La Chartreuse de Parme Les yeux de la jeune fille avaient déjà pris une tout autre expression; mais, suivant les instructions cent fois répétées de son père, elle répondit avec un air d'ignorance que le langage de ses yeux contredisait hautement: Je n'ai rien appris, monseigneur.
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
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\24 Ceci peut s'appeler des menaces, lui dit-il...
des menaces à un homme de ma sorte!
Il n'y eut pas d'autres paroles échangées entre le père et la fille pendant vingt minutes.
En recevant l'anneau pastoral de l'archevêque, Clélia s'était bien promis de parler à son père, lorsqu'elle serait
en voiture, du petit service que le prélat lui demandait.
Mais après le mot menaces prononcé avec colère, elle
se tint pour assurée que son père intercepterait la commission; elle recouvrait cet anneau de la main gauche et
le serrait avec passion.
Durant tout le temps que l'on mit pour aller du ministère de l'Intérieur à la citadelle,
elle se demanda s'il serait criminel à elle de ne pas parler à son père.
Elle était fort pieuse, fort timorée, et son
coeur, si tranquille d'ordinaire, battait 'avec une violence inaccoutumée mais enfin le qui vive de la sentinelle
placée sur le rempart au-dessus de la porte retentit à l'approche de la voiture, avant que Clélia eût trouvé les
termes convenables pour disposer son père à ne pas refuser, tant elle avait peur d'être refusée! En montant les
trois cent soixante marches qui conduisaient au palais du gouverneur, Clélia ne trouva rien.
Elle se hâta de parler à son oncle, qui la gronda et refusa de se prêter à rien.
CHAPITRE XVI
\24Eh bien! s'écria le général, en apercevant son frère don Cesare, voilà la duchesse qui va dépenser cent mille
écus pour se moquer de moi et faire sauver le prisonnier!
Mais pour le moment, nous sommes obligés de laisser Fabrice dans sa prison, tout au faîte de la citadelle de
Parme; on le garde bien, et nous l'y retrouverons peut-être un peu changé.
Nous allons nous occuper avant
tout de la cour, où des intrigues fort compliquées, et surtout les passions d'une femme malheureuse vont
décider de son sort.
En montant les trois cent quatre-vingt-dix marches' de sa prison à la tour Farnèse, sous
les yeux du gouverneur, Fabrice, qui avait tant redouté ce moment, trouva qu'il n'avait pas le temps de songer
au malheur.
En rentrant chez elle après la soirée du comte Zurla, la duchesse renvoya ses femmes d'un geste puis, se
laissant tomber tout habillée sur son lit
\24 Fabrice, s'écria-t-elle à haute voix, est au pouvoir de ses ennemis, et peut-être à cause de moi ils lui
donneront du poison!
Comment peindre le moment de désespoir qui suivit cet exposé de la situation, chez une femme aussi peu
raisonnable, aussi esclave de la sensation présente, et, sans se l'avouer, éperdument amoureuse du Jeune
prisonnier? Ce furent des cris inarticulés des transports de rage, des mouvements convulsifs, mais pas une
larme.
Elle renvoyait ses femmes pour les cacher, elle pensait qu'elle allait éclater en sanglots dès qu'elle se
trouverait seule; mais les larmes, ce premier soulagement des grandes douleurs, lui manquèrent tout à fait.
La
colère, l'indignation, le sentiment de son infériorité vis-à-vis du prince, dominaient trop cette âme altière.
"Suis-je assez humiliée! s'écriait-elle à chaque instant; on m'outrage, et, bien plus, on expose la vie de
Fabrice! et je ne me vengerai pas! Halte-là, mon prince! vous me tuez, soit, vous en avez le pouvoir; mais
ensuite moi j'aurai votre vie.
Hélas! pauvre Fabrice, à quoi cela te servirait-il? Quelle différence avec ce jour
où je voulus quitter Parme! et pourtant alors je me croyais malheureuse...
quel aveuglement! J'allais briser
toutes les habitudes d'une vie agréable : hélas! sans le savoir, je touchais à un événement qui allait à jamais
décider de mon sort.
Si, par ses infâmes habitudes de plate courtisanerie, le comte n'eût supprimé le mot La Chartreuse de Parme
CHAPITRE XVI 148.
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