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Han d'Islande --Pour s'affranchir des charges de la tutelle royale.

Publié le 12/04/2014

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Han d'Islande --Pour s'affranchir des charges de la tutelle royale. --N'est-ce que pour cela? repartit l'autre avec le même ton railleur. --Ils veulent aussi délivrer le prisonnier de Munckholm. --Est-ce là le seul but de ce mouvement? répéta le petit homme avec cet accent qui déconcertait l'étranger. --Je n'en connais point d'autre, balbutia ce dernier. --Ah! tu n'en connais point d'autre! Ces paroles étaient prononcées du même ton ironique. L'étranger, pour dissiper l'embarras qu'elles lui causaient, s'empressa de tirer de dessous son manteau une grosse bourse qu'il jeta aux pieds du monstre. --Voici les honoraires de votre commandement. Le petit homme repoussa le sac du pied. --Je n'en veux pas. Crois-tu donc que si j'avais envie de ton or ou de ton sang, j'attendrais ta permission pour me satisfaire? L'étranger fit un geste de surprise et presque d'effroi. --C'était un présent dont les mineurs royaux m'avaient chargé pour vous. --Je n'en veux pas, te dis-je. L'or ne me sert à rien. Les hommes vendent bien leur âme, mais ils ne vendent pas leur vie. On est forcé de la prendre. --J'annoncerai donc aux chefs des mineurs que le redoutable Han d'Islande se borne à accepter leur commandement? --Je ne l'accepte pas. Ces mots, prononcés d'une voix brève, parurent frapper très désagréablement le prétendu envoyé des mineurs révoltés. --Comment? dit-il, --Non! répéta l'autre. --Vous refusez de prendre part à une expédition qui vous présente tant d'avantages? --Je puis bien piller les fermes, dévaster les hameaux, massacrer les paysans ou les soldats, tout seul. --Mais songez qu'en acceptant l'offre des mineurs l'impunité vous est assurée. --Est-ce encore au nom des mineurs que tu me promets l'impunité? demanda l'autre en riant. --Je ne vous dissimulerai pas, répondit l'étranger d'un air mystérieux, que c'est au nom d'un puissant personnage qui s'intéresse à l'insurrection. --Et ce puissant personnage, lui-même, est-il sûr de n'être pas pendu? XXV 132 Han d'Islande --Si vous le connaissiez, vous ne secoueriez pas ainsi la tête. --Ah!--Eh bien! quel est-il donc? --C'est ce que je ne puis vous dire. Le petit homme s'avança, et frappa sur l'épaule de l'étranger, toujours avec le même rire sardonique. --Veux-tu que je te le dise, moi? Un mouvement échappa à l'homme au manteau; c'était à la fois de l'épouvante et de l'orgueil blessé. Il ne s'attendait pas plus à la brusque interpellation du monstre qu'à sa sauvage familiarité. --Je me joue de toi, continua ce dernier. Tu ne sais pas que je sais tout. Ce puissant personnage, c'est le grand-chancelier de Danemark et de Norvège, et le grand-chancelier de Danemark et de Norvège, c'est toi. C'était lui en effet. Arrivé à la ruine d'Arbar, vers laquelle nous l'avons laissé voyageant avec Musdoemon, il avait voulu ne s'en remettre qu'à lui-même du soin de séduire le brigand, dont il était loin de se croire connu et attendu. Jamais, par la suite, le comte d'Ahlefeld, malgré toute sa finesse et toute sa puissance, ne put découvrir par quel moyen Han d'Islande avait été si bien informé. Était-ce une trahison de Musdoemon? C'était Musdoemon, il est vrai, qui avait insinué au noble comte l'idée de se présenter en personne au brigand; mais quel intérêt pouvait-il tirer de cette perfidie? Le brigand avait-il saisi sur quelqu'une de ses victimes des papiers relatifs aux projets du grand-chancelier? Mais Frédéric d'Ahlefeld était, avec Musdoemon, le seul être vivant instruit du plan de son père, et, tout frivole qu'il était, il n'était pas assez insensé pour compromettre un pareil secret. D'ailleurs, il était en garnison à Munckholm, du moins le grand-chancelier le croyait. Ceux qui liront la suite de cette scène, sans être, plus que le comte d'Ahlefeld, à même de résoudre le problème, verront quelle probabilité on pouvait asseoir sur cette dernière hypothèse. Une des qualités les plus éminentes du comte d'Ahlefeld, c'était la présence d'esprit. Quand il s'entendit si rudement nommer par le petit homme, il ne put réprimer un cri de surprise; mais en un clin d'oeil sa physionomie pâle et hautaine passa de l'expression de la crainte et de l'étonnement à celle du calme et de l'assurance. --Eh bien, oui! dit-il, je veux être franc avec vous; je suis en effet le chancelier. Mais soyez franc aussi. Un éclat de rire de l'autre l'interrompit. --Est-ce que je me suis fait prier pour te dire mon nom et pour te dire le tien? --Dites-moi avec la même sincérité comment vous avez su qui j'étais. --Ne t'a-t-on donc pas dit que Han d'Islande voit à travers les montagnes? Le comte voulut insister. --Voyez en moi un ami. --Ta main, comte d'Ahlefeld! dit le petit homme brutalement. Puis il regarda le ministre en face et s'écria:--Si nos deux âmes s'envolaient de nos corps en ce moment, je crois que Satan hésiterait avant de décider laquelle des deux est celle du monstre. XXV 133

« —Si vous le connaissiez, vous ne secoueriez pas ainsi la tête. —Ah!—Eh bien! quel est-il donc? —C'est ce que je ne puis vous dire. Le petit homme s'avança, et frappa sur l'épaule de l'étranger, toujours avec le même rire sardonique. —Veux-tu que je te le dise, moi? Un mouvement échappa à l'homme au manteau; c'était à la fois de l'épouvante et de l'orgueil blessé.

Il ne s'attendait pas plus à la brusque interpellation du monstre qu'à sa sauvage familiarité. —Je me joue de toi, continua ce dernier.

Tu ne sais pas que je sais tout.

Ce puissant personnage, c'est le grand-chancelier de Danemark et de Norvège, et le grand-chancelier de Danemark et de Norvège, c'est toi. C'était lui en effet.

Arrivé à la ruine d'Arbar, vers laquelle nous l'avons laissé voyageant avec Musdoemon, il avait voulu ne s'en remettre qu'à lui-même du soin de séduire le brigand, dont il était loin de se croire connu et attendu.

Jamais, par la suite, le comte d'Ahlefeld, malgré toute sa finesse et toute sa puissance, ne put découvrir par quel moyen Han d'Islande avait été si bien informé.

Était-ce une trahison de Musdoemon? C'était Musdoemon, il est vrai, qui avait insinué au noble comte l'idée de se présenter en personne au brigand; mais quel intérêt pouvait-il tirer de cette perfidie? Le brigand avait-il saisi sur quelqu'une de ses victimes des papiers relatifs aux projets du grand-chancelier? Mais Frédéric d'Ahlefeld était, avec Musdoemon, le seul être vivant instruit du plan de son père, et, tout frivole qu'il était, il n'était pas assez insensé pour compromettre un pareil secret.

D'ailleurs, il était en garnison à Munckholm, du moins le grand-chancelier le croyait.

Ceux qui liront la suite de cette scène, sans être, plus que le comte d'Ahlefeld, à même de résoudre le problème, verront quelle probabilité on pouvait asseoir sur cette dernière hypothèse. Une des qualités les plus éminentes du comte d'Ahlefeld, c'était la présence d'esprit.

Quand il s'entendit si rudement nommer par le petit homme, il ne put réprimer un cri de surprise; mais en un clin d'oeil sa physionomie pâle et hautaine passa de l'expression de la crainte et de l'étonnement à celle du calme et de l'assurance. —Eh bien, oui! dit-il, je veux être franc avec vous; je suis en effet le chancelier.

Mais soyez franc aussi. Un éclat de rire de l'autre l'interrompit. —Est-ce que je me suis fait prier pour te dire mon nom et pour te dire le tien? —Dites-moi avec la même sincérité comment vous avez su qui j'étais. —Ne t'a-t-on donc pas dit que Han d'Islande voit à travers les montagnes? Le comte voulut insister. —Voyez en moi un ami. —Ta main, comte d'Ahlefeld! dit le petit homme brutalement.

Puis il regarda le ministre en face et s'écria:—Si nos deux âmes s'envolaient de nos corps en ce moment, je crois que Satan hésiterait avant de décider laquelle des deux est celle du monstre.

Han d'Islande XXV 133. »

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