La belle Gabrielle, vol.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Il faut chercher, dit-elle.
Gratienne!
Mademoiselle?
Mène-moi dans le bateau jusqu'à la maison.
Là certainement on trouvera des provisions.
Non! non! s'écria Henri; j'aime mieux me rassasier de votre vue; je soupe en vous admirant.
Je mangerai
vos mains mignonnes....
Pauvre nourriture pour l'estomac, sire!
J'y perds la faim!...
Cherchons! cherchons! dit Gabrielle en repoussant doucement Henri, qui après avoir mangé les mains
entamait les bras.
Il s'arrêta pour ne point déplaire à sa maîtresse, et faute d'aliments immatériels, se mit à songer aux aliments
du corps.
Il me semble, dit-il, que l'on parlait tout à l'heure des monstres qui se prennent dans les vannes du moulin.
N'y a-t-il pas quelque nasse tendue ou quelque hameçon qui pende? Les meuniers n'en font jamais d'autre.
Je ne sais, dit Gabrielle.
Je trouverai bien, moi.
Plus d'une fois j'ai soupé à merveille dans le moulin, en maigre ...
Mais qu'importe.
Après quelques minutes d'une revue passée autour du bateau, le roi vit une ficelle vagabonde qui s'éloignait ou
se rapprochait du plat-bord avec des tressaillements et des convulsions de bon augure.
C'était en effet une des
lignes que maître Denis avait grand soin de tendre chaque soir.
Une belle anguille avait mordu et cherchait à
rouler ses spirales autour d'un pieu quelconque pour résister à la main qui l'attirait hors de l'eau; mais le roi
joignit l'adresse à la force, et amena sa proie, sur laquelle Gratienne fondit joyeusement, tandis que Gabrielle
reculait avec un sentiment d'effroi.
Eh bien! voici la chair, dit Henri, mais le feu, mais l'assaisonnement?
Un peu de lard, que voici, répliqua Gratienne, un oignon que voilà, une croûte comme on les a chez un
meunier, et un demi-verre du petit vin de maître Denis, voici la cruche, et je demande un quart d'heure pour
servir Sa Majesté.
En disant ces mots, elle disparut à l'avant du bateau, où bientôt s'éleva une flamme de copeaux et de charbons
allumés sur un quartier de meule usée.
Un quart d'heure que j'emploierai bien, dit le roi, car je vais me mettre aux pieds de ma Gabrielle, et lui
dirai si souvent, si tendrement mon amour, que j'amollirai son coeur farouche.
La jeune fille, avec un mouvement charmant de la tête:
Oh! non, dit-elle, c'est impossible.
Rayez ce mot, ma mie.
La belle Gabrielle, vol.
1
XVI.
LE MOULIN DE LA CHAUSSÉE 124.
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