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était brodée toute une chasse au cerf, avec des attributs, des poires à poudre, des cors de chasse, des couteaux à larges lames.

Publié le 29/10/2013

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était brodée toute une chasse au cerf, avec des attributs, des poires à poudre, des cors de chasse, des couteaux à larges lames. Ce fut alors aussi qu'elle mit à la mode les coiffures antiques que Maxime dut aller dessiner pour elle au musée Campana, récemment ouvert. Elle rajeunissait, elle était dans la plénitude de sa beauté turbulente. L'inceste mettait en elle une flamme qui luisait au fond de ses yeux et chauffait ses rires. Son binocle prenait des insolences suprêmes sur le bout de son nez, et elle regardait les autres femmes, les bonnes amies étalées dans l'énormité de quelque vice, d'un air d'adolescent vantard, d'un sourire fixe signifiant : « J'ai mon crime. « Maxime, lui, trouvait le monde assommant. C'était par « chic « qu'il prétendait s'y ennuyer, car il ne s'amusait réellement nulle part. Aux Tuileries, chez les ministres, il disparaissait dans les jupons de Renée. Mais il redevenait le maître, dès qu'il s'agissait de quelque escapade. Renée voulut revoir le cabinet du boulevard, et la largeur du divan la fit sourire. Puis, il la mena un peu partout, chez les filles, au bal de l'Opéra, dans les avant-scènes des petits théâtres, dans tous les endroits équivoques où ils pouvaient coudoyer le vice brutal, en goûtant les joies de l'incognito. Quand ils rentraient furtivement à l'hôtel, brisés de fatigue, ils s'endormaient aux bras l'un de l'autre, cuvant l'ivresse du Paris ordurier, avec des lambeaux de couplets grivois chantant encore à leurs oreilles. Le lendemain, Maxime imitait les acteurs, et Renée, sur le piano du petit salon, cherchait à retrouver la voix rauque et les déhanchements de Blanche Müller dans son rôle de la Belle Hélène. Ses leçons de musique du couvent ne lui servaient plus qu'à écorcher les couplets des bouffonneries nouvelles. Elle avait une horreur sainte pour les airs sérieux. Maxime « blaguait « avec elle la musique allemande, et il crut devoir aller siffler le Tannhäuser par conviction, et pour défendre les refrains égrillards de sa belle-mère. Une de leurs grandes parties fut de patiner ; cet hiver-là, le patin était à la mode, l'empereur étant allé un des premiers essayer la glace du lac, au bois de Boulogne. Renée commanda à Worms un costume complet de Polonaise, velours et fourrure ; elle voulut que Maxime eût des bottes molles et un bonnet de renard. Ils arrivaient au Bois, par des froids de loup qui leur piquaient le nez et les lèvres, comme si le vent leur eût soufflé du sable fin au visage. Cela les amusait d'avoir froid. Le Bois était tout gris, avec des filets de neige, semblables, le long des branches, à de minces guipures. Et, sous le ciel pâle, au-dessus du lac figé et terni, il n'y avait que les sapins des îles qui missent encore, au bord de l'horizon, leurs draperies théâtrales, où la neige cousait aussi de hautes dentelles. Ils filaient tous deux dans l'air glacé, du vol rapide des hirondelles qui rasent le sol. Ils mettaient un poing derrière le dos, et se posant mutuellement l'autre main sur l'épaule, ils allaient droits, souriants, côte à côte, tournant sur eux-mêmes, dans le large espace que marquaient de grosses cordes. Du haut de la grande allée, des badauds les regardaient. Parfois ils venaient se chauffer aux brasiers allumés sur le bord du lac. Et ils repartaient. Ils arrondissaient largement leur vol, les yeux pleurant de plaisir et de froid. NON-ACTIVATED VERSION www.avs4you.com Puis, quand vint le printemps, Renée se rappela son ancienne élégie. Elle voulut que Maxime se promenât avec elle dans le parc Monceau, la nuit, au clair de la lune. Ils allèrent dans la grotte, s'assirent sur l'herbe, devant la colonnade. Mais lorsqu'elle témoigna le désir de faire une promenade sur le petit lac, ils s'aperçurent que la barque qu'on voyait de l'hôtel, attachée au bord d'une allée, n'avait pas de rames. On devait les retirer le soir. Ce fut une désillusion. D'ailleurs, les grandes ombres du parc inquiétaient les amants. Ils auraient souhaité qu'on y donnât une fête vénitienne, avec des ballons rouges et un orchestre. Ils le préféraient, le jour, l'après-midi, et souvent ils se mettaient alors à une des fenêtres de l'hôtel, pour voir les équipages qui suivaient la courbe savante de la grande allée. Ils se plaisaient à ce coin charmant du nouveau Paris, à cette nature aimable et propre, à ces pelouses pareilles à des pans de velours, coupées de corbeilles, d'arbustes choisis, et bordées de magnifiques roses blanches. Les voitures se croisaient là, aussi nombreuses que sur un boulevard ; les promeneuses y traînaient leurs jupes, mollement, comme si elles n'eussent pas quitté du pied les tapis de leurs salons. Et, à travers les feuillages, ils critiquaient les toilettes, se montraient les attelages, goûtaient de véritables douceurs aux couleurs tendres de ce grand jardin. Un bout de grille dorée brillait entre deux arbres, une file de canards passait sur le lac, le petit pont Renaissance blanchissait, tout neuf dans les verdures, tandis qu'aux deux bords de la grande allée, sur des chaises jaunes, les mères oubliaient en causant les petits garçons et les petites filles qui se regardaient d'un air joli, avec des moues d'enfants précoces. Les amants avaient l'amour du nouveau Paris. Ils couraient souvent la ville en voiture, faisaient un détour, pour passer par certains boulevards qu'ils aimaient d'une tendresse personnelle. Les maisons, hautes, à grandes portes sculptées, chargées de balcons, où luisaient, en grandes lettres d'or, des noms, des enseignes, des raisons sociales, les ravissaient. Pendant que le coupé filait, ils suivaient, d'un regard ami, les bandes grises des trottoirs, larges, interminables, avec leurs bancs, leurs colonnes bariolées, leurs arbres maigres. Cette trouée claire qui allait au bout de l'horizon, se rapetissant et s'ouvrant sur un carré bleuâtre du vide, cette double rangée ininterrompue de grands magasins, où des commis souriaient aux clientes, ces courants de foule piétinant et bourdonnant, les emplissaient peu à peu d'une satisfaction absolue et entière, d'une sensation de perfection dans la vie de la rue. Ils aimaient jusqu'aux jets des lances d'arrosage, qui passaient comme une fumée blanche, devant leurs chevaux, s'étalaient, s'abattaient en pluie fine sous les roues du coupé, brunissant le sol, soulevant un léger flot de poussière. Ils roulaient toujours, et il leur semblait que la voiture roulait sur des tapis, le long de cette chaussée droite et sans fin, qu'on avait faite uniquement pour leur éviter les ruelles noires. Chaque boulevard devenait un couloir de leur hôtel. Les gaietés du soleil riaient sur les façades neuves, allumaient les vitres, battaient les tentes des boutiques et des cafés, chauffaient l'asphalte sous les pas affairés de la foule. Et quand ils rentraient, un peu étourdis par le tohu-bohu éclatant de ces longs bazars, ils se plaisaient au parc Monceau, comme à la plate-bande nécessaire de ce Paris nouveau, étalant son luxe aux premières tiédeurs du printemps. Lorsque la mode les força absolument de quitter Paris, ils allèrent aux bains de mer, mais à regret, pensant sur les plages de l'Océan aux trottoirs des boulevards. Leur amour lui-même s'y ennuya. C'était une fleur de la serre qui avait besoin du grand lit gris et rose, de la chair nue du cabinet, de l'aube dorée du petit salon. Depuis qu'ils étaient seuls le soir, en face de la mer, ils ne trouvaient plus rien à se dire. Elle essaya de chanter son répertoire du théâtre des Variétés, sur un vieux piano qui agonisait dans un coin de sa chambre, à l'hôtel ; mais l'instrument, tout humide des vents du large, avait les voix mélancoliques des grandes eaux. La Belle Hélène y fut lugubre et fantastique. Pour se consoler, la jeune femme étonna la plage par des costumes prodigieux. Toute la bande de ces dames était là, à bâiller, à attendre l'hiver, en cherchant avec désespoir un costume de bain qui ne les rendît pas trop laides. Jamais Renée ne put décider Maxime à se baigner. Il avait une peur abominable de l'eau, devenait tout pâle quand le flot arrivait jusqu'à ses bottines, ne se serait pour rien au monde approché du bord d'une falaise ; il marchait loin des trous, faisant de longs détours pour éviter la moindre côte un peu roide. Saccard vint à deux ou trois reprises voir « les enfants «. Il était écrasé de soucis, disait-il. Ce ne fut que vers octobre, lorsqu'ils se retrouvèrent tous les trois à Paris, qu'il songea sérieusement à se rapprocher de sa femme. L'affaire de Charonne mûrissait. Son plan fut net et brutal. Il comptait prendre Renée au jeu qu'il aurait joué avec une fille. Elle vivait dans des besoins d'argent grandissants, et, par fierté, ne s'adressait à son mari qu'à la dernière extrémité. Ce dernier se promit de profiter de sa première demande pour être galant, et renouer des rapports depuis longtemps rompus, dans la joie de quelque grosse dette payée. Des embarras terribles attendaient Renée et Maxime à Paris. Plusieurs des billets souscrits à Larsonneau étaient échus ; mais, comme Saccard les laissait naturellement dormir chez l'huissier, ces billets inquiétaient peu la jeune femme. Elle se trouvait bien autrement effrayée par sa dette chez Worms qui montait maintenant à près de deux cent mille francs. Le tailleur exigeait un acompte, en menaçant de suspendre tout crédit. Elle avait de brusques frissons, quand elle songeait au scandale d'un procès, et surtout à une fâcherie avec l'illustre couturier. Puis il lui fallait de l'argent de poche. Ils allaient s'ennuyer à mourir, elle et Maxime, s'ils n'avaient pas quelques louis à dépenser par jour. Le cher enfant était à sec, depuis qu'il fouillait vainement les tiroirs de son père. Sa fidélité, sa sagesse exemplaire, pendant sept à huit mois, tenaient beaucoup au vide absolu de sa bourse. Il n'avait pas toujours vingt francs pour inviter quelque coureuse à souper. Aussi revenait-il philosophiquement à l'hôtel. La jeune femme, à chacune de leurs escapades, lui remettait son porte-monnaie pour qu'il payât dans les restaurants, dans les bals, dans les petits théâtres. Elle continuait à le traiter maternellement ; et même c'était elle qui payait, du bout de ses doigts gantés, chez le pâtissier où ils s'arrêtaient presque chaque après-midi, pour manger des petits pâtés aux huîtres. Souvent, il trouvait, le matin, dans son gilet, des louis qu'il ne savait pas là, et qu'elle y avait mis, comme une mère qui garnit la poche d'un collégien. Et cette belle existence de goûters, de caprices satisfaits, de plaisirs faciles, allait cesser ! Mais une crainte plus grave encore vint les consterner. Le bijoutier de Sylvia, auquel il devait dix mille francs, se fâchait, parlait de Clichy. Les billets qu'il avait en main, protestés depuis longtemps, étaient couverts de tels frais, que la dette se trouvait grossie de trois ou quatre milliers de francs. Saccard déclara nettement qu'il ne pouvait rien. Son fils à Clichy le poserait, et quand il l'en retirerait, il ferait grand bruit de cette largesse paternelle. Renée était au désespoir ; elle voyait son cher enfant en prison, mais dans un véritable cachot, couché sur de la paille humide. Un soir, elle lui proposa sérieusement de ne plus sortir de chez elle, d'y vivre ignoré de tous, à l'abri des recors. Puis elle jura qu'elle trouverait l'argent. Jamais elle ne parlait de l'origine de la dette, de cette Sylvia qui confiait ses amours aux glaces des cabinets particuliers. C'était une cinquantaine de mille francs qu'il lui fallait : quinze mille pour Maxime, trente mille pour Worms, et cinq mille francs d'argent de poche. Ils auraient devant eux quinze grands jours de bonheur. Elle se mit en campagne. NON-ACTIVATED VERSION www.avs4you.com Sa première idée fut de demander les cinquante mille francs à son mari. Elle ne s'y décida qu'avec des répugnances. Les dernières fois qu'il était entré dans sa chambre pour lui apporter de l'argent, il lui avait mis de nouveaux baisers sur le cou, en lui prenant les mains, en parlant de sa tendresse. Les femmes ont un sens très délicat pour deviner les hommes. Aussi s'attendait-elle à une exigence, à un marché tacite et conclu en souriant. En effet, quand elle lui demanda les cinquante mille francs, il se récria, dit que Larsonneau ne prêterait jamais cette somme, que lui-même était encore trop gêné. Puis, changeant de voix, comme vaincu et pris d'une émotion subite : - On ne peut rien vous refuser, murmura-t-il. Je vais courir Paris, faire l'impossible... Je veux, chère amie, que vous soyez contente. Et mettant les lèvres à son oreille, lui baisant les cheveux, la voix un peu tremblante : - Je te les porterai demain soir, dans ta chambre... sans billet... Mais elle dit vivement qu'elle n'était pas pressée, qu'elle ne voulait pas le déranger à ce point. Lui qui venait de mettre tout son coeur dans ce dangereux « sans billet «, qu'il avait laissé échapper et qu'il regrettait, ne parut pas avoir essuyé un refus désagréable. Il se releva, en disant : - Eh bien, à votre disposition... Je vous trouverai la somme quand le moment sera venu. Larsonneau n'y sera pour rien, entendez-vous. C'est un cadeau que j'entends vous faire. Il souriait d'un air bonhomme. Elle resta dans une cruelle angoisse. Elle sentait qu'elle perdrait le peu d'équilibre qui lui restait si elle se livrait à son mari. Son dernier orgueil était d'être mariée au père mais de n'être que la femme du fils. Souvent, quand Maxime lui semblait froid, elle essayait de lui faire comprendre cette situation par des allusions fort claires ; il est vrai que le jeune homme, qu'elle s'attendait à voir tomber à ses pieds, après cette confidence, demeurait parfaitement indifférent, croyant sans doute qu'elle voulait le rassurer sur la possibilité d'une rencontre entre son père et lui, dans la chambre de soie grise. Quand Saccard l'eut quittée, elle s'habilla précipitamment et fit atteler. Pendant que son coupé l'emportait vers l'île SaintLouis, elle préparait la façon dont elle allait demander les cinquante mille francs à son père. Elle se jetait dans cette idée brusque, sans vouloir la discuter, se sentant très lâche au fond, et prise d'une épouvante invincible devant une pareille démarche. Lorsqu'elle arriva, la cour de l'hôtel Béraud la glaça, de son humidité morne de cloître, et ce fut avec des envies de se sauver qu'elle monta le large escalier de pierre, où ses petites bottes à hauts talons sonnaient terriblement. Elle avait eu la sottise, dans sa hâte, de choisir un costume de soie feuille morte à longs volants de dentelles blanches, orné de noeuds de satin, coupé par une ceinture plissée comme une écharpe. Cette toilette, que complétait une petite toque, à grande voilette blanche, mettait une note si singulière dans l'ennui sombre de l'escalier, qu'elle eut elle-même conscience de l'étrange figure qu'elle y faisait. Elle tremblait en traversant l'enfilade austère des vastes pièces, où les personnages vagues des tapisseries semblaient surpris par ce flot de jupes passant au milieu du demi-jour de leur solitude. Elle trouva son père dans un salon donnant sur la cour, où il se tenait d'habitude. Il lisait un grand livre placé sur un pupitre adapté aux bras de son fauteuil. Devant une des fenêtres, la tante Élisabeth tricotait avec de longues aiguilles de bois ; et, dans le silence de la pièce, on n'entendait que le tic-tac de ces aiguilles. Renée s'assit, gênée, ne pouvant faire un mouvement sans troubler la sévérité du haut plafond par un bruit d'étoffes froissées. Ses dentelles étaient d'une blancheur crue, sur le fond noir des tapisseries et des vieux meubles. M. Béraud du Châtel, les mains posées au bord du pupitre, la regardait. La tante Élisabeth parla du mariage prochain de Christine, qui devait épouser le fils d'un avoué fort riche ; la jeune fille était sortie avec une vieille domestique de la famille, pour aller chez un fournisseur ; et la bonne tante causait toute seule, de sa voix placide, sans cesser de tricoter, bavardant sur les affaires du ménage, jetant des regards souriants à Renée par-dessus ses lunettes. NON-ACTIVATED VERSION www.avs4you.com Mais la jeune femme se troublait de plus en plus. Tout le silence de l'hôtel lui pesait sur les épaules, et elle eût donné beaucoup pour que les dentelles de sa robe fussent noires. Le regard de son père l'embarrassait au point qu'elle trouva Worms vraiment ridicule d'avoir imaginé de si grands volants. - Comme tu es belle, ma fille ! dit tout à coup la tante Élisabeth, qui n'avait pas même encore vu les dentelles de sa nièce. Elle arrêta ses aiguilles, elle assujettit ses lunettes, pour mieux voir. M. Béraud du Châtel eut un pâle sourire. - C'est un peu blanc, dit-il. Une femme doit être bien embarrassée avec ça sur les trottoirs. - Mais, mon père, on ne sort pas à pied ! s'écria Renée, qui regretta ensuite ce mot du coeur. Le vieillard allait répondre. Puis il se leva, redressa sa haute taille, et marcha lentement, sans regarder sa fille davantage. Celle-ci restait toute pâle d'émotion. Chaque fois qu'elle s'exhortait à avoir du courage et qu'elle cherchait une transition pour arriver à la demande d'argent, elle éprouvait un élancement au coeur. - On ne vous voit plus, mon père, murmura-t-elle. - Oh ! répondit la tante sans laisser à son frère le temps d'ouvrir les lèvres, ton père ne sort guère que pour aller de loin en loin au Jardin des plantes. Et encore faut-il que je me fâche ! Il prétend qu'il se perd dans Paris, que la ville n'est plus faite pour lui... Va, tu peux le gronder ! - Mon mari serait si heureux de vous voir venir de temps à autre à nos jeudis ! continua la jeune femme. M. Béraud du Châtel fit quelques pas en silence. Puis, d'une voix tranquille : - Tu remercieras ton mari, dit-il. C'est un garçon actif, paraît-il, et je souhaite pour toi qu'il mène honnêtement ses affaires. Mais nous n'avons pas les mêmes idées, et je suis mal à l'aise dans votre belle maison du parc Monceau. La tante Élisabeth parut chagrine de cette réponse : - Que les hommes sont donc méchants avec leur politique ! dit-elle gaiement. Veux-tu savoir la vérité ? Ton père est furieux contre vous, parce que vous allez aux Tuileries. Mais le vieillard haussa les épaules, comme pour dire que son mécontentement avait des causes beaucoup plus graves. Il se remit à marcher lentement, songeur. Renée resta un instant silencieuse, ayant au bord des lèvres la demande des cinquante mille francs. Puis, une lâcheté plus grande la prit, elle embrassa son père, elle s'en alla. La tante Élisabeth voulut l'accompagner jusqu'à l'escalier. En traversant l'enfilade des pièces, elle continuait à bavarder de sa

« étalant sonluxe auxpremières tiédeursduprintemps. Lorsque lamode lesforça absolument dequitter Paris,ilsallèrent auxbains demer, mais àregret, pensant surlesplages de l’Océan auxtrottoirs desboulevards.

Leuramour lui-même s’yennuya.

C’étaitunefleur delaserre quiavait besoin dugrand lit gris etrose, delachair nueducabinet, del’aube doréedupetit salon.

Depuis qu’ilsétaient seulslesoir, enface delamer, ils ne trouvaient plusrienàse dire.

Elleessaya dechanter sonrépertoire duthéâtre desVariétés, surunvieux piano qui agonisait dansuncoin desachambre, àl’hôtel ; maisl’instrument, touthumide desvents dularge, avaitlesvoix mélancoliques desgrandes eaux.

La Belle Hélène y fut lugubre etfantastique.

Pourseconsoler, lajeune femme étonnala plage pardes costumes prodigieux.

Toutelabande deces dames étaitlà,àbâiller, àattendre l’hiver,encherchant avec désespoir uncostume debain quineles rendît pastrop laides.

Jamais Renéeneput décider Maxime àse baigner.

Ilavait une peur abominable del’eau, devenait toutpâle quand leflot arrivait jusqu’à sesbottines, neseserait pourrienaumonde approché dubord d’une falaise ; ilmarchait loindestrous, faisant delongs détours pouréviter lamoindre côteunpeu roide. Saccard vintàdeux outrois reprises voir« les enfants ».

Ilétait écrasé desoucis, disait-il.

Cenefut que vers octobre, lorsqu’ils seretrouvèrent touslestrois àParis, qu’ilsongea sérieusement àse rapprocher desafemme.

L’affaire deCharonne mûrissait.

Sonplan futnet etbrutal.

Ilcomptait prendreRenéeaujeu qu’il aurait jouéavec unefille.

Ellevivait dansdes besoins d’argent grandissants, et,par fierté, nes’adressait àson mari qu’àladernière extrémité.

Cedernier sepromit de profiter desapremière demande pourêtregalant, etrenouer desrapports depuislongtemps rompus,danslajoie de quelque grossedettepayée. Des embarras terriblesattendaient RenéeetMaxime àParis.

Plusieurs desbillets souscrits àLarsonneau étaientéchus ;mais, comme Saccard leslaissait naturellement dormirchezl’huissier, cesbillets inquiétaient peulajeune femme.

Ellesetrouvait bien autrement effrayéeparsadette chezWorms quimontait maintenant àprès dedeux centmille francs.

Letailleur exigeait unacompte, enmenaçant desuspendre toutcrédit.

Elleavait debrusques frissons,quandellesongeait auscandale d’un procès, etsurtout àune fâcherie avecl’illustre couturier.

Puisillui fallait del’argent depoche.

Ilsallaient s’ennuyer à mourir, elleetMaxime, s’ilsn’avaient pasquelques louisàdépenser parjour.

Lecher enfant étaitàsec, depuis qu’ilfouillait vainement lestiroirs deson père.

Safidélité, sasagesse exemplaire, pendantseptàhuit mois, tenaient beaucoup auvide absolu desabourse.

Iln’avait pastoujours vingtfrancs pourinviter quelque coureuse àsouper.

Aussirevenait-il philosophiquement àl’hôtel.

Lajeune femme, àchacune deleurs escapades, luiremettait sonporte-monnaie pourqu’il payât danslesrestaurants, danslesbals, dans lespetits théâtres.

Ellecontinuait àle traiter maternellement ; etmême c’était elle quipayait, dubout deses doigts gantés, chezlepâtissier oùilss’arrêtaient presquechaqueaprès-midi, pourmanger des petits pâtésauxhuîtres.

Souvent, iltrouvait, lematin, danssongilet, deslouis qu’ilnesavait paslà,etqu’elle yavait mis, comme unemère quigarnit lapoche d’uncollégien.

Etcette belleexistence degoûters, decaprices satisfaits, deplaisirs faciles, allaitcesser ! Maisunecrainte plusgrave encore vintlesconsterner.

Lebijoutier deSylvia, auquel ildevait dixmille francs, sefâchait, parlaitdeClichy.

Lesbillets qu’ilavait enmain, protestés depuislongtemps, étaientcouverts detels frais, que ladette setrouvait grossiedetrois ouquatre milliers defrancs.

Saccard déclaranettement qu’ilnepouvait rien.Sonfils à Clichy leposerait, etquand ill’en retirerait, ilferait grand bruitdecette largesse paternelle.

Renéeétaitaudésespoir ; elle voyait soncher enfant enprison, maisdans unvéritable cachot,couchésurdelapaille humide.

Unsoir, elleluiproposa sérieusement deneplus sortir dechez elle,d’yvivre ignoré detous, àl’abri desrecors.

Puisellejura qu’elle trouverait l’argent.

Jamaiselleneparlait del’origine deladette, decette Sylvia quiconfiait sesamours auxglaces descabinets particuliers.

C’étaitunecinquantaine demille francs qu’illuifallait : quinzemillepourMaxime, trentemillepourWorms, et cinq mille francs d’argent depoche.

Ilsauraient devanteuxquinze grands joursdebonheur.

Ellesemit encampagne. Sa première idéefutdedemander lescinquante millefrancs àson mari.

Ellenes’y décida qu’avec desrépugnances.

Les dernières foisqu’il était entré danssachambre pourluiapporter del’argent, illui avait misdenouveaux baiserssurlecou, en luiprenant lesmains, enparlant desatendresse.

Lesfemmes ontunsens trèsdélicat pourdeviner leshommes.

Aussi s’attendait-elle àune exigence, àun marché taciteetconclu ensouriant.

Eneffet, quand elleluidemanda lescinquante mille francs, ilse récria, ditque Larsonneau neprêterait jamaiscettesomme, quelui-même étaitencore tropgêné.

Puis, changeant devoix, comme vaincuetpris d’une émotion subite : – On nepeut rienvous refuser, murmura-t-il.

Jevais courir Paris,fairel’impossible… Jeveux, chère amie,quevous soyez contente. Et mettant leslèvres àson oreille, luibaisant lescheveux, lavoix unpeu tremblante : – Je teles porterai demainsoir,dans tachambre… sansbillet… Mais elleditvivement qu’ellen’étaitpaspressée, qu’ellenevoulait pasledéranger àce point.

Luiqui venait demettre tout son cœur danscedangereux « sansbillet », qu’ilavait laissé échapper etqu’il regrettait, neparut pasavoir essuyé unrefus désagréable.

Ilse releva, endisant : – Eh bien, àvotre disposition… Jevous trouverai lasomme quandlemoment seravenu.

Larsonneau n’ysera pour rien, entendez-vous.

C’estuncadeau quej’entends vousfaire.

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