Jacques Soustelle, Les Quatre Soleils.
Publié le 31/03/2011
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Après avoir présenté dans son livre Les Quatre Soleils des aspects caractéristiques des civilisations pré-colombiennes, l'ethnologue Jacques Soustelle médite sur l'avenir du monde occidental. A considérer le spectacle que présente notre mode occidentale (dans lequel on est tenu d'inclure, en dépit des oppositions nationales et politiques, à la fois l'Amérique et la Russie), on ne peut méconnaître son double aspect : une technique en continuel essor, une maîtrise de plus en plus assurée sur l'univers matériel, simultanément, l'ébranlement ou l'effondrement de la plupart des valeurs esthétiques et morales autour desquelles cette civilisation s'était constituée et développée. Les immenses massacres dont nous avons été les témoins montrent que la technique la plus raffinée peut aller de pair avec le mépris le plus profond de la personne humaine. Sans doute est-il beaucoup question, à notre époque de dignité, de justice et de paix : mais, en fait, la dureté et le cynisme dominent, tant dans la vie internationale que dans les relations entre les hommes à l'intérieur de chaque nation. D'autre part, l'usure des structures morales, qu'elles soient laïques ou religieuses, érodées par la recherche de l'argent ou de la puissance en tant que moyens d'atteindre à un niveau plus élevé de consommation, laisse les individus désemparés et livrés au désarroi. II est presque banal de faire ressortir ce contraste entre le progrès de la technique et la stagnation ou la régression dans d'autres domaines. (...) Un autre point à considérer est la stérilité qui semble frapper certaines formes esthétiques depuis à peu près un siècle. Notre civilisation, présentement, n'a pas de style. L'architecture n'a réussi qu'en peu de cas, surtout, sinon exclusivement, en Amérique, à échapper soit à un froid utilitarisme, soit au plagiat académique. Nous vivons au milieu de meubles et d'objets qui n'ont pas de style, sauf quand nous puisons dans l'héritage du passé et que nous le copions plus ou moins fidèlement. Mais on peut objecter, en contrepartie, que la peinture, la sculpture, les lettres, et l'art nouveau du cinéma, font preuve de vitalité et d'une certaine capacité de renouvellement. Il n'est pas discutable, en outre, que notre civilisation n'a pas cessé de perdre du terrain depuis le début du siècle, en partie au moins comme conséquence des conflits internes qui, à deux reprises, l'ont laissée exsangue et épuisée. Bien que nos techniques se soient largement répandues et poursuivent leur expansion, la civilisation occidentale a reculé, et ce mouvement de rétraction s'est accentué depuis la Deuxième Guerre mondiale. Il ne s'agit pas là seulement d'un retrait géographique : le phénomène est plus profond, car nous assistons au repli d'une civilisation qui, ayant remis en question ses propres valeurs, doute d'elle-même. Crise passagère et peut-être salutaire, penseront certains ; d'autres, observant que la chute définitive de la civilisation antique a été précédée du même symptôme, y verront le signe d'un mal plus grave et d'un irrémédiable déclin. (...) Certes, une des raisons qui peuvent faire croire en la solidité de notre civilisation, c'est que, pour reprendre la terminologie de Toynbee, on ne voit pas quel « prolétariat extérieur « pourrait se ruer à l'assaut à la façon des Barbares germaniques, slaves et hunniques, lancés à la conquête de l'Empire romain. On ne voit pas non plus de civilisation distincte et contemporaine de la nôtre qui soit susceptible de lui porter des coups comme ceux que les Arabes ont assenés à l'Empire grec, ou de la détruire comme les Espagnols ont détruit Tenochtitlán. Il ne semblerait donc pas qu'une attaque lancée du dehors puisse mettre fin à notre évolution. Mais à cela on peut répondre : d'abord que cette sécurité est à courte vue, parce que nous ignorons ce qui peut surgir, dans le court laps de temps d'un siècle ou deux, d'autres régions du globe telles que les immensités de la Chine, de sorte que nos proches successeurs pourraient fort bien, trop sûrs d'eux-mêmes, expérimenter le brusque réveil des habitants d'Antioche ; ensuite, qu'une civilisation peut périr de l'intérieur, s'affaisser sur elle-même ou se déchirer dans des conflits d'autant plus meurtriers et destructeurs que le niveau de la technique est plus élevé. Jacques Soustelle, Les Quatre Soleils. 1. Vous résumerez ce texte de 701 mots au quart de sa longueur . Étant donné qu'une marge de 10 % en plus ou en moins est admise, votre résumé ne devra pas compter plus de 193 mots ni moins de 157. Vous n'oublierez pas d'indiquer, à la fin de votre texte, le nombre de mots que vous aurez employés. 2. Vous expliquerez les mots et expressions suivants : — cynisme ; — plagiat académique ; — des conflits internes qui, à deux reprises, l'ont laissée exsangue. 3. « La technique la plus raffinée peut aller de pair avec le mépris le plus profond de la vie humaine. « A l'aide d'exemples précis, empruntés au monde actuel et aux siècles antérieurs, vous direz si vous acceptez ce jugement de Jacques Soustelle ou si, selon vous, le progrès scientifique et technique, malgré des « stagnations « et des « régressions « dans d'autres domaines, finit toujours par assurer aux hommes les conditions d'une vie meilleure.
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