Hippolyte Taine, Philosophie de l'art
Publié le 27/04/2011
Extrait du document
Supposez maintenant, messieurs, que nous réussissions dans cette recherche, et que nous arrivions à marquer, avec une netteté complète, les différents états d'esprit qui ont amené la naissance de la peinture italienne, son développement, sa floraison, ses variétés et sa décadence. Supposez qu'on réussisse dans la même recherche pour les autres siècles, pour les autres pays, pour les différentes espèces d'art, l'architecture, la peinture, la sculpture, la poésie et la musique. Supposez que, par l'effet de toutes ces découvertes, on parvienne à définir la nature et marquer les conditions d'existence de chaque art : nous aurions alors une explication complète des beaux-arts et de l'art en général, c'est-à-dire une philosophie des beaux-arts; c'est là ce qu'on appelle une esthétique. Nous aspirons à celle-là, messieurs, et non pas à une autre. La nôtre est moderne, et diffère de l'ancienne en ce qu'elle est historique et non dogmatique, c'est-à-dire en ce qu'elle n'impose pas de préceptes, mais qu'elle constate des lois. L'ancienne esthétique donnait d'abord la définition du beau, et disait, par exemple, que le beau est l'expression de l'idéal moral, ou bien que le beau est l'expression de l'invisible, ou bien encore que le beau est l'expression des passions humaines; puis partant de là comme d'un article de code, elle absolvait, condamnait, admonestait et guidait. Je suis bien heureux de ne pas avoir une si grosse tâche à remplir ; je n'ai pas à vous guider, j'en serais trop embarrassé. D'ailleurs, je me dis tout bas qu'après tout, en fait de préceptes, on n'en a encore trouvé que deux : le premier qui conseille de naître avec du génie ; c'est l'affaire de vos parents, ce n'est pas la mienne ; le second qui conseille de travailler beaucoup, afin de bien posséder son art ; c'est votre affaire, ce n'est pas non plus la mienne. Mon seul devoir est de vous exposer des faits et de vous montrer comment ces faits se sont produits. La méthode moderne que je tâche de suivre, et qui commence à s'introduire dans toutes les sciences morales, consiste à considérer les œuvres humaines, et en particulier les œuvres d'art, comme des faits et des produits dont il faut marquer les caractères et chercher les causes; rien de plus. Ainsi comprise, la science ne proscrit ni ne pardonne ; elle constate et explique. Elle ne vous dit pas : « Méprisez l'art hollandais, il est trop grossier, et ne goûtez que l'art italien. « Elle ne vous dit pas non plus : « Méprisez l'art gothique, il est maladif, et ne goûtez que l'art grec. « Elle laisse à chacun la liberté de suivre ses prédilections particulières, de préférer ce qui est conforme à son tempérament, et d'étudier avec un soin plus attentif ce qui correspond le mieux à son propre esprit. Quant à elle, elle a des sympathies pour toutes les formes de l'art et pour toutes les écoles, même pour celles qui semblent le plus opposées; elle les accepte comme autant de manifestations de l'esprit humain ; elle juge que, plus elles sont nombreuses et contraires, plus elles montrent l'esprit humain par des faces nouvelles et nombreuses ; elle fait comme la botanique qui étudie, avec un intérêt égal, tantôt l'oranger et le laurier, tantôt le sapin et le bouleau ; elle est elle-même une sorte de botanique appliquée, non aux plantes, mais aux œuvres humaines. A ce titre, elle suit le mouvement général qui rapproche aujourd'hui les sciences morales des sciences naturelles, et qui, donnant aux premières les principes, les précautions, les directions des secondes, leur communique la même solidité et leur assure le même progrès. Hippolyte Taine, Philosophie de l'art, 1865. Selon votre préférence, résumez le texte en suivant le fil du développement ou faites-en une analyse qui, distinguant et ordonnant les thèmes, s'attache à rendre compte de leurs rapports. Choisissez ensuite un problème qui ait dans ce texte une réelle consistance et auquel vous attachez un intérêt particulier ; vous en précisez les données et vous exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question.
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