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Iphigénie en Aulide CLYTEMNESTRE Venez, venez, ma fille, on n'attend plus que vous, Venez remercier un père qui vous aime, Et qui veut à l'autel vous conduire lui-même.

Publié le 12/04/2014

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Iphigénie en Aulide CLYTEMNESTRE Venez, venez, ma fille, on n'attend plus que vous, Venez remercier un père qui vous aime, Et qui veut à l'autel vous conduire lui-même. AGAMEMNON Que vois-je ? Quel discours ? Ma fille, vous pleurez, Et baissez devant moi vos veux mal assurés. Quel trouble ! Mais tout pleure, et la fille, et la mère. Ah ! malheureux Arcas, tu m'as trahi. IPHIGÉNIE Mon père, Cessez de vous troubler, vous n'êtes point trahi. Quand vous commanderez, vous serez obéi. Ma vie est votre bien. Vous voulez le reprendre Vos ordres sans détour pouvaient se faire entendre. D'un oeil aussi content, d'un coeur aussi soumis, Que j'acceptais l'époux que vous m'aviez promis, Je saurai, s'il le faut, victime obéissante, Tendre au fer de Calchas une tête innocente, Et respectant le coup par vous-même ordonné, Vous rendre tout le sang que vous m'avez donné. Si pourtant ce respect, si cette obéissance, Paraît digne à vos yeux d'une autre récompense, Si d'une mère en pleurs vous plaignez les ennuis, J'ose vous dire ici qu'en l'état où je suis Peut-être assez d'honneurs environnaient ma vie Pour ne pas souhaiter qu'elle me fût ravie, Ni qu'en me l'arrachant un sévère destin Si près de ma naissance en eût marqué la fin. Fille d'Agamemnon, c'est moi qui la première, Seigneur, vous appelai de ce doux nom de père. C'est moi qui, si longtemps le plaisir de vos yeux, Vous ai fait de ce nom remercier les Dieux, Et pour qui tant de fois prodiguant vos caresses, Vous n'avez point du sang dédaigné les faiblesses. Hélas ! avec plaisir je me faisais conter Tous les noms des pays que vous allez dompter ; Et déjà d'Ilion présageant la conquête, D'un triomphe si beau je préparais la fête. Je ne m'attendais pas que pour le commencer, Mon sang fût le premier que vous dussiez verser. SCÈNE IVIPHIGÉNIE, AGAMEMNON, CLYTEMNESTRE, AEGINE 45 Iphigénie en Aulide Non que la peur du coup, dont je suis menacée, Me fasse rappeler votre bonté passée. Ne craignez rien. Mon coeur, de votre honneur jaloux, Ne fera point rougir un père tel que vous, Et si je n'avais eu que ma vie à défendre, J'aurais su renfermer un souvenir si tendre. Mais à mon triste sort, vous le savez, Seigneur, Une mère, un amant attachaient leur bonheur. Un roi digne de vous a cru voir la journée Qui devait éclairer notre illustre hyménée. Déjà, sûr de mon coeur à sa flamme promis, Il s'estimait heureux, vous me l'aviez permis. Il sait votre dessein, jugez de ses alarmes. Ma mère est devant vous, et vous voyez ses larmes. Pardonnez aux efforts que je viens de tenter Pour prévenir les pleurs que je leur vais coûter. AGAMEMNON Ma fille, il est trop vrai. J'ignore pour quel crime La colère des Dieux demande une victime, Mais ils vous ont nommée. Un oracle cruel Veut qu'ici votre sang coule sur un autel. Pour défendre vos jours de leurs lois meurtrières, Mon amour n'avait pas attendu vos prières. Je ne vous dirai point combien j'ai résisté. Croyez-en cet amour par vous-même attesté. Cette nuit même encore (on a pu vous le dire) J'avais révoqué l'ordre où l'on me fit souscrire. Sur l'intérêt des Grecs vous l'aviez emporté. Je vous sacrifiais mon rang, ma sûreté. Arcas allait du camp vous défendre l'entrée. Les Dieux n'ont pas voulu qu'il vous ait rencontrée. Ils ont trompé les soins d'un père infortuné Qui protégeait en vain ce qu'ils ont condamné. Ne vous assurez point sur ma faible puissance. Quel frein pourrait d'un peuple arrêter la licence, Quand les Dieux nous livrant à son zèle indiscret, L'affranchissent d'un joug qu'il portait à regret ? Ma fille, il faut céder. Votre heure est arrivée. Songez bien dans quel rang vous êtes élevée. Je vous donne un conseil qu'à peine je reçoi. Du coup qui vous attend vous mourrez moins que moi. Montrez, en expirant, de qui vous êtes née : Faites rougir ces Dieux qui vous ont condamnée. Allez ; et que les Grecs, qui vont vous immoler, Reconnaissent mon sang en le voyant couler. SCÈNE IVIPHIGÉNIE, AGAMEMNON, CLYTEMNESTRE, AEGINE 46
clytemnestre

« Non que la peur du coup, dont je suis menacée, Me fasse rappeler votre bonté passée.

Ne craignez rien.

Mon coeur, de votre honneur jaloux, Ne fera point rougir un père tel que vous, Et si je n'avais eu que ma vie à défendre, J'aurais su renfermer un souvenir si tendre.

Mais à mon triste sort, vous le savez, Seigneur, Une mère, un amant attachaient leur bonheur.

Un roi digne de vous a cru voir la journée Qui devait éclairer notre illustre hyménée.

Déjà, sûr de mon coeur à sa flamme promis, Il s'estimait heureux, vous me l'aviez permis.

Il sait votre dessein, jugez de ses alarmes.

Ma mère est devant vous, et vous voyez ses larmes.

Pardonnez aux efforts que je viens de tenter Pour prévenir les pleurs que je leur vais coûter.

AGAMEMNON Ma fille, il est trop vrai.

J'ignore pour quel crime La colère des Dieux demande une victime, Mais ils vous ont nommée.

Un oracle cruel Veut qu'ici votre sang coule sur un autel.

Pour défendre vos jours de leurs lois meurtrières, Mon amour n'avait pas attendu vos prières.

Je ne vous dirai point combien j'ai résisté.

Croyez-en cet amour par vous-même attesté.

Cette nuit même encore (on a pu vous le dire) J'avais révoqué l'ordre où l'on me fit souscrire.

Sur l'intérêt des Grecs vous l'aviez emporté.

Je vous sacrifiais mon rang, ma sûreté.

Arcas allait du camp vous défendre l'entrée.

Les Dieux n'ont pas voulu qu'il vous ait rencontrée.

Ils ont trompé les soins d'un père infortuné Qui protégeait en vain ce qu'ils ont condamné.

Ne vous assurez point sur ma faible puissance.

Quel frein pourrait d'un peuple arrêter la licence, Quand les Dieux nous livrant à son zèle indiscret, L'affranchissent d'un joug qu'il portait à regret ? Ma fille, il faut céder.

Votre heure est arrivée.

Songez bien dans quel rang vous êtes élevée.

Je vous donne un conseil qu'à peine je reçoi.

Du coup qui vous attend vous mourrez moins que moi.

Montrez, en expirant, de qui vous êtes née : Faites rougir ces Dieux qui vous ont condamnée.

Allez ; et que les Grecs, qui vont vous immoler, Reconnaissent mon sang en le voyant couler.

Iphigénie en Aulide SCÈNE IV\24IPHIGÉNIE, AGAMEMNON, CLYTEMNESTRE, AEGINE 46. »

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