II.
Publié le 15/12/2013
Extrait du document
«
qui,
aveugle etmisérable, reconnaîtra quetout estbien.
Leoui s'équilibre aunon.
Même lorsque Platon
préfigure avecCalliclès letype vulgaire dunietzschéen, mêmelorsque celui-cis'écrie : « Maisquevienne à
paraître unhomme ayantlenaturel qu'ilfaut...
ils'échappe, ilfoule auxpieds nosformules, nos
sorcelleries, nosincantations etces lois qui, toutes, sansexception, sontcontraires àla nature.
Notre
esclave s'estinsurgé ets'est révélé maître », mêmealors,ilprononce lemot denature, s'ilrefuse laloi.
C'est quelarévolte métaphysique supposeunevuesimplifiée delacréation, quelesGrecs nepouvaient
avoir.
Iln'y avait paspour euxlesdieux, d'uncôté et,del'autre, leshommes, maisdesdegrés qui
menaient desderniers auxpremiers.
L'idéedel'innocence opposéeàla culpabilité, lavision d'unehistoire
tout entière résumée àla lutte dubien etdu mal leur était étrangère.
Dansleurunivers, ilyaplus de
fautes quedecrimes, leseul crime définitif étantladémesure.
Danslemonde totalement historiquequi
menace d'êtrelenôtre, iln'y aplus defautes, aucontraire, iln'y aque des crimes dontlepremier estla
mesure.
Ons'explique ainsilecurieux mélange deférocité etd'indulgence qu'onrespire danslemythe
grec.
LesGrecs n'ontjamais faitdelapensée, etceci nous dégrade parrapport àeux, uncamp retranché.
La révolte, aprèstout,nes'imagine quecontre quelqu'un.
Lanotion dudieu personnel, créateuretdonc
responsable detoutes choses, donneseulesonsens àla protestation humaine.Onpeut direainsi et,sans
paradoxe, quel'histoire delarévolte est,dans lemonde occidental, inséparable decelle duchristianisme.
Il faut attendre eneffet lesderniers moments delapensée antique pourvoirlarévolte commencer à
trouver sonlangage, chezdespenseurs detransition, etchez personne plusprofondément quechez
Épicure etLucrèce.
L'affreuse tristessed'Épicure renddéjàunson nouveau.
Ellenaît, sansdoute, d'uneangoisse dela
mort quin'est pasétrangère àl'esprit grec.Maisl'accent pathétique queprend cetteangoisse est
révélateur.
« Onpeuts'assurer contretoutessortesdechoses ; maisencequi concerne lamort, nous
demeurons touscomme leshabitants d'unecitadelle démantelée. » Lucrèceprécise : « Lasubstance dece
vaste monde estréservée àla mort etàla ruine. » Pourquoi doncremettre lajouissance àplus tard ?
« D'attente enattente, ditÉpicure, nousconsumons notrevieetnous mourons tousàla peine. » Ilfaut
donc jouir.
Maisquelle étrange jouissance ! Elleconsiste àaveugler 'lesmurs delacitadelle, às'assurer le
pain etl'eau, dansl'ombre silencieuse.
Puisquelamort nousmenace, ilfaut démontrer quelamort n'est
rien.
Comme Épictète etMarc-Aurèle, Épicureexilelamort del'être.
« Lamort n'est rienànotre égard,
car cequi est dissous estincapable desentir, etce qui nesent point n'est rienpour nous. » Est-cele
néant ? Non,cartout estmatière encemonde etmourir signifie seulement retourneràl'élément.
L'être,
c'est lapierre.
Lasingulière voluptédontparle Épicure résidesurtout dansl'absence dedouleur ; c'estle
bonheur despierres.
Pouréchapper audestin, dansunadmirable mouvement qu'onretrouvera cheznos
grands classiques, Épicuretuelasensibilité ; etd'abord lepremier cridelasensibilité quiest l'espérance.
Ce que lephilosophe grecditdes dieux nes'entend pasautrement.
Toutlemalheur deshommes vientde
l'espérance quilesarrache ausilence delacitadelle, quilesjette surlesremparts dansl'attente dusalut.
Ces mouvements déraisonnables n'ontd'autre effetquederouvrir desplaies soigneusement bandées.
C'est pourquoi Épicurenenie pas lesdieux, illes éloigne, maissivertigineusement, quel'âme n'aplus
d'autre issuequedes'emmurer ànouveau.
« L'êtrebienheureux etimmortel n'apoint d'affaire etn'en
crée apersonne. » EtLucrèce, renchérissant : « Ilestincontestable quelesdieux, parleur nature même,
jouissent del'immortalité aumilieu delapaix laplus profonde, étrangers ànos affaires dontilssont tout
à fait détachés. » Oublionsdonclesdieux, n'ypensons jamaiset« ni vospensées dujour nivos songes de
la nuit nevous causeront detroubles ».
On retrouvera plustard, maisavec desnuances importantes, cethème éternel delarévolte.
Undieu
sans récompense nichâtiment, undieu sourd estlaseule imagination religieusedesrévoltés.
Maisalors
que Vigny maudira lesilence deladivinité, Épicurejugeque,puisqu'il fautmourir, lesilence del'homme
prépare mieuxàce destin quelesparoles divines.
Lelong effort dececurieux esprits'épuise àélever des
murailles autourdel'homme, àremanteler lacitadelle etàétouffer sansmerci l'irrépressible cride
l'espoir humain.Alors,cerepli stratégique étantaccompli, alorsseulement, Épicure,commeundieu au
milieu deshommes, chantera victoiredansunchant quimarque bienlecaractère défensifdesarévolte..
»
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