« J'ai le temps, pensait-il, je la tuerai sous un tunnel.
Publié le 29/10/2013
Extrait du document


«
assoupi.
Peut-être était-ilalléjusqu'à Auteuil, aveclesdeux femmes seulement, ilne se
rappelait pasqu'elles yfussent descendues.
Lui-mêmeavaitfinipar setrouver aubord dela
Seine, sanss'expliquer comment.
Ce dont ilgardait lasensation trèsnette, c'était d'avoir jeté,duhaut delaberge, lecouteau,
resté danssamanche, àson poing.
Puis,ilne savait plus,hébété, absentdeson être, d'où
l'autre s'enétait alléaussi, aveclecouteau.
Ildevait avoirmarché pendant desheures, parles
rues etles places, auhasard deson corps.
Desgens, desmaisons, défilaient, trèspâles.
Sans
doute ilétait entré quelque part,manger aufond d'une sallepleine demonde, carilrevoyait
distinctement desassiettes blanches.
Ilavait aussi l'impression persistanted'uneaffiche rouge,
sur une boutique fermée.Ettout sombrait ensuiteàun gouffre noir,àun néant, oùiln'y avait
plus nitemps niespace, oùilgisait inerte, depuis dessiècles peut-être.
Lorsqu'il revintàlui, Jacques étaitdans sonétroite chambre delarue Cardinet, tombéen
travers deson lit,tout habillé.
L'instinct l'avaitramené là,ainsi qu'un chienfourbu quisetraîne
à sa niche.
D'ailleurs, ilne sesouvenait nid'avoir montél'escalier nide s'être endormi.
Il
s'éveillait d'unsommeil deplomb, effaréderentrer brusquement enpossession delui-même,
comme aprèsunévanouissement profond.Peut-être avait-ildormitroisheures, peut-être trois
jours.
Et,tout d'un coup, lamémoire luirevint : lanuit passée avecSéverine, l'aveudumeurtre,
son départ debête carnassière, enquête desang.
Iln'avait plusétéenlui, ils'y retrouvait, avec
la stupeur deschoses quis'étaient faitesendehors deson vouloir.
Puis,lesouvenir quelajeune
femme l'attendait, lemit debout, d'unsaut.
Ilregarda samontre, vitqu'il était quatre heures
déjà et,latête vide, trèscalme comme aprèsuneforte saignée, ilse hâta deretourner à
l'impasse d'Amsterdam.
Jusqu'à midi,Séverine avaitdormi profondément.
Ensuite,réveillée, surprisedenepas levoir là
encore, elleavait rallumé lepoêle et,vêtue enfin, mourant d'inanition, elles'était décidée, vers
deux heures, àdescendre mangerdansunrestaurant duvoisinage.
LorsqueJacquesparut,elle
venait deremonter, aprèsavoirfaitquelques courses.
« Oh ! mon chéri, quej'étais inquiète ! »Et elle s'était pendue àson cou, elleleregardait de
tout près, danslesyeux.
« Qu'est-il doncarrivé ? »
Lui, épuisé, lachair froide, larassurait tranquillement, sansuntrouble.
« Mais rien,unecorvée embêtante.
Quandilsvous tiennent, ilsne vous lâchent plus.»Alors,
baissant lavoix, ellesefithumble, câline.
« Figure-toi quejem'imaginais… Oh !unevilaine idéequime causait unepeine !… Oui,jeme
disais quepeut-être, aprèsceque jet'avais avoué, tun'allais plusvouloir demoi… Etvoilà que
je t'ai cru parti pour nepas revenir, jamais,jamais ! »Les larmes lagagnaient, elleéclata en
sanglots, enleserrant éperdument entresesbras.
« Ah ! mon chéri, situ savais, comme j'aibesoin qu'onsoitgentil avecmoi !… Aime-moi, aime-
moi bien, parce que,vois-tu, iln'y aque tonamour quipuisse mefaire oublier…
Maintenant quejet'ai dittous mesmalheurs, n'est-cepas ?
il ne faut pasmequitter, oh !jet'en conjure ! »Jacques étaitenvahi parcetattendrissement.
Une détente invincible l'amollissait peuàpeu.
Ilbégaya :
« Non, non,jet'aime, n'aiepaspeur.
»Et, débordé, ilpleura aussi,souslafatalité decemal
abominable quivenait delereprendre, dontjamais ilne guérirait.
C'étaitunehonte, un
désespoir sansbornes.
« Aime-moi, aime-moibienaussi, oh !detoute taforce, carj'en aiautant besoin quetoi ! »Elle
frissonna, voulutsavoir.
« Tu asdes chagrins, ilfaut melesdire.
– Non, non,pasdes chagrins, deschoses quin'existent pas,destristesses quime rendent
horriblement malheureux,sansqu'ilsoitmême possible d'encauser.
»Tous deux s'étreignirent,.
»
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