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Fernand BRAUDEL (1902-1985) Des limites de l'histoire événementielle Tout travail historique décompose le temps révolu, choisit entre ses réalités chronologiques, selon des préférences et exclusives plus ou moins conscientes.

Publié le 21/10/2016

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histoire
Fernand BRAUDEL (1902-1985) Des limites de l'histoire événementielle Tout travail historique décompose le temps révolu, choisit entre ses réalités chronologiques, selon des préférences et exclusives plus ou moins conscientes. L'histoire traditionnelle attentive au temps bref, à l'individu, à l'événement, nous a depuis longtemps habitués à son récit précipité, dramatique, de souffle court. La nouvelle histoire économique et sociale met au premier plan de sa recherche l'oscillation cyclique et elle mise sur sa durée : elle s'est prise au mirage, à la réalité aussi des montées et descentes cycliques des prix. Il y a ainsi, aujourd'hui, à côté du récit (ou du « récitatif » traditionnel), un récitatif de la conjoncture qui met en cause le passé par larges tranches : dizaines, vingtaines ou cinquantaines d'années. Bien au-delà de ce second récitatif se situe une histoire de souffle plus soutenu encore, d'ampleur séculaire cette fois : l'histoire de longue, même de très longue durée. La formule, bonne ou mauvaise, m'est devenue familière pour désigner l'inverse de ce que François Simiand, l'un des premiers après Paul Lacombe, aura baptisé histoire événementielle. Peu importent ces formules ; en tout cas c'est de l'une à l'autre, d'un pôle à l'autre du temps, de l'instantané à la longue durée que se situera notre discussion. Non que ces mots soient d'une sûreté absolue. Ainsi le mot événement. Pour ma part, je voudrais le cantonner, l'emprisonner dans la courte durée : l'événement est explosif, « nouvelle sonnante », comme l'on disait au XVIe siècle. De sa fumée abusive, il emplit la conscience des contemporains, mais il ne dure guère, à peine voit-on sa flamme. Alors, disons plus clairement, au lieu d'événementiel : le temps court, à la mesure des individus, de la vie quotidienne, de nos illusions, de nos prises rapides de conscience - le temps par excellence du chroniqueur, du journaliste. Or, remarquons-le, chronique ou journal donnent, à côté des grands événements, dits historiques, les médiocres accidents de la vie ordinaire : un incendie, une catastrophe ferroviaire, le prix du blé, un crime, une représentation théâtrale, une inondation. Chacun comprendra qu'il y ait, ainsi, un temps court de toutes les formes de la vie, économique, social, littéraire, institutionnel, religieux, géographique même (un coup de vent, une tempête), aussi bien que politique. À la première appréhension, le passé est cette masse de menus faits, les uns éclatants, les autres obscurs et indéfiniment répétés, ceux mêmes dont la microsociologie ou la sociométrie, dans l'actualité, font leur butin quotidien (il y a aussi une microhistoire). Mais cette masse ne constitue pas toute la réalité, toute l'épaisseur de l'histoire sur quoi peut travailler à l'aise la réflexion scientifique. La science sociale a presque horreur de l'événement. Non sans raison : le temps court est la plus capricieuse, la plus trompeuse des durées. D'où chez certains d'entre nous, historiens, une méfiance vive à l'égard d'une histoire traditionnelle, dite événementielle. Écrits sur l'histoire, Paris, Flammarion, « Champs », 1969, p. 44-46.
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Chacun comprendra qu'il y ait, ainsi, un temps court de toutes les formes de la vie, ?conomique, social, litt?raire, institutionnel, religieux, g?ographique m?me (un coup de vent, une temp?te), aussi bien que politique. ? la premi?re appr?hension, le pass? est cette masse de menus faits, les uns ?clatants, les autres obscurs et ind?finiment r?p?t?s, ceux m?mes dont la microsociologie ou la sociom?trie, dans l'actualit?, font leur butin quotidien (il y a aussi une microhistoire).

Mais cette masse ne constitue pas toute la r?alit?, toute l'?paisseur de l'histoire sur quoi peut travailler ? l'aise la r?flexion scientifique.

La science sociale a presque horreur de l'?v?nement.

Non sans raison?: le temps court est la plus capricieuse, la plus trompeuse des dur?es. D'o? chez certains d'entre nous, historiens, une m?fiance vive ? l'?gard d'une histoire traditionnelle, dite ?v?nementielle. ?crits sur l'histoire, Paris, Flammarion, ??Champs??, 1969, p.?44-46.. »

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