Françoise ARMENGAUD : L 'urbanimalisation et les droits de l'animal
Publié le 21/06/2012
Extrait du document
Nous constatons qu'une place toujours plus grande est faite à l'animal
au sein de la famille humaine. Mais aussi une place toute nouvelle
au niveau du langage. Et, surtout, dans l'ordre juridique. L'année 1978
restera essentiellement l'année de la Déclaration universelle des droits
de l'animal. La portée théorique de ce texte est considérable, et déjà
mesurable. Sa portée pratique doit aller croissant.
Un brin d'enthousiasme, à un poil de zoophile près, et c'est d'une
conquête par l'animal de la dimension de la personnalité que l'on se
plaira à parler. Par où l'animal rejoindrait, en queue bien sûr, la grande
marche promotionnelle des minorités exotiques, féminines ou
enfantines.
«
de survivre aux diverses catastrophes, entre le géranium et le minou,
à ce fait qu'il entretient avec zèle un représentant du monde animal,
même
si son espèce est loin d'être menacée.
Retrouver, réactualiser
l'alliance primordiale avec
le monde animal, ce souci semble guider
maint comportement de
ce genre.
Il faut reconnaître ensuite, dans l'intérêt porté à l'animal, une cer
taine fascination pour la totalité que celui-ci constitue, totalité non mar
quée, apparemment du moins,
par le clivage de la nature et de la cul
ture, ni
par les complications politiques.
Siné 1 a beau dire qu'il pré
fère
les chats aux chiens parce qu'il n'y a pas de chat policier, birmans
et persans ont beau être embrigadés, généalogisés et fétichisés,
ces braves
bêtes, c'est bien reposant, ne sont ni de droite ni de gauche.
L'animal
est aussi
le double heureux qui ne travaille pas, entièrement entretenu
par un maître qui contemple en lui cette suffisance 2 devenue rare.
L'animal de compagnie permet, en outre, de s'offrir
à moindres frais
une juvénilité contagieuse : le premier chiot venu transforme et rajeu
nit
le foyer le plus austère.
Avec avidité, nous nous enchantons du
charme des yeux neufs émerveillés qui s'ouvrent sur la vie, découverte
pataude et éblouie, toujours recommencée.
Parfaits miroirs des besoins
relationnels de l'affectivité humaine,
les jeunes animaux rechargent nos
investissements émoussés
à l'égard des choses et de la vie.
Maintenir
entrebâillées
les portes de l'intérêt, de l'attente, de l'exigence, tel est
le rôle que tiennent nos compagnons à quatre pattes.
Bref, réconforter
notre narcissisme, aussi bien comme sensation de plénitude, de puis
sance, de fusion avec l'univers que comme image gratifiante que nous
renvoient les yeux de l'animal -il nous trouve toujours aimable -tel
est le service éminent qu'il nous rend.
Son rôle est aussi familial.
Sa place est marquée de manière souple
et diverse dans la famille humaine.
Ainsi, chez un jeune couple qui remet
à plus tard l'enfant, c'est l'animal qui va occuper la place du petit tiers
inerme séducteur, grand absorbeur de soins, focaliseur d'attentions,
unificateur d'intérêts, finalisateur de loisirs.
Cela s'accompagne
d'un
soulagement du fait que l'on n'a pas à s'inquiéter de son avenir, car,
à proprement parler, d'avenir, il n'en a pas.
Complice exemplaire du
souhait de perpétuation d'un éternel présent.
Dans une famille nom
breuse, il sera traité par les enfants en petit dernier sur qui se reportent
tendresses et brimades, autorité et protection ; il marque l'élargisse
ment de la famille au-delà de l'humanité, une forme d'ouverture donc,
mais aussi une volonté d'inclusion et, en définitive, de clôture.
Chiens
ou chats sont
les allocutaires peu contrariants des gens seuls ; ils
rythment et structurent leur temps
par leurs exigences alimentaires et
leur prodiguent généreusement la joie d'être attendus et fêtés lors du
retour
à la maison.
1.
Siné : caricaturiste contemporain.
2.
Suffisance: l'auteur désigne par ce terme la possibilité qu'a l'animal de vivre sans travailler.
3.
Inerme : sans armes, sans défense..
»
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