Isaac Bashevis Singer
Publié le 30/11/2011
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Le Prix Nobel de littérature a été attribué cette année par l'Académie suédoise à l'écrivain américain d'origine polonaise Isaac Bashevis Singer. L'écrivain peu connu en France - bien que la plupart de ses oeuvres y aient été publiées, et qu'il y ait reçu, en 1965, le Prix du meilleur livre étranger pour son roman, le Magicien de Lublin - est né le 14 juillet 1904 à Radzymin, en Pologne, dans une famille de rabbins et toute son enfance se passa dans les ghettos au milieu des siens. En 1935, lors de la montée du nazisme, il suivit l'avis de son frère, émigré depuis plusieurs années aux EtatsUnis, et alla s'installer dans le quartier juif de New York où il vit toujours. Maître d'école, journaliste, il n'a jamais cessé de parler yiddish et ce n'est que très récemment qu'il s'est mis lui-même, avec l'aide de sa femme et de son ami Saul Bellow, à la traduction de ses oeuvres en américain. Il est pourtant « lu dans le texte « dans de nombreux pays où sa langue est comprise. Mais, volontairement ou non, son pays natal semble l'ignorer. Il publie régulièrement des textes au Jewich daily forward et au New Y orker, histoires, contes et romans qui font la joie de son public en même temps qu'ils l'émeuvent ; juif et Polonais, américain et juif, Singer possède les qualités rares d'humour des uns et des autres, derrière quoi, avec la pudeur qui caractérise les vraies et grandes détresses, il cache la sienne qui est celle de son peuple.
«
beaux hymnes jamais écrits sur la communion de
l'homme et de la nature, de l'homme avec les bêtes
et de l'homme avec les autres hommes.
Il paraît
que cette formation littéraire, même s'il s'était
dégagé de toute croyance religieuse, le détachait
aussi d'une façon de penser systématique, celle du
communisme italien d'alors qui lui était finalement
étrangère.
Ces déchirements, ceux des mots, du
langage, comme ceux d'une conception de l'homme
qui lui échappait, firent du journaliste qu'il était
d'abord un écrivain et un rQmancier.
Exilé en
Suisse, il y écrit, en 1930, Fontamara que personne ne lit.
On lui reproche son style, jugé
trop familier, trop populaire, peu conforme à la
mode du temps.
C'est pourquoi, après la guerre,
Silone se trouva de plain-pied avec le néo
réalisme : il l'avait devancé de loin.
Ses personna
ges sont ceux des films de De Sica.
Ses héros, qui
sont tous des Abruzzes ne parlent pas le dialecte
local, mais l'italien, ce qui les rend plus proche de
la foule ; chacun peut se reconnaître en eux,
d'autant plus que
le romancier qui refuse tous les
ordres, le communisme comme la démocratie chré
tienne, la religion comme le capitalisme, se fait le dénonciateur de l'oppression des puissants, de la
misère à travers une vision du monde qui n'a pour
tant rien de pessimiste.
Car cet exilé perpétuel,
moralement et physiquement, croit au bonheur, à la vie, à l'avenir, à l'amour, et les êtres simples qu'il
décrit sont comme lui.
Dur travailleur, Silone reprenait sans cesse ses
romans qui changeaient ainsi de forme, de publica
tion en publication, comme s'ils continuaient à
vivre de leur propre vie dans une durée qui n'était
pas figée définitivement.
Ce remodelage étrange
n'était pas une preuve d'incertitude
ni d'insatisfac
tion mais l'expression d'une pensée créatrice en
continuel mouvement.
Ses œuvres les plus importantes sont, outre Fontamara, le Pain et le vin, le Grain sous la neige, le Renard et les camélias.
En fait, les romans de Silone sont une longue autobiographie romanesque
où domine un dialogue intérieur ; l'écrivain a passé
son existence
à la refaire, comme il refaisait celle
des personnages qu'il mettait en scène.
Il reprenait
patiemment
le même rêve inachevé.
Son rêve est
maintenant définitivement fixé dans le temps.
Les lettrés chinois
La caste des lettrés tient une place privilégiée
dans l'histoire de la Chine ancienne.
Georgette Jae
ger leur a consacré une étude sous ce titre, en préci
sant qu'il s'agit des poètes de l'époque T'ang, un
des moments les plus glorieux de l'Empire du
Milieu, qui se situe entre
le début du VII• siècle et le début du x· siècle de notre ère (aux Editions de La Baconnière-Payot).
Ces
poètes qui sont les témoins de cette grande
dynastie s'appellent
Li Po, Tou Fou, Wang Wei, Po Kiou-1, Han Yu dont les noms reviennent dans
toutes les anthologies de la littérature chinoise.
C'est Tou Fou qui a écrit cette merveille, alors qu'il
était rejeté de tout ce qui lui était cher par un exil
imposé :
« Un oiseau passe, blanc sur le bleu du
fleuve ; sur la colline verte, des fleurs s'allument.
Encore un printemps écoulé.
Quand sonnera-t-elle
l'heure de mon
retour?»
Mais le livre de Georgette Jaeger n'est pas une
simple anthologie ; il ne s'adresse même pas à des
spécialistes.
C'est dans le meilleur sens du terme,
un travail de vulgarisation par lequel l'auteur veut
faire partager à ses lecteurs son admiration pour
la Chine et pour la période T'ang.
L'information y
tient un rôle essentiel, car tout le monde n'est pas
familiarisé avec la réalité de la Chine d'il y a douze
cents ans.
Un éclairage s'impose.
Cette lecture
expliquée est une bonne démonstration de ce que
doit être une telle approche d'un monde ignoré ou
mal connu et sa poésie.
L'époque T'ang fut celle où
la Chine devint une grande puissance ; elle com
merçait avec tous les pays
d'Orient et, en
conséquence, s'ouvrait à tous les courants d'idée.
L'art et la littérature reflètent une profusion intel
lectuelle, spirituelle qui va bien dans le sens d'une
rencontre de courants de pensées dont toutes les
grandes cultures sont nées.
Ici, il y a
le boud
dhisme, le confucianisme et le taoïsme.
Mais com
ment rendre, à travers les mots, ce qui est, par
nature intraduisible ?
Une traduction, surtout de
poètes chinois, est fatalement une ombre.
Beaucoup de ces poèmes servaient de légende
à des peintures.
La pensée était la même, mais il lui
fallait, pour s'exprimer, deux moyens différents.
La calligraphie s'ajoutait à l'image.
Cette écriture
mystérieuse porte en elle-même sa propre beauté.
Une exposition lui a été consacrée à la chapelle de
la Sorbonne.
Il s'agit là de calligraphes japonais
contemporains, mais cet art particulier est venu de
la Chine et toute une école en poursuit les techni
ques.
Même
si on .ne comprend guère l'écriture, on
ne manque pas d'être envouté par les signes qu'elle
accumule, par ces entrelacs symboliques qui por
tent
en eux, avec une pensée une image, puisqu'un
poème calligraphié change d'aspect et même de
sens selon la main qui
le peint.
Le lecteur du livre de Georgette Jaeger en prend
vite conscience, l'ouvrage lui offre parfois trois lec
tures qui jouent entre elles comme des instruments.
Qui n'a aucune notion de chinois retrouve pourtant
dans ces tracés compliqués d'autres tracés de pein
tres abstraits moderne, un Hartung,
par exemple.
On se retrouve dans un monde connu.
Il y a là tout le secret du langage, pictural, parlé ou écrit et des
rapports qui existent entre les choses, les mots et
leur conception..
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