I Au retour, dans l'encombrement des voitures qui rentraient par le bord du lac, la calèche dut marcher au pas.
Publié le 29/10/2013
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«
mondaines
envoiture découverte, menaçaitdeseterminer parune soirée d’unefraîcheur aiguë.
Un moment, lajeune femme restapelotonnée, retrouvantlachaleur deson coin, s’abandonnant aubercement voluptueux
de toutes cesroues quitournaient devantelle.Puis, levant latête vers Maxime, dontlesregards déshabillaient
tranquillement lesfemmes étaléesdanslescoupés etdans leslandaus voisins :
– Vrai, demanda-t-elle, est-cequetulatrouves jolie,cette Laure d’Aurigny ? Vousenfaisiez unéloge, l’autre jour,lorsqu’on a
annoncé lavente deses diamants !… Àpropos, tun’as pasvularivière etl’aigrette quetonpère m’aachetées àcette vente ?
– Certes, ilfait bien leschoses, ditMaxime sansrépondre, avecunrire méchant.
Iltrouve moyen depayer lesdettes deLaure
et de donner desdiamants àsa femme.
La jeune femme eutunléger mouvement d’épaules.
– Vaurien ! murmura-t-elle ensouriant.
Mais lejeune homme s’étaitpenché, suivantdesyeux unedame dontlarobe verte l’intéressait.
Renéeavaitreposé satête,
les yeux demi-clos, regardantparesseusement desdeux côtés del’allée, sansvoir.
Àdroite, filaient doucement destaillis, des
futaies basses, auxfeuilles roussies, auxbranches grêles ;parinstants, surlavoie réservée auxcavaliers, passaient des
messieurs àla taille mince, dontlesmontures, dansleurgalop, soulevaient depetites fumées desable fin.Àgauche, aubas
des étroites pelouses quidescendent, coupéesdecorbeilles etde massifs, lelac dormait, d’unepropreté decristal, sansune
écume, comme taillénettement surses bords parlabêche desjardiniers ; et,del’autre côtédecemiroir clair,lesdeux îles,
entre lesquelles lepont quilesjoint faisait unebarre grise,dressaient leursfalaises aimables, alignaient surleciel pâle les
lignes théâtrales deleurs sapins, deleurs arbres auxfeuillages persistants dontl’eau reflétait lesverdures noires,pareilles à
des franges derideaux savamment drapéesaubord del’horizon.
Cecoin denature, cedécor quisemblait fraîchement peint,
baignait dansuneombre légère, dansunevapeur bleuâtre quiachevait dedonner auxlointains uncharme exquis,unair
d’adorable fausseté.Surl’autre rive,leChalet desÎles, comme vernidelaveille, avaitdesluisants dejoujou neuf ;etces
rubans desable jaune, cesétroites alléesdejardin, quiserpentent danslespelouses ettournent autourdulac, bordées de
branches defonte imitant desbois rustiques, tranchaient plusétrangement, àcette heure dernière, surlevert attendri de
l’eau etdu gazon.
Accoutumée auxgrâces savantes deces points devue, Renée, reprise parseslassitudes, avaitbaissé complètement les
paupières, neregardant plusquesesdoigts minces quienroulaient surleurs fuseaux leslongs poilsdelapeau d’ours.
Maisil
y eut une secousse dansletrot régulier delafile des voitures.
Et,levant latête, ellesalua deuxjeunes femmes couchées côte
à côte, avecunelangueur amoureuse, dansunhuit-ressorts quiquittait àgrand fracas lebord dulac pour s’éloigner parune
allée latérale.
Mme
la marquise d’Espanet, dontlemari, alorsaidedecamp del’empereur, venaitdeserallier bruyamment,
au scandale delavieille noblesse boudeuse, étaitunedesplus illustres mondaines dusecond Empire ; l’autre,Mme
Haffner,
avait épousé unfameux industriel deColmar, vingtfoismillionnaire, etdont l’Empire faisaitunhomme politique.
Renée,qui
avait connu enpension lesdeux inséparables, commeonles nommait d’unairfin, lesappelait AdelineetSuzanne, deleurs
petits noms.
Et,comme, aprèsleuravoir souri, elleallait sepelotonner denouveau, unrire deMaxime lafit se tourner.
– Non, vraiment, jesuis triste, nerispas, c’est sérieux, dit-elleenvoyant lejeune homme quilacontemplait railleusement,
en semoquant deson attitude penchée.
Maxime pritune voix drôle.
– Nous aurions degros chagrins, nousserions jalouse !
Elle parut toute surprise.
– Moi ! dit-elle.
Pourquoi jalouse ?
Puis elleajouta, avecsamoue dedédain, comme sesouvenant :
– Ah ! oui,lagrosse Laure ! Jen’y pense guère, va.SiAristide, commevousvoulez tousmelefaire entendre, apayé lesdettes
de cette filleetlui aévité ainsiunvoyage àl’étranger, c’estqu’ilaime l’argent moinsquejene lecroyais.
Celavaleremettre
en faveur auprès desdames… Lecher homme, jelelaisse bienlibre.
Elle souriait, elledisait « lecher homme », d’untonplein d’une indifférence amicale.Etsubitement, redevenuetrèstriste,
promenant autourd’elleceregard désespéré desfemmes quinesavent àquel amusement sedonner, ellemurmura :
– Oh ! jevoudrais bien…Maisnon,jene suis pasjalouse, pasjalouse dutout.
Elle s’arrêta, hésitante.
– Vois-tu, jem’ennuie, dit-elleenfind’une voixbrusque.
Alors ellesetut, leslèvres pincées.
Lafile des voitures passaittoujours lelong dulac, d’un trotégal, avecunbruit particulier
de cataracte lointaine.
Maintenant, àgauche, entrel’eauetlachaussée, sedressaient despetits boisd’arbres verts,aux NON-ACTIVATED VERSION
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