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Jean Giono, Le chant du monde.

Publié le 27/04/2011

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Les pâturages charrués de sources nouvelles chantaient une sourde chanson de velours, les arbres hauts craquaient d'un côté et de l'autre comme des mâts de navire. La bise noire était arrivée de l'est. Elle charriait sans arrêt des orages et un soleil extraordinaire. Les nuages des vallons palpitaient sous elle puis, tout d'un coup, ils s'arrachaient de leur lit et ils bondissaient dans le vent. De grandes pluies grises traversaient le ciel. Tout disparaissait : montagnes et forêts. La pluie pendait sous la brise comme les longs poils sous le ventre des boucs. Elle chantait dans les arbres, elle allait en silence à travers les larges pâturages. Alors arrivait le soleil, un soleil épais et de triple couleur, plus roux que du poil de renard, si lourd et si chaud qu'il éteignait tout, bruits et gestes. La brise se relevait. Il y avait un grand silence. Les branches encore sans feuilles étincelaient de mille petites flammes d'argent et, sous chaque flamme, dans la goutte d'eau brillante, les bourgeons neufs se gonflaient. Une épaisse odeur de sève et d'écorce fumait un moment dans l'air immobile. Le piétinement de la pluie passée descendait vers les fonds. La pluie nouvelle venait à travers les sapins, la bise retombait de tout son poids, les taches noires de la pluie et du soleil marchaient dans tout le pays sous une frondaison d'arcs-en-ciel.    Jean Giono, Le chant du monde.

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