changé, ses yeux,
encore agrandis par l'extrême maigreur, avaient tellement l'air de lui sortir de la tête, et lui-même avait une La Chartreuse de Parme
CHAPITRE XXVI 248.
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