Devoir de Philosophie

Eginhard, Vie de Charlemagne (extrait 2)

Publié le 13/04/2013

Extrait du document

Entre 772 et 785, Charlemagne accomplit plusieurs campagnes contre les Saxons d’Allemagne afin de les convertir au christianisme. L’historien Eginhard en fait la narration dans la Vie de Charlemagne avec un tendre manichéisme (les Saxons étant toujours qualifiés de perfides) mais une précision méthodique. S’inspirant des Annales royales qu’il déforme parfois, il n’en donne pas moins un récit vivant des événements.

Charlemagne en guerre contre les Saxons

 

On reprit [la guerre] de Saxe, qui avait pu sembler un moment interrompue. Aucune ne fut plus longue, plus atroce, plus pénible pour le peuple franc. Car les Saxons, comme presque toutes les nations de Germanie, étaient d’un naturel féroce ; ils pratiquaient le culte des démons, se montraient ennemis de notre religion et ne voyaient rien de déshonorant à violer ou transgresser les lois divines ou humaines. Le tracé des frontières entre notre pays et le leur mettait, en outre, chaque jour la paix à la merci d’un incident : presque partout en plaine, sauf en quelques points où de grands bois et des montagnes forment une séparation nette, elles étaient le théâtre de scènes constantes de meurtres, de rapines et d’incendies, se répondant de part et d’autre. Les Francs finirent par en être tellement excédés que, jugeant désormais insuffisant de rendre coups pour coups, ils résolurent d’entamer une lutte ouverte. La guerre fut donc déclarée. Elle fut menée des deux côtés avec une égale vigueur, quoique avec des pertes plus sérieuses chez les Saxons que chez les Francs, et se poursuivit pendant trente-trois années consécutives. Elle eût pu finir plus vite n’eût été la perfidie des Saxons. Il est difficile de dire combien de fois, vaincus et suppliants, ils se rendirent au roi, combien de fois ils promirent de faire ce qu’on exigeait d’eux, combien de fois ils livrèrent sans délai les otages qu’on leur réclamait, combien d’ambassades ils reçurent, domptés à de certains moments et assez affaiblis pour se déclarer prêts à abandonner le culte des démons et à se soumettre à la religion chrétienne. Mais s’ils se montraient parfois enclins à céder, ils étaient toujours prompts à renier leurs engagements, au point qu’on ne saurait dire lequel des deux ils faisaient avec le plus de facilité ; et de fait, à compter du début de la guerre, il ne se passa pour ainsi dire pas d’année sans pareille trahison de leur part.

 

 

Mais leur manque de foi ne put avoir raison de la grandeur d’âme du roi ni de sa constance dans la bonne comme dans la mauvaise fortune ; elle ne put le décider à lâcher prise ; et il ne laissa jamais passer aucun acte de ce genre sans se venger de leur perfidie et leur imposer un juste châtiment soit en marchant contre eux lui-même, soit en envoyant contre eux des troupes commandées par ses comtes. Ayant ainsi fini par triompher des plus intraitables et par les réduire à merci, il déporta, avec leurs femmes et leurs enfants, dix mille de ceux qui habitaient sur les deux rives de l’Elbe et les dispersa par petits groupes à travers la Gaule et la Germanie. Et l’on sait que la guerre, après tant d’années de luttes, ne s’acheva que lorsque les Saxons eurent accepté les conditions imposées par le roi : abandon du culte des démons et des cérémonies nationales, adoption de la foi et des sacrements de la religion chrétienne, fusion avec le peuple franc en un peuple unique.

 

 

Source : Eginhard, Vie de Charlemagne, trad. par Louis Halphen, Paris, Belles-Lettres, 1938.

 

Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

Liens utiles