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Intervention de Léon Blum au Congrès de Tours

Publié le 11/04/2011

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blum

   Lundi 27 décembre, séance de l'après-midi. Le 3e jour du Congrès, Blum, l'un des principaux leaders de la tendance hostile aux « 21 conditions «, prend la parole pour exposer le point de vue de ses amis. Sachant la scission inévitable, il vient en même temps dire adieu à ses anciens compagnons de lutte et demande aux futurs « frères ennemis « de ne pas se déchirer sous les yeux satisfaits de la bourgeoisie. L'émotion qui imprègne son discours est un bon exemple non seulement du « style « de Léon Blum mais aussi de l'atmosphère du Congrès.    «... Nous sommes convaincus, jusqu'au fond de nous-mêmes que, pendant que vous irez courir l'aventure, il faut que quelqu'un reste garder la vieille maison. (Très bien).    Nous sommes convaincus qu'en ce moment, il y a une question plus pressante que de savoir si le socialisme sera uni ou ne le sera pas. C'est la question de savoir si le socialisme S sera, ou s'il ne sera pas. (Applaudissements.)    C'est la vie même du socialisme que nous avons la conscience profonde de préserver en ce moment dans la mesure de toutes nos forces.    Et puisque c'est peut-être pour moi la dernière occasion de vous le dire, je voudrais vous demander quelque chose qui est grave à mes yeux. Pouvons-nous vraiment, les uns et les autres, prendre là-dessus une sorte d'engagement suprême? Demain, nous serons peut-être divisés comme des hommes qui comprennent différemment l'intérêt du socialisme, le devoir socialiste? Ou serons-nous divisés comme des ennemis?    Allons-nous passer notre temps devant la bourgeoisie à nous traiter les uns de traîtres et de renégats, les autres de fous et de criminels? Ne nous ferons-nous pas les uns et \ les autres, crédit de notre bonne foi? Je le demande : « Y a-t-il quelqu'un ici qui croie que je ne suis pas socialiste? «    — Cartier : Tu es confusionniste. (Tumulte.)    — Blum : Dans cette heure qui, pour nous tous, est une heure d'anxiété tragique, n'ajoutons pas encore cela à notre douleur et à nos craintes. Sachons nous abstenir des mots qui blessent, qui déchirent, des actes qui lèsent, de tout ce qui serait déchirement fratricide.    Je vous dis cela parce que c'est sans doute la dernière fois que je m'adresse à beaucoup d'entre vous et parce qu'il faut pourtant que cela soit dit. Les uns et les autres, même séparés, restons des socialistes; malgré tout, restons des frères qu'aura séparés une querelle cruelle, mais une querelle de famille, et qu'un foyer commun pourra encore réunir. (Applaudissements prolongés sur les bancs de droite — Tumulte à gauche.) Texte cité par A. Kriegel in Le Congrès de Tours (1920), Paris, Julliard (coll. Archives), 1964.

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