Devoir de Philosophie

Han d'Islande [Footnote: Frédéric III fut la dupe de Borch ou Borrichius, chimiste danois, et surtout de Borri, charlatan milanais, qui se disait le favori de l'archange Michel.

Publié le 12/04/2014

Extrait du document

chimiste
Han d'Islande [Footnote: Frédéric III fut la dupe de Borch ou Borrichius, chimiste danois, et surtout de Borri, charlatan milanais, qui se disait le favori de l'archange Michel. Cet imposteur, après avoir émerveillé de ses prétendus prodiges Strasbourg et Amsterdam, agrandit la sphère de son ambition et la témérité de ses mensonges; après avoir trompé le peuple, il osa tromper les rois. Il commença par la reine Christine à Hambourg, et termina par le roi Frédéric à Copenhague.]; mais il leur faut le denier du paysan non moins que le million du prince. Spiagudry se trompait; en approchant du monticule, ils reconnurent, à sa robe noire et à son bonnet rond et aigu, un syndic environné de quelques archers. L'homme qui sonnait du cor était le crieur des édits. Le gardien fugitif, troublé, murmura à voix basse: --En vérité, seigneur Ordener, en entrant dans cette bourgade, je ne m'attendais guère à tomber sur un syndic. Me protège le grand saint Hospice! que va-t-il dire? Son incertitude ne fut pas longue, car la voix glapissante du crieur des édits s'éleva tout à coup, religieusement écoutée par la petite foule des habitants d'Oëlmoe. --«Au nom de sa majesté, et par ordre de son excellence le général Levin de Knud, gouverneur, le haut-syndic du Drontheimhus fait savoir à tous les habitants des villes, bourgs et bourgades de la province, que:--1° la tête de Han, natif de Klipstadur, en Islande, assassin et incendiaire, est mise au prix de mille écus royaux.» Un murmure vague éclata dans l'auditoire. Le crieur poursuivit: --«2° La tête de Benignus Spiagudry, nécroman et sacrilège, ex-gardien du Spladgest de Drontheim, est mise au prix de quatre écus royaux; «3° Cet édit sera publié dans toute la province, par les syndics des villes, bourgs et bourgades, qui en faciliteront l'exécution.» Le syndic prit l'édit des mains du crieur, et ajouta d'une voix lugubre et solennelle: --La vie de ces hommes est offerte à qui voudra la prendre. Le lecteur se persuadera aisément que cette lecture ne fut pas écoutée sans quelque émotion par notre pauvre et malencontreux Spiagudry. Nul doute même que les signes extraordinaires d'effroi qui lui échappèrent en ce moment n'eussent appelé l'attention du groupe qui l'environnait, si elle n'eût été entièrement absorbée par la première partie de l'édit syndical. --La tête de Han à prix! s'écria un vieux pêcheur qui était venu traînant ses filets humides. Ils feraient tout aussi bien, par saint Usulph, de mettre à prix également la tête de Belzébuth. --Pour garder la proportion entre Han et Belzébuth, il faudrait, dit un chasseur, reconnaissable à sa veste de peau de chamois, qu'ils offrissent seulement quinze cents écus du chef cornu du dernier démon. --Gloire soit à la sainte mère de Dieu! ajouta en roulant son fuseau une vieille dont le front chauve branlait. Je voudrais voir la tête de ce Han, afin de m'assurer que ses yeux sont deux charbons ardents, comme on le dit. --Oui, sûrement, reprit une autre vieille, c'est seulement en la regardant qu'il a brûlé la cathédrale de Drontheim. Moi, je voudrais voir le monstre tout entier avec sa queue de serpent, son pied fourchu et ses XIX 98 Han d'Islande grandes ailes de chauve-souris. --Qui vous a fait ces contes, bonne mère? interrompit le chasseur d'un air de fatuité. J'ai vu, moi, ce Han d'Islande dans les gorges de Medsyhath; c'est un homme fait comme nous, seulement il a la hauteur d'un peuplier de quarante ans. --Vraiment? dit avec une expression singulière une voix dans la foule. Cette voix, qui fit tressaillir Spiagudry, était celle d'un petit homme dont le visage était caché sous un large feutre de mineur, et le corps couvert d'une natte de jonc et de poil de veau marin. --Sur ma foi, reprit, avec un rire épais, un forgeron qui portait son grand marteau en bandoulière, qu'on offre pour sa tête mille ou dix mille écus royaux, qu'il ait quatre ou quarante brasses de hauteur, ce n'est pas moi qui me chargerai d'aller y voir. --Ni moi, dit le pêcheur. --Ni moi, ni moi, répétèrent toutes les voix. --Celui pourtant qui en serait tenté, reprit le petit homme, trouvera Han d'Islande demain dans la ruine d'Arbar, près le Smiasen; après-demain dans la grotte de Walderhog. --Brave homme, en êtes-vous sûr? Cette question fut faite à la fois par Ordener, qui assistait à cette scène avec un intérêt facile à comprendre pour tout autre que Spiagudry, et par un autre petit homme, assez replet, vêtu de noir, d'un visage gai, et qui était sorti, aux premiers sons de la trompe du crieur, de la seule auberge que renfermât la bourgade. Le petit homme au grand chapeau parut les considérer un instant tous deux, et répondit d'une voix sourde: --Oui. --Et comment le savez-vous pour pouvoir l'affirmer? demanda Ordener. --Je sais où est Han d'Islande, comme je sais où est Benignus Spiagudry; ni l'un ni l'autre ne sont loin d'ici en ce moment. Toutes les terreurs se réveillèrent dans le pauvre concierge, osant à peine regarder le mystérieux petit homme, et se croyant mal caché sous sa perruque française; il se mit à tirer le manteau d'Ordener en disant à voix basse: --Maître, seigneur, au nom du ciel, de grâce, par pitié, allons-nous-en, sortons de ce maudit faubourg de l'enfer! Ordener, surpris comme lui, examinait attentivement le petit homme, qui, tournant le dos au jour, paraissait soigneux de cacher ses traits. --Ce Benignus Spiagudry, s'écria le pêcheur, je l'ai vu au Spladgest de Drontheim. C'est un grand. --C'est celui dont on offre quatre écus. Le chasseur éclata de rire. XIX 99
chimiste

« grandes ailes de chauve-souris. —Qui vous a fait ces contes, bonne mère? interrompit le chasseur d'un air de fatuité.

J'ai vu, moi, ce Han d'Islande dans les gorges de Medsyhath; c'est un homme fait comme nous, seulement il a la hauteur d'un peuplier de quarante ans. —Vraiment? dit avec une expression singulière une voix dans la foule.

Cette voix, qui fit tressaillir Spiagudry, était celle d'un petit homme dont le visage était caché sous un large feutre de mineur, et le corps couvert d'une natte de jonc et de poil de veau marin. —Sur ma foi, reprit, avec un rire épais, un forgeron qui portait son grand marteau en bandoulière, qu'on offre pour sa tête mille ou dix mille écus royaux, qu'il ait quatre ou quarante brasses de hauteur, ce n'est pas moi qui me chargerai d'aller y voir. —Ni moi, dit le pêcheur. —Ni moi, ni moi, répétèrent toutes les voix. —Celui pourtant qui en serait tenté, reprit le petit homme, trouvera Han d'Islande demain dans la ruine d'Arbar, près le Smiasen; après-demain dans la grotte de Walderhog. —Brave homme, en êtes-vous sûr? Cette question fut faite à la fois par Ordener, qui assistait à cette scène avec un intérêt facile à comprendre pour tout autre que Spiagudry, et par un autre petit homme, assez replet, vêtu de noir, d'un visage gai, et qui était sorti, aux premiers sons de la trompe du crieur, de la seule auberge que renfermât la bourgade. Le petit homme au grand chapeau parut les considérer un instant tous deux, et répondit d'une voix sourde: —Oui. —Et comment le savez-vous pour pouvoir l'affirmer? demanda Ordener. —Je sais où est Han d'Islande, comme je sais où est Benignus Spiagudry; ni l'un ni l'autre ne sont loin d'ici en ce moment. Toutes les terreurs se réveillèrent dans le pauvre concierge, osant à peine regarder le mystérieux petit homme, et se croyant mal caché sous sa perruque française; il se mit à tirer le manteau d'Ordener en disant à voix basse: —Maître, seigneur, au nom du ciel, de grâce, par pitié, allons-nous-en, sortons de ce maudit faubourg de l'enfer! Ordener, surpris comme lui, examinait attentivement le petit homme, qui, tournant le dos au jour, paraissait soigneux de cacher ses traits. —Ce Benignus Spiagudry, s'écria le pêcheur, je l'ai vu au Spladgest de Drontheim.

C'est un grand. —C'est celui dont on offre quatre écus. Le chasseur éclata de rire.

Han d'Islande XIX 99. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles