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La Chartreuse de Parme violer ainsi, de la façon la plus criante, la sainte promesse que j'ai faite à la Madone?

Publié le 12/04/2014

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La Chartreuse de Parme violer ainsi, de la façon la plus criante, la sainte promesse que j'ai faite à la Madone? Fabrice la serrait dans ses bras, hors de lui de surprise et de bonheur. Un entretien qui commençait avec cette quantité de choses à se dire ne devait pas finir de longtemps. Fabrice lui raconta l'exacte vérité sur l'exil de son père; la duchesse ne s'en était mêlée en aucune sorte, par la grande raison qu'elle n'avait pas cru un seul instant que l'idée du poison appartînt au général Conti; elle avait toujours pensé que c'était un trait d'esprit de la faction Raversi qui voulait chasser le comte Mosca. Cette vérité historique longuement développée rendit Clélia fort heureuse, elle était désolée de devoir haïr quelqu'un qui appartenait à Fabrice. Maintenant elle ne voyait plus la duchesse d'un oeil jaloux. Le bonheur que cette soirée établit ne dura que quelques jours. L'excellent don Cesare arriva de Turin; et, puisant de la hardiesse dans la parfaite honnêteté de son coeur, il osa se faire présenter à la duchesse. Après lui avoir demandé sa parole de ne point abuser de la confidence qu'il allait lui faire, il avoua que son frère, abusé par un faux point d'honneur, et qui s'était cru bravé et perdu dans l'opinion par la fuite de Fabrice, avait cru devoir se venger. Don Cesare n'avait pas parlé deux minutes, que son procès était gagné: sa vertu parfaite avait touché la duchesse, qui n'était point accoutumée à un tel spectacle. Il lui plut comme nouveauté. Hâtez le mariage de la fille du général avec le marquis Crescenzi, et je vous donne ma parole que je ferai tout ce qui est en moi pour que le général soit reçu comme s'il revenait de voyage. Je l'inviterai à dîner; êtes-vous content? Sans doute il y aura du froid dans les commencements, et le général ne devra point se hâter de demander sa place de gouverneur de la citadelle. Mais vous savez que j'ai de l'amitié pour le marquis, et je ne conserverai point de rancune contre son beau-père. Armé de ces paroles, don Cesare vint dire à sa nièce qu'elle tenait en ses mains la vie de son père, malade de désespoir. Depuis plusieurs mois il n'avait paru à aucune cour. Clélia voulut aller voir son père, réfugié, sous un nom supposé, dans un village près de Turin; car il s'était figuré que la cour de Parme demandait son extradition à celle de Turin, pour le mettre en jugement. Elle le trouva malade et presque fou. Le soir même elle écrivit à Fabrice, une lettre d'éternelle rupture. En recevant cette lettre Fabrice, qui développait un caractère tout à fait semblable à celui de sa maîtresse, alla se mettre en retraite au couvent de Velleja, situé dans les montagnes, à dix lieues de Parme. Clélia lui écrivait une lettre de dix pages: elle lui avait juré jadis de ne jamais épouser le marquis sans son consentement; maintenant elle le lui demandait et Fabrice le lui accorda du fond de sa retraite dé Velleja, par une lettre remplie de l'amitié la plus pure. En recevant cette lettre dont, il faut l'avouer, l'amitié l'irrita, Clélia fixa elle-même le jour de son mariage, dont les fêtes vinrent encore augmenter l'éclat dont brilla cet hiver la cour de Parme. Ranuce-Ernest V était avare au fond, mais il était éperdument amoureux, et il espérait fixer la duchesse à sa cour; il pria sa mère d'accepter une somme fort considérable, et de donner des fêtes . La grande maîtresse sut tirer un admirable parti de cette augmentation de richesses; les fêtes de Parme, cet hiver-là, rappelèrent les beaux jours de la cour de Milan et de cet aimable Prince Eugène vice-roi d'Italie, dont la bonté laisse un si long souvenir. Les devoirs du coadjuteur l'avaient rappelé à Parme; mais il déclara que, par des motifs de piété, il continuerait sa retraite dans le petit appartement que son protecteur, Mgr Landriani l'avait forcé de prendre à l'archevêché; et il alla s'y enfermer, suivi d'un seul domestique. Ainsi il n'assista à aucune des fêtes si brillantes de la cour ce qui lui valut à Parme et dans son futur diocèse une immense réputation de sainteté. Par un effet inattendu de cette retraite qu'inspirait seule à Fabrice sa tristesse profonde et sans espoir, le bon CHAPITRE XXVI 247 La Chartreuse de Parme archevêque Landriani, qui l'avait toujours aimé, et qui, dans le fait, avait eu l'idée de le faire coadjuteur, conçut contre lui un peu de jalousie. L'archevêque croyait avec raison devoir aller à toutes les fêtes de la cour, comme il est d'usage en Italie. Dans ces occasions, il portait son costume de grande cérémonie, qui, à peu de chose près, est le même que celui qu'on lui voyait dans le choeur de sa cathédrale. Les centaines de domestiques réunis dans l'antichambre en colonnade du palais ne manquaient pas de se lever et de demander sa bénédiction à Monseigneur, qui voulait bien s'arrêter et la leur donner. Ce fut dans un de ces moments de silence solennel que Mgr Landriani entendit une voix qui disait: Notre archevêque va au bal, et monsignore del Dongo ne sort pas de sa chambre! De ce moment prit fin à l'archevêché l'immense faveur dont Fabrice y avait joui, mais il pouvait voler de ses propres ailes. Toute cette conduite, qui n'avait été inspirée que par le désespoir où le plongeait le mariage de Clélia, passa pour l'effet d'une piété simple et sublime, et les dévotes lisaient, comme un livre d'édification, la traduction de la généalogie de sa famille, où perçait la vanité la plus folle. Les libraires firent une édition lithographiée de son portrait, qui fut enlevée en quelques jours, et surtout par les gens du peuple; le graveur, par ignorance, avait reproduit autour du portrait de Fabrice plusieurs des ornements qui ne doivent se trouver qu'aux portraits des évêques, et auxquels un coadjuteur ne saurait prétendre. L'archevêque vit un de ces portraits, et sa fureur ne connut plus de bornes; il fit appeler Fabrice, et lui adressa les choses les plus dures, et dans des termes que la passion rendit quelquefois fort grossiers. Fabrice n'eut aucun effort à faire, comme on le pense bien, pour se conduire comme l'eût fait Fénelon en pareille occurrence; il écouta l'archevêque avec toute l'humilité et tout le respect possibles; et, lorsque ce prélat eut cessé de parler, il lui raconta toute l'histoire de la traduction de cette généalogie faite par les ordres du comte Mosca, à l'époque de sa première prison. Elle avait été publiée dans des fins mondaines, et qui toujours lui avaient semblé peu convenables pour un homme de son état. Quant au portrait, il avait été parfaitement étranger à la seconde édition, comme à la première; et le libraire lui ayant adressé à l'archevêché, pendant sa retraite, vingt-quatre exemplaires de cette seconde édition, il avait envoyé son domestique en acheter un vingt-cinquième; et, ayant appris par ce moyen que ce portrait se vendait trente sous, il avait envoyé cent francs comme paiement des vingt-quatre exemplaires. Toutes ces raisons, quoique exposées du ton le plus raisonnable par un homme qui avait bien d'autres chagrins dans le coeur, portèrent jusqu'à l'égarement la colère de l'archevêque; il alla jusqu'à accuser Fabrice d'hypocrisie. "Voilà ce que c'est que les gens du commun, se dit Fabrice, même quand ils ont de l'esprit!" Il avait alors un souci plus sérieux; c'étaient les lettres de sa tante, qui exigeait absolument qu'il vînt reprendre son appartement au palais Sanseverina, ou que du moins il vînt la voir quelquefois. Là Fabrice était certain d'entendre parler des fêtes splendides données par le marquis Crescenzi à l'occasion de son mariage: or, c'est ce qu'il n'était pas sûr de pouvoir supporter sans se donner en spectacle. Lorsque la cérémonie du mariage eut lieu, il y avait huit jours entiers que Fabrice s'était voué au silence le plus complet, après avoir ordonné à son domestique et aux gens de l'archevêché avec lesquels il avait des rapports de ne jamais lui adresser la parole. Monsignore Landriani ayant appris cette nouvelle affectation, fit appeler Fabrice beaucoup plus souvent qu'à l'ordinaire, et voulut avoir avec lui de fort longues conversations; il l'obligea même à des conférences avec certains chanoines de campagne, qui prétendaient que l'archevêché avait agi contre leurs privilèges. Fabrice prit toutes ces choses avec l'indifférence parfaite d'un homme qui a d'autres pensées."Il vaudrait mieux pour moi, pensait-il, me faire chartreux; je souffrirais moins dans les rochers de Velleja." Il alla voir sa tante, et ne put retenir ses larmes en l'embrassant. Elle le trouva tellement changé, ses yeux, encore agrandis par l'extrême maigreur, avaient tellement l'air de lui sortir de la tête, et lui-même avait une CHAPITRE XXVI 248

« archevêque Landriani, qui l'avait toujours aimé, et qui, dans le fait, avait eu l'idée de le faire coadjuteur, conçut contre lui un peu de jalousie.

L'archevêque croyait avec raison devoir aller à toutes les fêtes de la cour, comme il est d'usage en Italie.

Dans ces occasions, il portait son costume de grande cérémonie, qui, à peu de chose près, est le même que celui qu'on lui voyait dans le choeur de sa cathédrale.

Les centaines de domestiques réunis dans l'antichambre en colonnade du palais ne manquaient pas de se lever et de demander sa bénédiction à Monseigneur, qui voulait bien s'arrêter et la leur donner.

Ce fut dans un de ces moments de silence solennel que Mgr Landriani entendit une voix qui disait: \24 Notre archevêque va au bal, et monsignore del Dongo ne sort pas de sa chambre! De ce moment prit fin à l'archevêché l'immense faveur dont Fabrice y avait joui, mais il pouvait voler de ses propres ailes.

Toute cette conduite, qui n'avait été inspirée que par le désespoir où le plongeait le mariage de Clélia, passa pour l'effet d'une piété simple et sublime, et les dévotes lisaient, comme un livre d'édification, la traduction de la généalogie de sa famille, où perçait la vanité la plus folle.

Les libraires firent une édition lithographiée de son portrait, qui fut enlevée en quelques jours, et surtout par les gens du peuple; le graveur, par ignorance, avait reproduit autour du portrait de Fabrice plusieurs des ornements qui ne doivent se trouver qu'aux portraits des évêques, et auxquels un coadjuteur ne saurait prétendre.

L'archevêque vit un de ces portraits, et sa fureur ne connut plus de bornes; il fit appeler Fabrice, et lui adressa les choses les plus dures, et dans des termes que la passion rendit quelquefois fort grossiers.

Fabrice n'eut aucun effort à faire, comme on le pense bien, pour se conduire comme l'eût fait Fénelon en pareille occurrence; il écouta l'archevêque avec toute l'humilité et tout le respect possibles; et, lorsque ce prélat eut cessé de parler, il lui raconta toute l'histoire de la traduction de cette généalogie faite par les ordres du comte Mosca, à l'époque de sa première prison.

Elle avait été publiée dans des fins mondaines, et qui toujours lui avaient semblé peu convenables pour un homme de son état.

Quant au portrait, il avait été parfaitement étranger à la seconde édition, comme à la première; et le libraire lui ayant adressé à l'archevêché, pendant sa retraite, vingt-quatre exemplaires de cette seconde édition, il avait envoyé son domestique en acheter un vingt-cinquième; et, ayant appris par ce moyen que ce portrait se vendait trente sous, il avait envoyé cent francs comme paiement des vingt-quatre exemplaires. Toutes ces raisons, quoique exposées du ton le plus raisonnable par un homme qui avait bien d'autres chagrins dans le coeur, portèrent jusqu'à l'égarement la colère de l'archevêque; il alla jusqu'à accuser Fabrice d'hypocrisie. "Voilà ce que c'est que les gens du commun, se dit Fabrice, même quand ils ont de l'esprit!" Il avait alors un souci plus sérieux; c'étaient les lettres de sa tante, qui exigeait absolument qu'il vînt reprendre son appartement au palais Sanseverina, ou que du moins il vînt la voir quelquefois.

Là Fabrice était certain d'entendre parler des fêtes splendides données par le marquis Crescenzi à l'occasion de son mariage: or, c'est ce qu'il n'était pas sûr de pouvoir supporter sans se donner en spectacle. Lorsque la cérémonie du mariage eut lieu, il y avait huit jours entiers que Fabrice s'était voué au silence le plus complet, après avoir ordonné à son domestique et aux gens de l'archevêché avec lesquels il avait des rapports de ne jamais lui adresser la parole. Monsignore Landriani ayant appris cette nouvelle affectation, fit appeler Fabrice beaucoup plus souvent qu'à l'ordinaire, et voulut avoir avec lui de fort longues conversations; il l'obligea même à des conférences avec certains chanoines de campagne, qui prétendaient que l'archevêché avait agi contre leurs privilèges.

Fabrice prit toutes ces choses avec l'indifférence parfaite d'un homme qui a d'autres pensées."Il vaudrait mieux pour moi, pensait-il, me faire chartreux; je souffrirais moins dans les rochers de Velleja." Il alla voir sa tante, et ne put retenir ses larmes en l'embrassant.

Elle le trouva tellement changé, ses yeux, encore agrandis par l'extrême maigreur, avaient tellement l'air de lui sortir de la tête, et lui-même avait une La Chartreuse de Parme CHAPITRE XXVI 248. »

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