Histoire de la Revolution française, IX Le directoire, mécontent de Moreau, avait résolu de le rappeler, mais il reçut de lui une lettre qui fit la plus grande sensation.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Ainsi finit l'une des plus belles et des plus intéressantes vies de la révolution.
Cette fois du moins ce ne fut pas
par l'échafaud.
Hoche avait vingt-neuf ans.
Soldat aux gardes-françaises, il avait fait son éducation en
quelques mois.
Au courage physique du soldat il joignait un caractère énergique, une intelligence supérieure,
une grande connaissance des hommes, l'entente des événemens politiques, et enfin le mobile tout-puissant des
passions.
Les siennes étaient ardentes, et furent peut-être la seule cause de sa mort.
Une circonstance
particulière ajoutait à l'intérêt qu'inspiraient toutes ses qualités; toujours il avait vu sa fortune interrompue par
des accidens imprévus; vainqueur à Wissembourg, et prêt à entrer dans la plus belle carrière, il fut tout à coup
jeté dans les cachots: sorti des cachots pour aller se consumer en Vendée, il y remplit le plus beau rôle
politique, et, à l'instant où il allait exécuter un grand projet sur l'Irlande, une tempête et des mésintelligences
l'arrêtèrent encore: transporté à l'armée de Sambre-et-Meuse, il y remporta une belle victoire, et vit sa marche
suspendue par les préliminaires de Léoben: enfin, tandis qu'à la tête de l'armée d'Allemagne et avec les
dispositions de l'Europe, il avait encore un avenir immense, il fut frappé tout à coup au milieu de sa carrière,
et enlevé par une maladie de quarante-huit heures.
Du reste, si un beau souvenir dédommage de la perte de la
vie, il ne pouvait être mieux dédommagé de perdre sitôt la sienne.
Des victoires, une grande pacification,
l'universalité des talens, une probité sans tache, l'idée répandue chez tous les républicains qu'il aurait lutté seul
contre le vainqueur de Rivoli et des Pyramides, que son ambition serait restée républicaine et eût été un
obstacle invincible pour la grande ambition qui prétendait au trône, en un mot, des hauts faits, de nobles
conjectures, et vingt-neuf ans, voilà de quoi se compose sa mémoire.
Certes, elle est assez belle! ne le
plaignons pas d'être mort jeune: il vaudra toujours mieux pour la gloire de Hoche, Kléber, Desaix, de n'être
pas devenus des maréchaux.
Ils ont eu l'honneur de mourir citoyens et libres, sans être réduits comme Moreau
à chercher un asile dans les armées étrangères.
Le gouvernement donna l'armée d'Allemagne à Augereau, et se débarrassa ainsi de sa turbulence, qui
commençait à devenir incommode à Paris.
Le directoire avait fait en quelques jours tous les arrangemens qu'exigeaient les circonstances; mais il lui
restait à s'occuper des finances.
La loi du 19 fructidor, en le délivrant de ses adversaires les plus redoutables,
en rétablissant la loi du 3 brumaire, en lui donnant de nouveaux moyens de sévérité contre les émigrés et les
prêtres, en l'armant de la faculté de supprimer les journaux, et de fermer les sociétés politiques dont l'esprit ne
lui conviendrait pas, en lui permettant de remplir toutes les places vacantes après l'annulation des élections, en
ajournant indéfiniment la réorganisation des gardes nationales, la loi du 19 fructidor lui avait rendu tout ce
qu'avaient voulu lui ravir les deux conseils, et y avait même ajouté une espèce de toute-puissance
révolutionnaire.
Mais le directoire avait des avantages tout aussi importans à recouvrer en matière de finances;
car on n'avait pas moins voulu le réduire sous ce rapport que sous tous les autres.
Un vaste projet fut présenté
pour les dépenses et les recettes de l'an VI.
Le premier soin devait être de rendre au directoire les attributions
qu'on avait voulu lui ôter, relativement aux négociations de la trésorerie, à l'ordre des paiemens; en un mot, à
la manipulation des fonds.
Tous les articles adoptés à cet égard par les conseils, avant le 18 fructidor, furent
rapportés.
Il fallait songer ensuite à la création de nouveaux impôts, pour soulager la propriété foncière trop
chargée, et porter la recette au niveau de la dépense.
L'établissement d'une loterie fut autorisé; il fut établi un
droit sur les chemins et un autre sur les hypothèques.
Les droits de l'enregistrement furent régularisés de
manière à en accroître considérablement le produit; les droits sur les tabacs étrangers furent augmentés.
Grâce
à ces nouveaux moyens de recette, on put réduire la contribution foncière à 228 millions, et la contribution
personnelle à 50, et porter cependant la somme totale des revenus pour l'an VI à 616 millions.
Dans cette
somme, les ventes supposées de biens nationaux n'étaient évaluées que pour 20 millions.
La recette se trouvant élevée à 616 millions par ces différens moyens, il fallait réduire la dépense à la même
somme.
La guerre n'était supposée devoir coûter cette année, même dans le cas d'une nouvelle campagne, que
283 millions.
Les autres services généraux étaient évalués à 247 millions, ce qui faisait en tout 530 millions.
Le service de la dette s'élevait à lui seul à 258 millions: et si on l'eût fait intégralement, la dépense se fût
élevée à un taux fort supérieur aux moyens de la république.
On proposa de n'en payer que le tiers,
c'est-à-dire 86 millions.
De cette manière, la guerre, les services généraux et la dette ne portaient la dépense Histoire de la Revolution française, IX
CHAPITRE XI.
82.
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