II Ma soeur, Mrs Joe Gargery, n'avait pas moins de vingt ans de plus que moi, et elle s'était fait une certaine réputation d'âme charitable auprès des voisins, en m'élevant, comme elle disait, « à la main ».
Publié le 15/12/2013
Extrait du document
«
– Et
pourquoi yes-tu allé ? Voilàceque jevoudrais savoir,s’écriamasœur.
– Je nesais pas, dis-je àvoix basse.
– Je nesais pas ! reprit masœur, jene leferai plusjamais ! Jeconnais cela.Jet’abandonnerai undeces jours, moi
qui n’ai jamais quittécetablier depuis quetues au monde.
C’estdéjàbien assez d’être lafemme d’unforgeron, etd’un
Gargery encore,sansêtretamère ! »
Mes pensées s’écartèrent dusujet dontilétait question, carenregardant lefeu d’un airinconsolable, jevis
paraître, danslescharbons vengeurs, lefugitif desmarais, avecsajambe ferrée, lemystérieux jeunehomme, lalime,
les vivres, etleterrible engagement quej’avais prisdecommettre unlarcin souscetoit hospitalier.
« Ah ! ditMrs Joeenremettant Tickleràsa place.
Aucimetière, c’estbiencela ! C’estbienàvous qu’ilappartient
de parler decimetière.
Pasundenous, entreparenthèses, n’avaitsoufflé unmot decela.
Vous pouvez vousenvanter
tous lesdeux, vousm’yconduirez undeces jours, aucimetière.
Ah !quel j...o...
l...ic...
o...
u...p...l...evous ferez sans
moi ! »
Pendant qu’elles’occupait àpréparer lethé, Joetournait surmoi desyeux interrogateurs, commepourme
demander sije prévoyais quellesortedecouple nouspourrions bienfaire ànous deux, sile malheur préditarrivait.
Puis
il passa samain gauche surses favoris, ensuivant deses gros yeux bleus lesmouvements deMrs Joe,comme ilfaisait
toujours parlestemps d’orage.
Ma sœur avaitadopté unmoyen denous préparer nostartines debeurre, quinevariait jamais.
Elleappuyait
d’abord vigoureusement etlonguement avecsamain gauche, lepain surlapoitrine, oùilne manquait pasderamasser
sur labavette, tantôtuneépingle, tantôtuneaiguille, quiseretrouvait bientôtdanslabouche del’un denous.
Elle
prenait ensuite unpeu (très peudebeurre) àla pointe d’uncouteau, etl’étalait surlepain delamême manière qu’un
apothicaire prépareunemplâtre, seservant desdeux côtés ducouteau avecdextérité, etayant soinderamasser cequi
dépassait lebord delacroûte.
Puiselledonnait ledernier coupdecouteau surlebord del’emplâtre, etelle tranchait
une épaisse tartinedepain que, finalement, elleséparait endeux moitiés, l’unepourJoe,l’autre pourmoi.
Ce jour-là, j’avaisfaim,etmalgré celajen’osai pasmanger matartine.
Jesentais quej’avais àréserver quelque
chose pourmaterrible connaissance etson allié, plusterrible encore, lejeune homme mystérieux.
Jesavais queMrs
Joe dirigeait samaison aveclaplus stricte économie, etque mes recherches danslegarde-manger pourraientbienêtre
infructueuses.
Jeme décidai doncàcacher matartine dansl’une desjambes demon pantalon.
L’effort derésolution nécessaire àl’accomplissement deceprojet meparaissait terrible.Ilproduisait surmon
imagination lemême effetquesij’eusse dûme précipiter d’unehaute maison, oudans uneeautrès profonde, etilme
devenait d’autantplusdifficile dem’y résoudre finalement, queJoeignorait tout.Dans l’espèce defranc-maçonnerie,
déjà mentionnée parmoi, quinous unissait commecompagnons desmêmes souffrances, etdans lacamaraderie
bienveillante deJoe pour moi,nous avions coutume decomparer nostartines, àmesure quenous yfaisions des
brèches, enles exposant ànotre mutuelle admiration, commepourstimuler notreardeur.
Cesoir-là, Joem’invita
plusieurs foisànotre lutteamicale enme montrant lesprogrès quefaisait labrèche ouverte danssatartine ; mais,
chaque fois,ilme trouva avecmatasse dethé surungenou etma tartine intacte surl’autre.
Enfin,jeconsidérai quele
sacrifice étaitinévitable, jedevais lefaire delamanière lamoins extraordinaire etlaplus compatible avecles
circonstances.
Profitantdoncd’unmoment oùJoe avait lesyeux tournés, jefourrai matartine dansunedesjambes de
mon pantalon.
Joe paraissait évidemment malàl’aise decequ’il supposait êtreunmanque d’appétit, etilmordait toutpensif à
même satartine desbouchées qu’ilsemblait avalersansaucun plaisir.
Illes tournait etretournait danssabouche plus
longtemps quedecoutume, etfinissait parlesavaler comme despilules.
Ilallait saisir encore unefois, avec sesdents, le
pain beurré etavait déjàouvert unebouche d’unedimension fortraisonnable, lorsque,sesyeux tombant surmoi, il
s’aperçut quematartine avaitdisparu.
L’étonnement etlaconsternation aveclesquels Joeavait arrêté lepain surleseuil desabouche etme regardait,
étaient tropévidents pouréchapper àl’observation dema sœur.
« Qu’y a-t-ilencore ? dit-elleenposant satasse surlatable.
– Oh ! oh !murmurait Joe,ensecouant latête d’un airdesérieuse remontrance, monpetit Pip,mon camarade, tu
te feras dumal, çane passera pas,tun’as paspulamâcher, monpetit Pip,mon ami !
– Qu’est-ce qu’ilya encore, voyons ? répétamasœur avecplusd’aigreur quelapremière fois.
– Si tupeux enfaire remonter quelqueparcelle, entoussant, monpetit Pip,fais-le, monami ! ditJoe.
Certainement
chacun mangecomme ill’entend, maisencore, tasanté !...
tasanté !... ».
»
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