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Han d'Islande --Ce n'est pas, seigneur, qu'il soit plus escarpé, mais le savant voyageur Suckson conte qu'il est souvent embarrassé d'éclats de roches ou de lourdes pierres qu'on ne peut soulever et qu'il n'est pas aisé de franchir.

Publié le 12/04/2014

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conte
Han d'Islande --Ce n'est pas, seigneur, qu'il soit plus escarpé, mais le savant voyageur Suckson conte qu'il est souvent embarrassé d'éclats de roches ou de lourdes pierres qu'on ne peut soulever et qu'il n'est pas aisé de franchir. Il y a entre autres, un peu au delà de la poterne de Malaër, dont nous approchons, un énorme bloc triangulaire de granit que j'ai toujours vivement désiré voir. Schoenning affirme y avoir retrouvé les trois caractères runiques primitifs. Il y avait déjà quelque temps que les voyageurs gravissaient la roche nue; ils atteignirent une petite tour écroulée, à travers laquelle il fallait passer, et que Spiagudry fit remarquer à Ordener. --C'est la poterne de Malaër, seigneur. Ce chemin creusé à vif présente plusieurs autres constructions curieuses, qui montrent quelles étaient les anciennes fortifications de nos manoirs norvégiens! Cette poterne, qui était toujours gardée par quatre hommes d'armes, était le premier ouvrage avancé du fort de Vermund. À propos de porte ou poterne, le moine Urensius fait une remarque singulière; le mot janua, qui vient de Janus, dont le temple avait des portes si célèbres, n'a-t-il pas engendré le mot janissaire, gardien de la porte du sultan? Il serait assez curieux que le nom du prince le plus doux de l'histoire eût passé aux soldats les plus féroces de la terre. Au milieu de tout le fatras scientifique du concierge, ils avançaient assez péniblement sur des pierres roulantes et des cailloux tranchants, mêlés de ce gazon court et glissant qui croît quelquefois sur les rochers. Ordener oubliait la fatigue en songeant au bonheur de revoir ce Munckholm, si éloigné; tout à coup Spiagudry s'écria: --Ah! je l'aperçois! cette seule vue me dédommage de toute ma peine. Je la vois, seigneur, je la vois! --Qui donc? dit Ordener, qui pensait en ce moment à son Éthel. --Eh! seigneur, la pyramide triangulaire dont parle Schoenning! Je serai, avec le professeur Schoenning et l'évêque Isleif, le troisième savant qui aura eu le bonheur de l'examiner. Seulement il est fâcheux que ce ne soit qu'au clair de lune. En approchant du fameux bloc, Spiagudry poussa un cri de douleur et d'épouvante à la fois. Ordener, surpris, s'informa avec intérêt du nouveau sujet de son émotion; mais le concierge archéologue fut quelque temps avant de pouvoir lui répondre. --Vous croyiez, disait Ordener, que cette pierre barrait le chemin; vous devez, au contraire, reconnaître avec plaisir qu'elle le laisse parfaitement libre. --Et c'est justement ce qui me désespère! dit Benignus d'une voix lamentable. --Comment? --Quoi! seigneur, reprit le concierge, ne voyez-vous pas que cette pyramide a été dérangée de sa position; que la base, qui était assise sur le sentier, est maintenant exposée à l'air, tandis que le bloc est précisément appuyé contre terre, sur la face où Schoenning avait découvert les caractères runiques primordiaux?--Je suis bien malheureux! --C'est jouer de malheur, en effet, dit le jeune homme. --Et ajoutez à cela, reprit vivement Spiagudry, que le dérangement de cette masse prouve ici la présence de quelque être surhumain. À moins que ce ne soit le diable, il n'y a en Norvège qu'un seul homme dont le bras puisse... XXII 108 Han d'Islande --Mon pauvre guide, vous revenez encore à vos terreurs paniques. Qui sait si cette pierre n'est pas ainsi depuis plus d'un siècle? --Il y a cent cinquante ans, à la vérité, dit Spiagudry d'une voix plus calme, que le dernier observateur l'a étudiée. Mais il me semble qu'elle est fraîchement remuée; la place qu'elle occupait est encore humide. Voyez, seigneur. Ordener, impatient d'arriver aux ruines, arracha son guide d'auprès de la pyramide merveilleuse, et parvint, par de sages paroles, à dissiper les nouvelles craintes que cet étrange déplacement avait inspirées au vieux savant. --Écoutez, vieillard, vous pourrez vous fixer au bord de ce lac, et vous livrer à votre aise à vos importantes études, quand vous aurez reçu les mille écus royaux que vous rapportera la tête de Han. --Vous avez raison, noble seigneur; mais ne parlez pas si légèrement d'une victoire bien douteuse. Il faut que je vous donne un conseil pour que vous vous rendiez plus aisément maître du monstre. Ordener se rapprocha vivement de Spiagudry. --Un conseil! lequel? --Le brigand, dit celui-ci à voix basse et en jetant des regards inquiets autour de lui, le brigand porte à sa ceinture un crâne dans lequel il a coutume de boire. Ce crâne est le crâne de son fils, dont le cadavre est celui pour la profanation duquel je suis poursuivi. --Haussez un peu la voix et ne craignez rien, je vous entends à peine. Eh bien! ce crâne? --C'est de ce crâne, dit Spiagudry en se penchant à l'oreille du jeune homme, qu'il faut tâcher de vous emparer. Le monstre y attache je ne sais quelles idées superstitieuses. Quand le crâne de son fils sera en votre pouvoir, vous ferez de lui tout ce que vous voudrez. --Cela est bien, mon brave homme; mais comment s'emparer de ce crâne? --Par la ruse, seigneur; pendant le sommeil du monstre, peut-être... Ordener l'interrompit. --Il suffit. Votre bon conseil ne peut me servir; je ne dois pas savoir si un ennemi dort. Je ne connais pour combattre que mon épée. --Seigneur, seigneur! il n'est pas prouvé que l'archange Michel n'ait pas usé de ruse pour terrasser Satan. Ici Spiagudry s'arrêta tout à coup, et étendit ses deux mains devant lui, en s'écriant d'une voix presque éteinte: --O ciel! ô ciel! qu'est-ce que je vois là-bas? Voyez, maître, n'est-ce pas un petit homme qui marche dans ce même sentier devant nous? --Ma foi, dit Ordener en levant les yeux, je ne vois rien. --Rien, seigneur?--En effet, le sentier tourne, et il a disparu derrière ce rocher.--N'allons pas plus loin, seigneur, je vous en conjure. XXII 109
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« —Mon pauvre guide, vous revenez encore à vos terreurs paniques.

Qui sait si cette pierre n'est pas ainsi depuis plus d'un siècle? —Il y a cent cinquante ans, à la vérité, dit Spiagudry d'une voix plus calme, que le dernier observateur l'a étudiée.

Mais il me semble qu'elle est fraîchement remuée; la place qu'elle occupait est encore humide.

Voyez, seigneur. Ordener, impatient d'arriver aux ruines, arracha son guide d'auprès de la pyramide merveilleuse, et parvint, par de sages paroles, à dissiper les nouvelles craintes que cet étrange déplacement avait inspirées au vieux savant. —Écoutez, vieillard, vous pourrez vous fixer au bord de ce lac, et vous livrer à votre aise à vos importantes études, quand vous aurez reçu les mille écus royaux que vous rapportera la tête de Han. —Vous avez raison, noble seigneur; mais ne parlez pas si légèrement d'une victoire bien douteuse.

Il faut que je vous donne un conseil pour que vous vous rendiez plus aisément maître du monstre. Ordener se rapprocha vivement de Spiagudry. —Un conseil! lequel? —Le brigand, dit celui-ci à voix basse et en jetant des regards inquiets autour de lui, le brigand porte à sa ceinture un crâne dans lequel il a coutume de boire.

Ce crâne est le crâne de son fils, dont le cadavre est celui pour la profanation duquel je suis poursuivi. —Haussez un peu la voix et ne craignez rien, je vous entends à peine.

Eh bien! ce crâne? —C'est de ce crâne, dit Spiagudry en se penchant à l'oreille du jeune homme, qu'il faut tâcher de vous emparer.

Le monstre y attache je ne sais quelles idées superstitieuses.

Quand le crâne de son fils sera en votre pouvoir, vous ferez de lui tout ce que vous voudrez. —Cela est bien, mon brave homme; mais comment s'emparer de ce crâne? —Par la ruse, seigneur; pendant le sommeil du monstre, peut-être... Ordener l'interrompit. —Il suffit.

Votre bon conseil ne peut me servir; je ne dois pas savoir si un ennemi dort.

Je ne connais pour combattre que mon épée. —Seigneur, seigneur! il n'est pas prouvé que l'archange Michel n'ait pas usé de ruse pour terrasser Satan. Ici Spiagudry s'arrêta tout à coup, et étendit ses deux mains devant lui, en s'écriant d'une voix presque éteinte: —O ciel! ô ciel! qu'est-ce que je vois là-bas? Voyez, maître, n'est-ce pas un petit homme qui marche dans ce même sentier devant nous? —Ma foi, dit Ordener en levant les yeux, je ne vois rien. —Rien, seigneur?—En effet, le sentier tourne, et il a disparu derrière ce rocher.—N'allons pas plus loin, seigneur, je vous en conjure.

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