La Chartreuse de Parme Non, cher ami, je ne vous dirai pas que je vous ai aimé avec cette passion et ces transports que l'on n'éprouve plus, ce me semble, après trente ans, et je suis déjà bien loin de cet âge.
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
"Grand Dieu! serait-il possible, pensa-t-il, qu'elle ne fût que malade? en ce cas pourtant ce serait le début de
quelque maladie fort grave."Alors, rempli d'inquiétude, il proposa de faire appeler le célèbre Razori, le
premier médecin du pays et de l'Italie'.
\24 Vous voulez donc donner à un étranger le plaisir de connaître toute l'étendue de mon désespoir?...
Est-ce là
le conseil d'un traître ou d'un ami?
Et elle le regarda avec des yeux étranges.
"C'en est fait, se dit-il avec désespoir, elle n'a plus d'amour pour moi! et bien plus, elle ne me place plus
même au rang des hommes d'honneur vulgaires."
Je vous dirai, ajouta le comte en parlant avec empressement, que j'ai voulu avant tout avoir des détails sur
l'arrestation qui nous met au désespoir, et, chose étrange! je ne sais encore rien de positif; j'ai fait interroger
les gendarmes de la station voisine, ils ont vu arriver le prisonnier par la route de Castelnovo, et ont reçu
l'ordre de suivre sa sediola.
J'ai réexpédié aussitôt Bruno, dont vous connaissez le zèle non moins que le
dévouement; il a ordre de remonter de station en station pour savoir où et comment Fabrice a été arrêté.
En entendant prononcer le nom de Fabrice, la duchesse fut saisie d'une légère convulsion.
`
\24 Pardonnez, mon ami, dit-elle au comte dès qu'elle put parler; ces détails m'intéressent fort, donnez-les-moi
tous, faites-moi bien comprendre les plus petites circonstances.
\24 Eh bien! madame, reprit le comte en essayant un petit air de légèreté pour tenter de la distraire un peu, j'ai
envie d'envoyer un commis de confiance à Bruno et d'ordonner à celui-ci de pousser jusqu'à Bologne; c'est là,
peut-être, qu'on aura enlevé notre jeune ami.
De quelle date est sa dernière lettre?
\24 De mardi, il y a cinq jours.
\24 Avait-elle été ouverte à la poste?
\24 Aucune trace d'ouverture.
Il faut vous dire qu'elle était écrite sur du papier horrible; l'adresse est d'une main
de femme, et cette adresse porte le nom d'une vieille blanchisseuse parente de ma femme de chambre.
La
blanchisseuse croit qu'il s'agit d'une affaire d'amour, et la Chékina lui rembourse les ports de lettres sans y rien
ajouter.
Le comte, qui avait pris tout à fait le ton d'un homme d'affaires, essaya de découvrir, en discutant avec la
duchesse, quel pouvait avoir été le jour de l'enlèvement à Bologne.
Il s'aperçut alors seulement, lui qui avait
ordinairement tant de tact, que c'était là le ton qu'il fallait prendre.
Ces détails intéressaient la malheureuse
femme et semblaient la distraire un peu.
Si le comte n'eût pas été amoureux, il eût eu cette idée si simple dès
son entrée dans la chambre.
La duchesse le renvoya pour qu'il pût sans délai expédier de nouveaux ordres au
fidèle Brano.
Comme on s'occupait en passant de la question de savoir s'il y avait eu sentence avant le
moment où le prince avait signé le billet adressé à la duchesse, celle-ci saisit avec une sorte d'empressement
l'occasion de dire au comte:
\24 Je ne vous reprocherai point d'avoir omis les mots injuste procédure dans le billet que vous écrivîtes et qu'il
signa, c'était l'instinct de courtisan qui vous prenait à la gorge; sans vous en douter, vous préfériez l'intérêt de
votre maître à celui de votre amie.
Vous avez mis vos actions à mes ordres, cher comte, et cela depuis
longtemps, mais il n'est pas en votre pouvoir de changer votre nature, vous avez de grands talents pour être
ministre, mais vous avez aussi l'instinct de ce métier.
La suppression du mot injuste me perd mais loin de moi
de vous la reprocher en aucune façon, ce fut la faute de l'instinct et non pas celle de la volonté.
La Chartreuse de Parme
CHAPITRE XVI 154.
»
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