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Histoire de la Revolution francaise, III son rapport sur la seance de la journee.

Publié le 11/04/2014

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Histoire de la Revolution francaise, III son rapport sur la seance de la journee. Parvenus a la porte, ils demandent a defiler dans la salle. Ils la traversent au milieu des applaudissemens. L'un d'eux prend la parole et dit: "Citoyens, au moment du danger de la patrie, les vainqueurs du 10 aout se levent pour exterminer les ennemis de l'exterieur et de l'interieur.--Oui, leur repond le president Collot-d'Herbois, malgre les intrigans, nous sauverons avec vous la liberte." Desfieux prend alors la parole, dit que Miranda est la creature de Petion, et qu'il trahit; que Brissot a fait declarer la guerre a l'Angleterre pour perdre la France. Il n'y a qu'un moyen, ajoute-t-il, de se sauver, c'est de se debarrasser de tous ces traitres, de mettre tous les appelans en etat d'arrestation chez eux, et de faire nommer d'autres deputes par le peuple." Un homme vetu d'un habit militaire, et sorti de la foule qui venait de defiler, soutient que ce n'est pas assez que l'arrestation, et qu'il faut des vengeances. "Qu'est-ce que l'inviolabilite? dit-il. Je la mets sous les pieds..." A ces mots, Dubois de Crance arrive, et veut s'opposer a ces propositions. Sa resistance cause un tumulte affreux. On propose de se diviser en deux colonnes, dont l'une ira chercher les freres cordeliers, et l'autre se rendra a la convention pour defiler dans la salle, et lui faire entendre tout ce qu'on exige d'elle. On hesite a decider le depart, mais les tribunes envahissent la salle, on eteint les lumieres, les agitateurs l'emportent, et on se divise en deux corps pour se rendre a la convention et aux Cordeliers. Dans ce moment, l'epouse de Louvet, logee avec lui dans la rue Saint-Honore, pres des Jacobins, avait entendu les vociferations partant de cette salle, et s'y etait rendue pour s'instruire de ce qui s'y passait. Elle assiste a cette scene; elle accourt en avertir Louvet, qui avec beaucoup d'autres membres du cote droit, avait quitte la seance de la convention, ou l'on disait qu'ils devaient etre assassines. Louvet, arme comme on l'etait ordinairement, profite de l'obscurite de la nuit, court de porte en porte avertir ses amis, et leur assigne un rendez-vous dans un lieu cache ou ils pourront se soustraire aux coups des assassins. Il les trouve chez Petion, deliberant paisiblement sur des decrets a rendre. Il s'efforce de leur communiquer ses alarmes, et ne reussit pas a troubler l'impassible Petion, qui, regardant le ciel et voyant tomber la pluie, dit froidement: Il n'y aura rien cette nuit. Cependant un rendez-vous est fixe, et l'un d'eux, nomme Kervelegan, se rend en toute hate a la caserne du bataillon de Brest, pour le faire mettre sous les armes. Pendant ce temps, les ministres reunis chez Lebrun, n'ayant aucune force a leur disposition, ne savaient quel moyen prendre pour defendre la convention et eux-memes, car ils etaient aussi menaces. L'assemblee, plongee dans l'effroi, attendait un denouement terrible; et, a chaque bruit, a chaque cri, se croyait au moment d'etre envahie par des assassins. Quarante membres seulement etaient restes au cote droit, et s'attendaient a voir leur vie attaquee; ils avaient des armes, et tenaient leurs pistolets prepares. Ils etaient convenus entre eux de se precipiter sur la Montagne au premier mouvement, et d'en egorger le plus de membres qu'ils pourraient. Les tribunes et la Montagne etaient dans la meme attitude, et des deux cotes on s'attendait a une scene sanglante et terrible. Mais il n'y avait pas encore assez d'audace pour qu'un 10 aout contre la convention fut execute: ce n'etait ici qu'une scene preliminaire, ce n'etait qu'un 20 juin. La commune n'osa pas favoriser un mouvement auquel les esprits n'etaient pas assez prepares, elle s'en indigna meme tres sincerement. Le maire, a l'instant ou les deux deputations des Cordeliers et des Quatre-Nations se presenterent, les repoussa sans vouloir les entendre. Complaisant des jacobins, il n'aimait pas les girondins sans doute, peut-etre meme il desirait leur chute, mais il pouvait croire un mouvement dangereux; il etait d'ailleurs, comme Petion au 20 juin et au 10 aout, arrete par l'illegalite, et voulait qu'on lui fit violence pour ceder. Il repoussa donc les deux deputations. Hebert et Chaumette, procureurs de la commune, le soutinrent. On envoya des ordres pour tenir les barrieres ouvertes, on redigea une adresse aux sections, une autre aux jacobins, pour les ramener a l'ordre. Santerre fit le discours le plus energique a la commune, et s'eleva contre ceux qui demandaient une nouvelle insurrection. Il dit que, le tyran etant renverse, cette seconde insurrection ne pouvait se diriger que contre le peuple, qui actuellement regnait seul; que, s'il y avait de mauvais depute, il fallait les souffrir, comme on avait souffert Maury et Cazales; que Paris n'etait pas toute la France, et devait accepter les deputes des departemens; que, quant au ministre de la guerre, s'il avait fait des destitutions, il en avait le droit, puisqu'il etait responsable pour ses agens... Qu'a Paris, quelques hommes ineptes et egares croyaient pouvoir gouverner, et desorganiseraient tout; qu'enfin il allait mettre la force sur pied, et ramener les malveillans a l'ordre... CHAPITRE VI. 95 Histoire de la Revolution francaise, III De son cote Beurnonville, dont l'hotel etait cerne, franchit les murailles de son jardin, reunit le plus de monde qu'il put, se mit a la tete du bataillon de Brest, et imposa aux agitateurs. La section des Quatre-Nations, les cordeliers, les jacobins, rentrerent chez eux. Ainsi la resistance de la commune, la conduite de Santerre, le courage de Beurnonville et des Brestois, peut-etre aussi la pluie qui tombait avec abondance, empecherent les progres de l'insurrection. D'ailleurs la passion n'etait pas encore assez forte contre ce qu'il y avait de plus noble, de plus genereux dans la republique naissante. Petion, Condorcet, Vergniaud, allaient montrer quelque temps encore dans la convention leur courage, leurs talens et leur entrainante eloquence. Tout se calma. Le maire, appele a la barre de la convention, la rassura, et dans cette nuit meme on acheva paisiblement le decret qui organisait le tribunal revolutionnaire. Ce tribunal etait compose d'un jury, de cinq juges, d'un accusateur public et de deux adjoints, tous nommes par la convention. Les jures devaient etre choisis avant le mois de mai, et provisoirement ils pouvaient etre pris dans le departement de Paris et les qautre departemens voisins. Les jures devaient opiner a haute voix. La consequence de l'evenement du 10 mars fut de reveiller l'indignation des membres du cote droit, et de causer de l'embarras a ceux du cote gauche, compromis par ces demonstrations prematurees. De toutes parts on desavouait ce mouvement comme illegal, comme attentatoire a la representation nationale. Ceux meme qui ne desapprouvaient pas l'idee d'une nouvelle insurrection, condamnaient celle-ci comme mal conduite, et recommandaient de se garder des desorganisateurs payes par l'emigration et l'Angleterre pour provoquer des desordres. Les deux cotes de l'assemblee semblaient conspirer pour etablir cette opinion; tous deux supposaient une influence secrete, et s'accusaient reciproquement d'en etre complices. Une scene etrange confirma encore cette opinion generale. La section Poissonniere, en presentant des volontaires, demanda un acte d'accusation contre Dumouriez, le general sur qui reposait dans le moment toute l'esperance de l'armee francaise. A cette petition, lue par le president de la section, un cri general d'indignation s'eleve. "C'est un aristocrate, s'ecrie-t-on, paye par les Anglais!" Au meme instant on regarde le drapeau que portait la section, et on s'apercoit avec etonnement que la cravate en est blanche, et qu'il est surmonte par des fleurs de lis. Des cris de fureur eclatent a cette vue; on dechire les fleurs de lis et la cravate, et on les remplace par un ruban tricolore qu'une femme jette des tribunes. Isnard prend aussitot la parole pour demander un acte d'accusation contre le president de cette section; plus de cent voix appuient cette motion, et dans le nombre, celle qui fixe le plus l'attention, est celle de Marat. "Cette petition, dit-il, est un complot, il faut la lire tout entiere: on verra qu'on y demande la tete de Vergniaud, Guadet, Gensonne... et autres; vous sentez, ajoute-t-il, quel triomphe ce serait pour nos ennemis qu'un tel massacre! ce serait la desolation de la convention..." Ici des applaudissemens universels interrompent Marat; il reprend, denonce lui-meme l'un des principaux agitateurs, nomme Fournier, et demande son arrestation. Sur-le-champ elle est ordonnee; toute l'affaire est renvoyee au comite de surete generale; et l'assemblee ordonne qu'il soit envoye a Dumouriez copie du proces-verbal, pour lui prouver qu'elle ne partage pas a son egard les torts des calomniateurs. Le jeune Varlet, ami et compagnon de Fournier, accourt aux Jacobins pour demander justice de son arrestation, et proposer d'aller le delivrer. "Fournier, dit-il, n'est pas le seul menace; Lasouski, Desfieux, moi-meme enfin, le sommes encore. Le tribunal revolutionnaire qu'on vient d'etablir va tourner contre les patriotes comme celui du 10 aout, et les freres qui m'entendent ne sont plus jacobins s'ils ne me suivent." Il veut ensuite accuser Dumouriez, et ici un trouble extraordinaire eclate dans la societe; le president se couvre, et dit qu'on veut perdre les jacobins. Billaud-Varennes lui-meme monte a la tribune, se plaint de ces propositions incendiaires, justifie Dumouriez, qu'il n'aime pas, dit-il, mais qui fait maintenant son devoir, et qui a prouve qu'il voulait se battre vigoureusement. Il se plaint d'un projet tendant a desorganiser la convention nationale par des attentats; il declare comme tres suspects Varlet, Fournier, Desfieux, et appuie le projet d'un scrutin epuratoire pour delivrer la societe de tous les ennemis secrets qui veulent la compromettre. La voix de Billaud-Varennes est ecoutee; des nouvelles satisfaisantes, telles que le ralliement de l'armee par Dumouriez, et la reconnaissance de la republique par la Porte, achevent de ramener le calme. Ainsi Marat, Billaud-Varennes et Robespierre, qui parla aussi dans le meme sens, se prononcaient tous contre les agitateurs, et semblaient s'accorder a croire qu'ils etaient payes par l'ennemi. C'est la une incontestable preuve qu'il n'existait pas, comme le crurent les girondins, un complot secretement forme. Si ce complot eut existe, CHAPITRE VI. 96
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« De son cote Beurnonville, dont l'hotel etait cerne, franchit les murailles de son jardin, reunit le plus de monde qu'il put, se mit a la tete du bataillon de Brest, et imposa aux agitateurs.

La section des Quatre-Nations, les cordeliers, les jacobins, rentrerent chez eux.

Ainsi la resistance de la commune, la conduite de Santerre, le courage de Beurnonville et des Brestois, peut-etre aussi la pluie qui tombait avec abondance, empecherent les progres de l'insurrection.

D'ailleurs la passion n'etait pas encore assez forte contre ce qu'il y avait de plus noble, de plus genereux dans la republique naissante.

Petion, Condorcet, Vergniaud, allaient montrer quelque temps encore dans la convention leur courage, leurs talens et leur entrainante eloquence.

Tout se calma.

Le maire, appele a la barre de la convention, la rassura, et dans cette nuit meme on acheva paisiblement le decret qui organisait le tribunal revolutionnaire.

Ce tribunal etait compose d'un jury, de cinq juges, d'un accusateur public et de deux adjoints, tous nommes par la convention.

Les jures devaient etre choisis avant le mois de mai, et provisoirement ils pouvaient etre pris dans le departement de Paris et les qautre departemens voisins. Les jures devaient opiner a haute voix. La consequence de l'evenement du 10 mars fut de reveiller l'indignation des membres du cote droit, et de causer de l'embarras a ceux du cote gauche, compromis par ces demonstrations prematurees.

De toutes parts on desavouait ce mouvement comme illegal, comme attentatoire a la representation nationale.

Ceux meme qui ne desapprouvaient pas l'idee d'une nouvelle insurrection, condamnaient celle-ci comme mal conduite, et recommandaient de se garder des desorganisateurs payes par l'emigration et l'Angleterre pour provoquer des desordres.

Les deux cotes de l'assemblee semblaient conspirer pour etablir cette opinion; tous deux supposaient une influence secrete, et s'accusaient reciproquement d'en etre complices.

Une scene etrange confirma encore cette opinion generale.

La section Poissonniere, en presentant des volontaires, demanda un acte d'accusation contre Dumouriez, le general sur qui reposait dans le moment toute l'esperance de l'armee francaise.

A cette petition, lue par le president de la section, un cri general d'indignation s'eleve.

“C'est un aristocrate, s'ecrie-t-on, paye par les Anglais!” Au meme instant on regarde le drapeau que portait la section, et on s'apercoit avec etonnement que la cravate en est blanche, et qu'il est surmonte par des fleurs de lis.

Des cris de fureur eclatent a cette vue; on dechire les fleurs de lis et la cravate, et on les remplace par un ruban tricolore qu'une femme jette des tribunes.

Isnard prend aussitot la parole pour demander un acte d'accusation contre le president de cette section; plus de cent voix appuient cette motion, et dans le nombre, celle qui fixe le plus l'attention, est celle de Marat.

“Cette petition, dit-il, est un complot, il faut la lire tout entiere: on verra qu'on y demande la tete de Vergniaud, Guadet, Gensonne...

et autres; vous sentez, ajoute-t-il, quel triomphe ce serait pour nos ennemis qu'un tel massacre! ce serait la desolation de la convention...” Ici des applaudissemens universels interrompent Marat; il reprend, denonce lui-meme l'un des principaux agitateurs, nomme Fournier, et demande son arrestation.

Sur-le-champ elle est ordonnee; toute l'affaire est renvoyee au comite de surete generale; et l'assemblee ordonne qu'il soit envoye a Dumouriez copie du proces-verbal, pour lui prouver qu'elle ne partage pas a son egard les torts des calomniateurs. Le jeune Varlet, ami et compagnon de Fournier, accourt aux Jacobins pour demander justice de son arrestation, et proposer d'aller le delivrer.

“Fournier, dit-il, n'est pas le seul menace; Lasouski, Desfieux, moi-meme enfin, le sommes encore.

Le tribunal revolutionnaire qu'on vient d'etablir va tourner contre les patriotes comme celui du 10 aout, et les freres qui m'entendent ne sont plus jacobins s'ils ne me suivent.” Il veut ensuite accuser Dumouriez, et ici un trouble extraordinaire eclate dans la societe; le president se couvre, et dit qu'on veut perdre les jacobins.

Billaud-Varennes lui-meme monte a la tribune, se plaint de ces propositions incendiaires, justifie Dumouriez, qu'il n'aime pas, dit-il, mais qui fait maintenant son devoir, et qui a prouve qu'il voulait se battre vigoureusement.

Il se plaint d'un projet tendant a desorganiser la convention nationale par des attentats; il declare comme tres suspects Varlet, Fournier, Desfieux, et appuie le projet d'un scrutin epuratoire pour delivrer la societe de tous les ennemis secrets qui veulent la compromettre. La voix de Billaud-Varennes est ecoutee; des nouvelles satisfaisantes, telles que le ralliement de l'armee par Dumouriez, et la reconnaissance de la republique par la Porte, achevent de ramener le calme.

Ainsi Marat, Billaud-Varennes et Robespierre, qui parla aussi dans le meme sens, se prononcaient tous contre les agitateurs, et semblaient s'accorder a croire qu'ils etaient payes par l'ennemi.

C'est la une incontestable preuve qu'il n'existait pas, comme le crurent les girondins, un complot secretement forme.

Si ce complot eut existe, Histoire de la Revolution francaise, III CHAPITRE VI.

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