La Bete Humaine d'ailleurs, tournait contre lui, à ce point que son ancien interrogatoire, lors de la première enquête, qui aurait dû appuyer sa nouvelle version, puisqu'il y avait dénoncé Cabuche, devint au contraire la preuve d'une entente extraordinairement habile entre eux.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
\24Oh! elles le racontent comme un commérage, en n'osant elles-mêmes y croire.
Jaloux, ce Roubaud qui
facilitait les rendez-vous de sa femme avec un amant! Ah! il peut, en pleines assises, répéter ce conte, il
n'arrivera pas à soulever le scandale cherché!...
S'il apportait quelque preuve encore! mais il ne produit rien.
Il
parle bien de la lettre qu'il prétend avoir fait écrire à sa femme et qu'on aurait dû trouver dans les papiers de la
victime...
Vous, monsieur le secrétaire général, qui avez classé ces papiers, vous l'auriez trouvée, n'est-ce
pas?
M.
Camy-Lamotte ne répondit point.
C'était vrai, le scandale allait être enterré enfin, avec le système du
juge: personne ne croirait Roubaud, la mémoire du président serait lavée des soupçons abominables, l'empire
bénéficierait de cette réhabilitation tapageuse d'une de ses créatures.
Et, d'ailleurs, puisque ce Roubaud se
reconnaissait coupable, qu'importait à l'idée de justice qu'il fût condamné pour une version ou pour l'autre! Il
y avait bien Cabuche; mais, si celui-ci n'avait pas trempé dans le premier meurtre, il semblait être réellement
l'auteur du second.
Puis, mon Dieu! la justice, quelle illusion dernière! Vouloir être juste, n'était-ce pas un
leurre, quand la vérité est si obstruée de broussailles? Il valait mieux être sage, étayer d'un coup d'épaule cette
société finissante qui menaçait ruine.
\24N'est-ce pas? répéta M.
Denizet, vous ne l'avez pas trouvée, cette lettre?
De nouveau, M.
Camy-Lamotte leva les yeux sur lui; et tranquillement, seul maître de la situation, prenant
pour sa conscience le remords qui avait inquiété l'empereur, il répondit:
\24Je n'ai absolument rien trouvé.
Ensuite, souriant, très aimable, il combla le juge d'éloges.
A peine un pli léger des lèvres indiquait-il une
invincible ironie.
Jamais une instruction n'avait été menée avec tant de pénétration; et, c'était chose décidée
en haut lieu, on l'appellerait comme conseiller à Paris, après les vacances.
Il le reconduisit ainsi jusque sur le
palier.
\24Vous seul avez vu clair, c'est vraiment admirable...
Et, du moment que la vérité parle, il n'y a rien qui la
puisse arrêter, ni l'intérêt des personnes, ni même la raison d'état...
Marchez, que l'affaire suive son cours,
quelles qu'en soient les conséquences.
\24Le devoir de la magistrature est là tout entier, conclut M.
Denizet, qui salua et partit, rayonnant.
Lorsqu'il fut seul, M.
Camy-Lamotte alluma d'abord une bougie; puis, il alla prendre, dans le tiroir où il
l'avait classée, la lettre de Séverine.
La bougie brûlait très haute, il déplia la lettre, voulut en relire les deux
lignes; et le souvenir s'évoqua de cette criminelle délicate, aux yeux de pervenche, qui l'avait remué jadis
d'une si tendre sympathie.
Maintenant, elle était morte, il la revoyait tragique.
Qui savait le secret qu'elle avait
dû emporter? Certes, oui, une illusion, la vérité, la justice! Il ne restait pour lui, de cette femme inconnue et
charmante, que le désir d'une minute dont elle l'avait effleuré et qu'il n'avait pas satisfait.
Et, comme il
approchait la lettre de la bougie, et qu'elle flambait, il fut pris d'une grande tristesse, d'un pressentiment de
malheur: à quoi bon détruire cette preuve, charger sa conscience de cette action, si le destin était que l'empire
fût balayé, ainsi que la pincée de cendre noire, tombée de ses doigts?
En moins d'une semaine, M.
Denizet termina l'instruction.
Il trouvait dans la Compagnie de l'Ouest une bonne
volonté extrême, tous les documents désirables, tous les témoignages utiles; car elle aussi souhaitait vivement
d'en finir, avec cette déplorable histoire d'un de ses employés, qui, remontant à travers les rouages
compliqués de son organisme, avait failli ébranler jusqu'à son conseil d'administration.
Il fallait au plus vite
couper le membre gangrené.
Aussi, de nouveau, défilèrent dans le cabinet du juge le personnel de la gare du
Havre, M.
Dabadie, Moulin et les autres, qui donnèrent des détails désastreux sur la mauvaise conduite de
Roubaud; puis, le chef de gare de Barentin, M.
Bessière, ainsi que plusieurs employés de Rouen, dont les La Bete Humaine
XII 188.
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