Émile Zola, La fortune des Rougon.
Publié le 27/04/2011
Extrait du document
Nous sommes à la veille du coup d'État du 2 décembre 1851. Pierre et Félicité Rougon, petits bourgeois médiocres et arrivistes, tiennent un salon conservateur à Plassans. Félicité invite son fils Pascal, médecin passionné de recherches scientifiques, à le fréquenter afin de s'y constituer une clientèle. Pascal accepte, et passe en revue la faune pittoresque qui hante le salon de ses parents. L'idée de réussir, de voir toute sa famille arriver à la fortune, était devenue une monomanie (*) chez Félicité. Pascal, pour ne pas la chagriner, vint donc passer quelques soirées dans le salon jaune. Il s'y ennuya moins qu'il ne le craignait. La première fois, il fut stupéfait du degré d'imbécillité auquel un homme bien portant peut descendre. Les anciens marchands d'huile et d'amandes, le marquis et le commandant eux-mêmes lui parurent des animaux curieux qu'il n'avait pas eu jusque-là l'occasion d'étudier. Il regarda avec l'intérêt d'un naturaliste (*) leurs masques figés dans une grimace, où il retrouvait leurs occupations et leurs appétits ; il écouta leurs bavardages vides, comme il aurait cherché à surprendre le sens du miaulement d'un chat ou de l'aboiement d'un chien. A cette époque, il s'occupait beaucoup d'histoire naturelle comparée, ramenant à la race humaine les observations qu'il lui était permis de faire sur la façon dont l'hérédité se comporte chez les animaux. Aussi, en se trouvant dans le salon jaune, s'amusa-t-il à se croire tombé dans une ménagerie. Il établit des ressemblances entre chacun de ces grotesques (*) et quelque animal de sa connaissance. Le marquis lui rappela exactement une grande sauterelle verte, avec sa maigreur, sa tête mince et futée. Vuillet lui fit l'impression blême et visqueuse d'un crapaud. Il fut plus doux pour Roudier, un mouton gras, et pour le commandant, un vieux dogue édenté. Mais son continuel étonnement était le prodigieux Granoux. Il passa toute une soirée à mesurer son angle facial. Quand il l'écoutait bégayer quelque vague injure contre les républicains, ces buveurs de sang, il s'attendait toujours à l'entendre geindre comme un veau ; et il ne pouvait le voir se lever, sans s'imaginer qu'il allait se mettre à quatre pattes pour sortir du salon. « Cause donc, lui disait tout bas sa mère, tâche d'avoir la clientèle de ces messieurs. — Je ne suis pas vétérinaire «, répondit-il enfin, poussé à bout. Émile Zola, La fortune des Rougon. Vous ferez de ce texte un commentaire composé, par exemple en étudiant comment Zola analyse à travers les observations d'un médecin la médiocrité provinciale.
Liens utiles
- FORTUNE DES ROUGON (La) d'Émile ZOLA (résumé & analyse)
- Émile Zola, La Fortune des Rougon, chapitre I, 1871.
- Émile ZOLA : La Fortune des Rougon
- Émile Zola, La Fortune des Rougon
- Corrigé du commentaire d'Émile Zola, La Fortune Des Rougon, Chapitre I