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Han d'Islande --Han d'Islande est pris!

Publié le 12/04/2014

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Han d'Islande --Han d'Islande est pris! victoire! --Han d'Islande est pris! répétèrent toutes les voix avec des accents de triomphe ou de détresse. Le petit homme avait disparu. Il y avait déjà quelque temps que les montagnards se sentaient succomber sous le nombre; car aux arquebusiers de Munckholm s'étaient joints les tirailleurs de la forêt, et des détachements de hulans et de dragons démontés, qui arrivaient de moment en moment de l'intérieur des gorges, où la reddition des principaux chefs rebelles avait arrêté le carnage. Le brave Kennybol, blessé au commencement de l'action, avait été fait prisonnier. La capture de Han d'Islande acheva d'abattre tout le reste du courage des montagnards. Ils mirent bas les armes. Quand les premières blancheurs de l'aube éclairèrent la cime aiguë des hauts glaciers encore à demi submergés dans l'ombre, il n'y avait plus dans les défilés du Pilier-Noir qu'un morne repos, qu'un affreux silence parfois entremêlé de faibles plaintes dont se jouait le vent léger du matin. De noires nuées de corbeaux accouraient vers ces fatales gorges de tous les points du ciel; et quelques pauvres chevriers, ayant passé pendant le crépuscule sur la lisière des rochers, revinrent effrayés dans leurs cabanes, affirmant qu'ils avaient vu, dans le défilé du Pilier-Noir, une bête à face humaine, qui buvait du sang, assise sur des monceaux de morts. XL Brûle donc qui voudra sous ces feux couverts! BRANTÔME. --Ma fille, ouvrez cette fenêtre; ces vitraux sont bien sombres, je voudrais voir un peu le jour. --Voyez le jour, mon père! la nuit approche à grands pas. --Il y a encore des rayons de soleil sur les collines qui bordent le golfe. J'ai besoin de respirer cet air libre à travers les barreaux de mon cachot.--Le ciel est si pur! --Mon père, un orage vient derrière l'horizon. --Un orage, Éthel! où le voyez-vous? --C'est parce que le ciel est pur; mon père, que j'attends un orage. Le vieillard jeta un regard surpris sur la jeune fille. --Si j'avais pensé cela dès ma jeunesse, je ne serais point ici. Puis il ajouta d'un ton moins ému: --Ce que vous dites est juste, mais n'est pas de votre âge. Je ne comprends point comment il se fait que votre jeune raison ressemble à ma vieille expérience. Éthel baissa les yeux, comme troublée par cette réflexion grave et simple. Ses deux mains se joignirent douloureusement, et un soupir profond souleva sa poitrine. XL 192 Han d'Islande --Ma fille, dit le vieux captif, depuis quelques jours vous êtes pâle, comme si jamais la vie n'avait échauffé le sang de vos veines. Voilà plusieurs matins que vous m'abordez avec des paupières rouges et gonflées, avec des yeux qui ont pleuré et veillé. Voilà plusieurs journées, Éthel, que je passe dans le silence, sans que votre voix essaie de m'arracher à la sombre méditation de mon passé. Vous êtes auprès de moi plus triste que moi; et cependant vous n'avez pas, comme votre père, le fardeau de toute une vie de néant et de vide qui pèse sur votre âme. L'affliction entoure votre jeunesse, mais ne peut pénétrer jusqu'à votre coeur. Les nuages du matin se dissipent promptement. Vous êtes à cette époque de l'existence où l'on se choisit dans ses rêves un avenir indépendant du présent, quel qu'il soit. Qu'avez-vous donc, ma fille? Grâce à cette monotone captivité, vous êtes à l'abri des malheurs imprévus. Quelle faute avez-vous commise?--Je ne puis croire que ce soit sur moi que vous vous affligiez; vous devez être accoutumée à mon irrémédiable infortune. L'espérance, à la vérité, n'est plus dans mes discours; mais ce n'est pas un motif pour que je lise le désespoir dans vos yeux. En parlant ainsi, la voix sévère du prisonnier s'était attendrie presque jusqu'à l'accent paternel. Éthel, muette, se tenait debout devant lui. Tout à coup, elle se détourna d'un mouvement presque convulsif, tomba à genoux sur la pierre, et cacha son visage dans ses mains, comme pour étouffer les larmes et les sanglots qui s'échappaient tumultueusement de son sein. Trop de douleur gonflait le coeur de l'infortunée jeune fille. Qu'avait-elle donc fait à cette fatale étrangère, pour lui révéler le secret qui détruisait toute sa vie? Hélas! depuis que le nom de son Ordener lui était connu tout entier, la pauvre enfant n'avait pas encore pu livrer ses yeux au sommeil, ni son âme au repos. La nuit elle n'éprouvait d'autre soulagement que celui de pouvoir pleurer en liberté. C'en était donc fait! il n'était point à elle, celui qui lui appartenait par tous ses souvenirs, par toutes ses douleurs, par toutes ses prières, celui dont elle s'était crue l'épouse sur la foi de ses rêves. Car la soirée où Ordener l'avait si tendrement serrée dans ses bras n'était plus dans sa pensée que comme un songe. Et en effet, ce doux songe, chacune de ses nuits le lui avait rendu depuis. C'était donc une tendresse coupable que celle qu'elle conservait encore malgré elle à cet ami absent! Son Ordener était le fiancé d'une autre! Et qui peut dire ce qu'éprouva ce coeur virginal quand le sentiment étrange et inconnu de la jalousie vint s'y glisser comme une vipère? quand elle s'agita pendant les longues heures de l'insomnie sur son lit brûlant, se figurant son Ordener, peut-être en ce moment même, dans les bras d'une autre femme plus belle, plus riche et plus noble qu'elle?--Car, se disait-elle, j'étais bien folle de croire qu'il avait été chercher la mort pour moi. Ordener est le fils d'un vice-roi, d'un puissant seigneur, et moi, je ne suis rien qu'une pauvre prisonnière; rien, que l'enfant méprisée d'un proscrit. Il est parti, lui qui est libre! et parti, sans doute, pour aller épouser sa belle fiancée, la fille d'un chancelier, d'un ministre, d'un orgueilleux comte!--Mais il m'a donc trompée, mon Ordener? ô Dieu! qui m'eût dit que cette voix pût tromper? Et la malheureuse Éthel pleurait et pleurait encore, et elle voyait devant ses yeux son Ordener, celui dont elle avait fait le dieu ignoré de tout son être, cet Ordener paré de l'éclat de son rang, marchant à l'autel au milieu d'une fête, et se tournant vers l'autre avec ce sourire qui était jadis sa joie. Cependant, au sein de son inexprimable désolation, elle n'avait pas un moment oublié sa tendresse filiale. Cette faible fille avait fait les plus héroïques efforts pour dérober son malheur à son infortuné père; car c'est ce qu'il y a de plus douloureux dans la douleur que d'en comprimer l'explosion extérieure, et les larmes qu'on dévore sont bien plus amères que celles qu'on répand. Il avait fallu plusieurs jours pour que le silencieux vieillard s'aperçût du changement de son Éthel, et les questions presque affectueuses qu'il venait de lui adresser avaient enfin fait jaillir tout à coup ses larmes trop longtemps renfermées dans son coeur. Le père regarda quelque temps sa fille pleurer avec un sourire amer, et en secouant la tête. --Éthel, dit-il enfin, toi qui ne vis pas parmi les hommes, pourquoi pleures-tu? XL 193

« —Ma fille, dit le vieux captif, depuis quelques jours vous êtes pâle, comme si jamais la vie n'avait échauffé le sang de vos veines.

Voilà plusieurs matins que vous m'abordez avec des paupières rouges et gonflées, avec des yeux qui ont pleuré et veillé.

Voilà plusieurs journées, Éthel, que je passe dans le silence, sans que votre voix essaie de m'arracher à la sombre méditation de mon passé.

Vous êtes auprès de moi plus triste que moi; et cependant vous n'avez pas, comme votre père, le fardeau de toute une vie de néant et de vide qui pèse sur votre âme.

L'affliction entoure votre jeunesse, mais ne peut pénétrer jusqu'à votre coeur.

Les nuages du matin se dissipent promptement.

Vous êtes à cette époque de l'existence où l'on se choisit dans ses rêves un avenir indépendant du présent, quel qu'il soit.

Qu'avez-vous donc, ma fille? Grâce à cette monotone captivité, vous êtes à l'abri des malheurs imprévus.

Quelle faute avez-vous commise?—Je ne puis croire que ce soit sur moi que vous vous affligiez; vous devez être accoutumée à mon irrémédiable infortune.

L'espérance, à la vérité, n'est plus dans mes discours; mais ce n'est pas un motif pour que je lise le désespoir dans vos yeux. En parlant ainsi, la voix sévère du prisonnier s'était attendrie presque jusqu'à l'accent paternel.

Éthel, muette, se tenait debout devant lui.

Tout à coup, elle se détourna d'un mouvement presque convulsif, tomba à genoux sur la pierre, et cacha son visage dans ses mains, comme pour étouffer les larmes et les sanglots qui s'échappaient tumultueusement de son sein. Trop de douleur gonflait le coeur de l'infortunée jeune fille.

Qu'avait-elle donc fait à cette fatale étrangère, pour lui révéler le secret qui détruisait toute sa vie? Hélas! depuis que le nom de son Ordener lui était connu tout entier, la pauvre enfant n'avait pas encore pu livrer ses yeux au sommeil, ni son âme au repos.

La nuit elle n'éprouvait d'autre soulagement que celui de pouvoir pleurer en liberté.

C'en était donc fait! il n'était point à elle, celui qui lui appartenait par tous ses souvenirs, par toutes ses douleurs, par toutes ses prières, celui dont elle s'était crue l'épouse sur la foi de ses rêves.

Car la soirée où Ordener l'avait si tendrement serrée dans ses bras n'était plus dans sa pensée que comme un songe.

Et en effet, ce doux songe, chacune de ses nuits le lui avait rendu depuis.

C'était donc une tendresse coupable que celle qu'elle conservait encore malgré elle à cet ami absent! Son Ordener était le fiancé d'une autre! Et qui peut dire ce qu'éprouva ce coeur virginal quand le sentiment étrange et inconnu de la jalousie vint s'y glisser comme une vipère? quand elle s'agita pendant les longues heures de l'insomnie sur son lit brûlant, se figurant son Ordener, peut-être en ce moment même, dans les bras d'une autre femme plus belle, plus riche et plus noble qu'elle?—Car, se disait-elle, j'étais bien folle de croire qu'il avait été chercher la mort pour moi.

Ordener est le fils d'un vice-roi, d'un puissant seigneur, et moi, je ne suis rien qu'une pauvre prisonnière; rien, que l'enfant méprisée d'un proscrit.

Il est parti, lui qui est libre! et parti, sans doute, pour aller épouser sa belle fiancée, la fille d'un chancelier, d'un ministre, d'un orgueilleux comte!—Mais il m'a donc trompée, mon Ordener? ô Dieu! qui m'eût dit que cette voix pût tromper? Et la malheureuse Éthel pleurait et pleurait encore, et elle voyait devant ses yeux son Ordener, celui dont elle avait fait le dieu ignoré de tout son être, cet Ordener paré de l'éclat de son rang, marchant à l'autel au milieu d'une fête, et se tournant vers l'autre avec ce sourire qui était jadis sa joie. Cependant, au sein de son inexprimable désolation, elle n'avait pas un moment oublié sa tendresse filiale. Cette faible fille avait fait les plus héroïques efforts pour dérober son malheur à son infortuné père; car c'est ce qu'il y a de plus douloureux dans la douleur que d'en comprimer l'explosion extérieure, et les larmes qu'on dévore sont bien plus amères que celles qu'on répand.

Il avait fallu plusieurs jours pour que le silencieux vieillard s'aperçût du changement de son Éthel, et les questions presque affectueuses qu'il venait de lui adresser avaient enfin fait jaillir tout à coup ses larmes trop longtemps renfermées dans son coeur. Le père regarda quelque temps sa fille pleurer avec un sourire amer, et en secouant la tête. —Éthel, dit-il enfin, toi qui ne vis pas parmi les hommes, pourquoi pleures-tu? Han d'Islande XL 193. »

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