enjamba des dormeurs foudroyés sur le palier des étages.
Publié le 30/10/2013
Extrait du document
«
XXXVI
Minuit.
LePrésident vaparler.
Ilfaudrait stopperlecours delavie l’espace d’uninstant, transformer lemouvement en
images arrêtées pourembrasser lepanorama dumonde etsaisir d’uncoup touslesacteurs dudrame delaminute devérité.
Tâche impossible.
Laterre entière estàl’écoute, tousrelais etsatellites bloquéssurlesondes françaises.
Toutauplus peut-
on, par quelques projecteurs perçantçàetlàles nuages, lestoits etlanuit, débusquer l’unoul’autre denos compagnons
d’épopée.
Nousavions cherché unautre motquecelui-là, sansletrouver.
Existe-t-il desépopées àrebours, àl’envers, des
épopées àqui-perd-gagne, desanti-épopées ? C’estlemot.
Albert Durfort, parexemple.
Ilaarrêté savoiture surlebas-côté, quelquepartauxenvirons deGex, carl’émotion qui
l’étreint l’empêche deconduire, toutenécoutant, surlesvirages verglacés ducol delaFaucille.
Ilachoisi cetitinéraire
difficile, jugeantquesurlaroute del’or mieux valaitemprunter lesdétours peufréquentés.
Àlajeune Martiniquaise
alanguie parlevoyage quiluidemande pourlaénième foissic’est bientôt laSuisse, parcequ’elle aenvie deprendre une
douche etde sefourrer aulitgentiment encompagnie deson petit Albert, Durfort répond : « Fous-moi lapaix, veux-tu ! »
Cet arrêt leperdra.
Durfort seradévalisé parl’une deces grandes compagnies quiontpris possession delanuit etne font
pas dequartier.
Soncorps poignardé serajetédans lefossé etlajolie négresse auxcheveux sisoigneusement lissésrendue
à la sauvagerie sexuelledeshommes enfindébarrassés delasociété.
Comme lelecteur, sansdoute, l’historien decedrame aété frappé parlemanichéisme sommairedontfitpreuve ledestin
pour distribuer lamort.
Sommaire ? Pastant quecela.
Sil’on réfléchit enprofondeur, ons’aperçoit quecemanichéisme
s’exerce àdouble effet.LesBons sontopposés auxMauvais, lesquelsdeviennent « lesBons » àleur tour pour s’opposer
aux Bons devenus « lesMauvais ».
Àl’appui deceraisonnement, dirigeonsleprojecteur surdeux autres personnages :
Élise, Française arabisée,etPierre Senconac.
Senconacserecueille danslesstudios d’Est-Radio.
Toutàl’heure, dèsque le
Président auraterminé deparler, illui faudra improviser soncommentaire.
Ilsait qu’il prêchera laviolence, maisignore
encore lesbases surlesquelles ilpourra s’appuyer etqu’il attend duPrésident.
Dérisoireveilléed’armes, sil’on avance de
vingt minutes l’horloge dutemps.
CarÉlise, écoutant lavoix sèche deSenconac danslacuisine ducadi borgne, sait que
le
temps dumépris s’achève etqu’un sangpurificateur doiteneffacer lesdernières traces.Elleprend aussitôt savoiture et
court auxstudios d’Est-Radio pratiquement désertés,lerasoir ducadi lelong desacuisse droite, àl’intérieur dubas.
Senconac neparlera plus,voixetgorge coupées aumilieu d’unephrase, tandisques’enfuient lesrares techniciens duson
qui étaient restésàleur poste.
Manichéisme àdouble effet.Maiscomme cessortes derèglements decomptes ne
concernèrent, autotal, qu’un trèspetit nombre d’individus auregard del’importance duconflit, ilfaut encore unefois en
conclure qu’au-delà dumanichéisme d’élite,dansquelque sensqu’on leprenne, l’histoire dumonde blancn’était plus
qu’affaire demillions demoutons.
C’estsansdoute l’explication.
Sur lerivage, faceàl’armada échouée,lecolonel Dragasès acessé d’enfourner descadavres noirsdansleventre des
bûchers.
Letemps estvenu des’opposer auxvivants.
Assisdansleparc d’une villaabandonnée, surlabalustrade à
colonnes quidomine lamer dequelques mètres,ilcontemple lesnavires échoués danslanuit, silhouettes découpéesd’un
théâtre d’ombres.
« Vousallezentendre uneallocution deM.
leprésident delaRépublique... » Depuisquelanuit est
tombée, lecolonel, heureparheure, compte sestroupes lelong decefront étrange quis’étend surune vingtaine de
kilomètres.
Detemps entemps, aucentral radiodelavilla, sesofficiers appellent envain l’unoul’autre bataillon dontle
poste nerépond plus.Vivant aucrépuscule, aprèsunejournée deconfrontation enplein soleil aveccemillion de
malheureux chantantleurdouce mélopée, lebataillon estmort souslesétoiles, fantômes déjàcondamnés pouruncrime non
commis, fuyantàtravers lesjardins etles pins comme s’ilscraignaient d’êtresurpris parlejour surlethéâtre deleurs
forfaits manqués.
Peudetemps avantminuit, lesecrétaire d’ÉtatPerret, abandonnant préfectureetdéchet depréfet, a
rejoint lecolonel.
Lecapitaine defrégate dePoudis estlà,lui aussi.
Illeur reste environ dixmille hommes.
Derrièreles
lignes rôdelabande dePanamá Ranger,grossied’éléments disparatesramasséssurlaroute.
Descombats obscurset
silencieux s’engagent endifférents pointsdel’impalpable champdebataille, auxlisières dupays abandonné, combatsde
mots étouffés, appelsàvoix basse quimanquent rarementleurbut,appels àla désertion.
Danslesvillas pillées de
l’intérieur, PanamáRangeraccueille lesdéserteurs.
Onentend delamusique etde juvéniles crisdejoie.
Lessirènes ontune
voix d’électrophone etl’haleine parfumée aumeilleur scotchdesbourgeois.
Contrecela,lecolonel nepeut rien.
Panamá
Ranger déplore cependant cinqmorts, abattus sanssommation dèsqu’ils eurent ouvert labouche, carcertaines unités
refusent sombrement toutdialogue.
Enparticulier uncommando demarine trèstard arrivé etqui s’est forcé unpassage à
travers lestroupes dePanama Ranger.Soncapitaine considère quetoute régénération doitcommencer parune bonne
guerre civileetque même sil’affaire estmanquée d’avance, raisondeplus pour nepas segêner.
Dansuneguerre civile,on
sait aumoins quiontue etpourquoi.
Celasatisfait pleinement lecapitaine decommando.
Remontant l’autorouteduSud, lemascaret s’estarrêté poursouffler aucentre douillet delaFrance.
DeValence àMâcon,
tous leshôtels sontpleins etavec euxlesécoles, hangars deferme, gymnases, sallesderestaurant, cinémas,mairieset
maisons delaculture.
Débordé parl’exode, chaquepréfetalancé unappel àla solidarité deses administrés.
Accueilliren
paroles lesimmigrants duGange, c’étaittrèsbien, maisaccueillir enfait ceux quilesfuient, voilàquin’était pasprévu ! La
population autochtone semultiplie.
C’est-à-dire qu’ellemultiplie lesprix.
Tout cequi semange décuple devaleur.
Unbain
se paye deux cents francs, unbiberon pourbébé sevré centfrancs.
Lelitre d’essence rejointlelitre debeaujolais-village,
lequel nes’obtient plusdans lesbistrots qu’après lessupplications dunouvel usage,auprès desquelles lareptation du
drogué enétat demanque n’estplusqu’une plaisanterie demauvais goût.Lescloportes dumarché noir,quidormaient sur
leurs fumiers perdus,sesont aussitôt remisàgrouiller ets’enflent àla vitesse d’unegrenouille vorace.C’estenfin
l’exploitation del’homme parl’homme, lavraie, lapure, entreégaux, tousderace blanche etl’on serend compte qu’ence.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- SEPT DORMEURS (Les).
- La Curée Mais le médecin, le cigare aux dents, s'était planté devant une maison démolie, et dont il ne restait que les pièces du rez-de-chaussée, emplies des gravats des autres étages.
- palier.
- Marcel se lève lourdement, contemple en soupirant son coquet living Lévitan vingt-quatre traites, ouvre la porte et dit à 'enfant sombre qui guette sur le palier : « Conduis-moi à ton papa.
- TECHNOLOGIE DE L'ESPACE L'ère spatiale commence officiellement le 4 octobre 1957, date du lancement d'une fusée à trois étages par l'Union soviétique.