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  Je crois pourtant que je suis avec vous.

Publié le 15/12/2013

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  Je crois pourtant que je suis avec vous. Mais ce n'est pas pour les mêmes raisons.   TROISIÈME PATRICIEN   Assez de bavardages !   CHEREA, se redressant.   Oui, assez de bavardages. Je veux que les choses soient claires. Car si je suis avec vous, je ne suis pas pour vous. C'est pourquoi votre méthode ne me paraît pas bonne. Vous n'avez pas reconnu votre véritable ennemi, vous lui prêtez de petits motifs. Il n'en a que de grands et vous courez à votre perte. Sachez d'abord le voir comme il est, vous pourrez mieux le combattre.   TROISIÈME PATRICIEN   Nous le voyons comme il est, le plus insensé des tyrans !     CHEREA   Ce n'est pas sûr. Les empereurs fous, nous connaissons cela. Mais celui-ci n'est pas assez fou. Et ce que je déteste en lui, c'est qu'il sait ce qu'il veut.   PREMIER PATRICIEN   Il veut notre mort à tous.   CHEREA   Non, car cela est secondaire. Mais il met son pouvoir au service d'une passion plus haute et plus mortelle, il nous menace dans ce que nous avons de plus profond. Sans doute, ce n'est pas la première fois que, chez nous, un homme dis. pose d'un pouvoir sans limites, mais c'est la première fois qu'il s'en sert sans limites, jusqu'à nier l'homme et le monde. Voilà ce qui m'effraye en lui et que je veux combattre. Perdre la vie est peu de chose et j'aurai ce courage quand il le faudra. Mais voir se dissiper le sens de cette vie, disparaître notre raison d'exister, voilà ce qui est insupportable. On ne peut vivre sans raison.   PREMIER PATRICIEN   La vengeance est une raison.   CHEREA   Oui, et je vais la partager avec vous. Mais comprenez que ce n'est pas pour prendre le parti de vos petites humiliations. C'est pour lutter contre une grande idée dont la victoire signifierait la fin du monde. Je puis admettre que vous soyez tournés en dérision, je ne puis accepter que Caligula fasse ce qu'il rêve de faire et tout ce qu'il rêve de faire. Il transforme sa philosophie en cadavres et, pour notre malheur, c'est une philosophie sans objections. Il faut bien frapper quand on ne peut réfuter.   TROISIÈME PATRICIEN   Alors, il faut agir.   CHEREA   Il faut agir. Mais vous ne détruirez pas cette puissance injuste en l'abordant de front, alors qu'elle est en pleine vigueur. On petit combattre la tyrannie, il faut ruser avec la méchanceté désintéressée. Il faut la pousser dans son sens, attendre que cette logique soit devenue démence. Mais encore une fois, et je n'ai parlé ici que par honnêteté, comprenez que je ne suis avec vous que pour un temps. Je ne servirai ensuite aucun de vos intérêts, désireux seulement de retrouver la paix dans un monde à nouveau cohérent. Ce n'est pas l'ambition qui me fait agir, mais une peur raisonnable, la peur de ce lyrisme inhumain auprès de quoi ma vie n'est rien.   PREMIER PATRICIEN, s'avançant.   Je crois que j'ai compris, ou à peu près. Mais l'essentiel est que tu juges comme nous que les bases de notre société sont ébranlées. Pour nous, n'est-ce pas, vous autres, la question est avant tout morale. La famille tremble, le respect (lu travail se perd, la patrie tout entière est livrée au blasphème. La vertu nous appelle à son secours, allons-nous refuser de l'entendre ? Conjurés, accepterez-vous enfin que les patriciens soient contraints chaque soir de courir autour de la litière, de César ?   LE VIEUX PATRICIEN   Permettrez-vous qu'on les appelle « Ma chérie » ?   TROISIÈME PATRICIEN   Qu'on leur enlève leur femme.   DEUXIÈME PATRICIEN   Et leurs enfants.   MUCIUS   Et leur argent ?   CINQUIÈME PATRICIEN   Non !   PREMIER PATRICIEN   Cherea, tu as bien parlé. Tu as bien fait aussi de nous calmer. Il est trop tôt pour agir : le peuple, aujourd'hui encore, serait contre nous. Veux-tu guetter avec nous le moment de conclure ?   CHEREA   Oui, laissons continuer Caligula. Poussons-le dans cette voie, au, contraire. Organisons sa folie. Un jour viendra où il sera seul devant un empire plein de morts et de parents de morts.   Clameur générale. Trompettes au dehors. Silence. Puis, de bouche en bouche un nom : Caligula.         SCÈNE III   Entrent Caligula et Caesonia, suivis d'Hélicon et de soldats. Scène muette. Caligula s'arrête et regarde les conjurés. Il va de l'un à l'autre en silence, arrange une boucle à l'un, recule pour contempler un second, les regarde encore, passe la main sur ses yeux et sort, sans dire un mot.  

« La vengeance estune raison.   CHEREA   Oui, etjevais lapartager avecvous.

Maiscomprenez quecen'est paspour prendre leparti devos petites humiliations.

C'estpourlutter contre unegrande idéedont lavictoire signifierait lafin dumonde. Je puis admettre quevous soyez tournés endérision, jene puis accepter queCaligula fassecequ'il rêve de faire ettout cequ'il rêve defaire.

Iltransforme saphilosophie encadavres et,pour notre malheur, c'est unephilosophie sansobjections.

Ilfaut bienfrapper quandonne peut réfuter.   TROISIÈMEPATRICIEN   Alors, ilfaut agir.. »

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