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découverte devait produire ; chacun se renfermait en lui-même et se demandait ce que pouvait être cette terre du pôle.

Publié le 31/10/2013

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découverte devait produire ; chacun se renfermait en lui-même et se demandait ce que pouvait être cette terre du pôle. Les animaux semblaient la fuir ; à l'heure du soir, les oiseaux, au lieu d'y chercher un refuge, s'envolaient dans le sud à tire-d'ailes ! Était-elle donc si inhospitalière qu'une mouette ou un ptarmigan n'y pussent trouver asile ? Les poissons eux-mêmes, les grands cétacés, fuyaient rapidement cette côte à travers les eaux transparentes. D'où venait ce sentiment de répulsion, sinon de terreur, commun à tous les êtres animés qui hantaient cette partie du globe ? Les navigateurs avaient subi l'impression générale ; ils se laissaient aller aux sentiments de leur situation, et, peu à peu, chacun d'eux sentit le sommeil alourdir ses paupières. Le quart revenait à Hatteras ! Il prit la barre ; le docteur, Altamont, Johnson et Bell, étendus sur les bancs, s'endormirent l'un après l'autre, et bientôt ils furent plongés dans le monde des rêves. Hatteras essaya de résister au sommeil ; il ne voulait rien perdre de ce temps précieux ; mais le mouvement lent de la chaloupe le berçait insensiblement, et il tomba malgré lui dans une irrésistible somnolence. Cependant l'embarcation marchait à peine ; le vent ne parvenait pas à gonfler sa voile détendue. Au loin, quelques glaçons immobiles dans l'ouest réfléchissaient les rayons lumineux et formaient des plaques incandescentes en plein Océan. Hatteras se prit à rêver. Sa pensée rapide erra sur toute son existence ; il remonta le cours de sa vie avec cette vitesse particulière aux songes, qu'aucun savant n'a encore pu calculer ; il fit un retour sur ses jours écoulés ; il revit son hivernage, la baie Victoria, le Fort-Providence, la Maison-du-Docteur, la rencontre de l'Américain sous les glaces. Alors il retourna plus loin dans le passé ; il rêva de son navire, du Forward incendié, de ses compagnons, des traîtres qui l'avaient abandonné. Qu'étaient-ils devenus ? Il pensa à Shandon, à Wall, au brutal Pen. Où étaient-ils ? Avaient-ils pu gagner la mer de Baffin à travers les glaces ? Puis, son imagination de rêveur plana plus haut encore, et il se retrouva à son départ d'Angleterre, à ses voyages précédents, à ses tentatives avortées, à ses malheurs. Alors il oublia sa situation présente, sa réussite prochaine, ses espérances à demi réalisées. De la joie son rêve le rejeta dans les angoisses. Pendant deux heures ce fut ainsi ; puis, sa pensée reprit un nouveau cours ; elle le ramena vers le pôle ; il se vit posant enfin le pied sur ce continent anglais, et déployant le pavillon du Royaume-Uni. Tandis qu'il sommeillait ainsi, un nuage énorme, de couleur olivâtre, montait sur l'horizon et assombrissait l'Océan. On ne peut se figurer avec quelle foudroyante rapidité les ouragans envahissent les mers arctiques. Les vapeurs engendrées dans les contrées équatoriales viennent se condenser audessus des immenses glaciers du nord, et appellent avec une irrésistible violence des masses d'air pour les remplacer. C'est ce qui peut expliquer l'énergie des tempêtes boréales. Au premier choc du vent, le capitaine et ses compagnons s'étaient arrachés à leur sommeil, prêts à manoeuvrer. La mer se soulevait en lames hautes, à base peu développée ; la chaloupe, ballottée par une violente houle, plongeait dans des gouffres profonds, ou oscillait sur la pointe d'une vague aiguë, en s'inclinant sous des angles de plus de quarante-cinq degrés. Hatteras avait repris d'une main ferme la barre, qui jouait avec bruit dans la tête du gouvernail ; quelquefois, cette barre, violemment prise dans une embardée, le repoussait et le courbait malgré lui. Johnson et Bell s'occupaient sans relâche à vider l'eau embarquée dans les plongeons de la chaloupe. - Voilà une tempête sur laquelle nous ne comptions guère, dit Altamont en se cramponnant à son banc. - Il faut s'attendre à tout ici, répondit le docteur. Ces paroles s'échangeaient au milieu des sifflements de l'air et du fracas des flots, que la violence du vent réduisait à une impalpable poussière liquide ; il devenait presque impossible de s'entendre. Le nord était difficile à tenir ; les embruns épais ne laissaient pas entrevoir la mer au-delà de quelques toises ; tout point de repère avait disparu. Cette tempête subite, au moment où le but allait être atteint, semblait renfermer de sévères avertissements ; elle apparaissait à des esprits surexcités comme une défense d'aller plus loin. La nature voulait-elle donc interdire l'accès du pôle ? Ce point du globe était-il entouré d'une fortification d'ouragans et d'orages qui ne permettait pas d'en approcher ? Cependant, à voir la figure énergique de ces hommes, on eût compris qu'ils ne céderaient ni au vent ni aux flots, et qu'ils iraient jusqu'au bout. Ils luttèrent ainsi pendant toute la journée, bravant la mort à chaque instant, ne gagnant rien dans le nord, mais ne perdant pas, trempés sous une pluie tiède, et mouillés par les paquets de mer que la tempête leur jetait au visage ; aux sifflements de l'air se mêlaient parfois de sinistres cris d'oiseaux. Mais au milieu même d'une recrudescence du courroux des flots, vers six heures du soir, il se fit une accalmie subite. Le vent se tut miraculeusement. La mer se montra calme et unie, comme si la houle ne l'eût pas soulevée pendant douze heures. L'ouragan semblait avoir respecté cette partie de l'Océan polaire. Que se passait-il donc ? Un phénomène extraordinaire, inexplicable, et dont le capitaine Sabine fut témoin pendant ses voyages aux mers groënlandaises. Le brouillard, sans se lever, s'était fait étrangement lumineux. La chaloupe naviguait dans une zone de lumière électrique, un immense feu Saint-Elme resplendissait, mais sans chaleur. Le mât, la voile, les agrès se dessinaient en noir sur le fond phosphorescent du ciel avec une incomparable netteté ; les navigateurs demeuraient plongés dans un bain de rayons transparents, et leurs figures se coloraient de reflets enflammés. L'accalmie soudaine de cette portion de l'Océan provenait sans doute du mouvement ascendant des colonnes d'air, tandis que la tempête, appartenant au genre des cyclones[76] , tournait avec rapidité autour de ce centre paisible. Mais cette atmosphère en feu fit venir une pensée à l'esprit d'Hatteras. - Le volcan ! s'écria-t-il. - Est-ce possible ? fit Bell. - Non ! non ! répondit le docteur ; nous serions étouffés si ses flammes s'étendaient jusqu'à nous. - C'est peut-être son reflet dans le brouillard, fit Altamont. - Pas davantage. Il faudrait admettre que nous fussions près de terre, et, dans ce cas, nous entendrions les fracas de l'éruption. - Mais alors ?... demanda le capitaine. - C'est un phénomène cosmique, répondit le docteur, phénomène peu observé jusqu'ici !... Si nous continuons notre route, nous ne tarderons pas à sortir de cette sphère lumineuse pour retrouver l'obscurité et la tempête. - Quoi qu'il en soit, en avant ! répondit Hatteras. - En avant ! s'écrièrent ses compagnons, qui ne songèrent même pas à reprendre haleine dans ce bassin tranquille. La voile, avec ses plis de feu, pendait le long du mât étincelant ; les avirons plongèrent dans les vagues ardentes et parurent soulever des flots d'étincelles faites de gouttes d'eau vivement éclairées. Hatteras, la boussole à la main, reprit la route du nord ; peu à peu le brouillard perdit de sa lumière, puis de sa transparence ; le vent fit entendre ses rugissements à quelques toises, et bientôt la chaloupe, se couchant sous une violente rafale, rentra dans la zone des tempêtes. Mais l'ouragan avait heureusement tourné d'un point vers le sud, et l'embarcation put courir vent arrière, allant droit au pôle, risquant de sombrer, mais se précipitant avec une vitesse insensée ; recueil, rocher ou glaçon, pouvait surgir à chaque instant des flots, et elle s'y fût infailliblement mise en pièces. Cependant, pas un de ces hommes n'élevait une objection ; pas un ne faisait entendre la voix de la prudence. Ils étaient pris de la folie du danger. La soif de l'inconnu les envahissait. Ils allaient ainsi non pas aveugles, mais aveuglés, trouvant l'effroyable rapidité de cette course trop faible au gré de leur impatience. Hatteras maintenait sa barre dans son imperturbable direction, au milieu des vagues écumant sous le fouet de la tempête. Cependant l'approche de la côte se faisait sentir ; il y avait dans l'air des symptômes étranges. Tout à coup le brouillard se fendit comme un rideau déchiré par le vent, et, pendant un laps de temps rapide comme l'éclair, on put voir à l'horizon un immense panache de flammes se dresser vers le ciel. - Le volcan ! le volcan !... Ce fut le mot qui s'échappa de toutes les bouches ; mais la fantastique vision avait disparu ; le vent, sautant dans le sud-est, prit l'embarcation par le travers et l'obligea de fuir encore cette terre inabordable. - Malédiction ! fit Hatteras en bordant sa misaine ; nous n'étions pas à trois milles de la côte ! Hatteras ne pouvait résister à la violence de la tempête ; mais, sans lui céder, il biaisa dans le vent, qui se déchaînait avec un emportement indescriptible. Par instants, la chaloupe se renversait sur le côté, à faire craindre que sa quille n'émergeât tout entière ; cependant elle finissait par se relever sous l'action du gouvernail, comme un coursier dont les jarrets fléchissent et que son cavalier relève de la bride et de l'éperon. Hatteras, échevelé, la main soudée à sa barre, semblait être l'âme de cette barque et ne faire qu'un avec elle, ainsi que l'homme et le cheval au temps des centaures. Soudain, un spectacle épouvantable s'offrit à ses regards. À moins de dix toises, un glaçon se balançait sur la cime houleuse des vagues ; il descendait et montait comme la chaloupe ; il la menaçait de sa chute, et l'eût écrasée à la toucher seulement. Mais, avec ce danger d'être précipité dans l'abîme, s'en présentait un autre non moins terrible ; car ce glaçon, courant à l'aventure, était chargé d'ours blancs, serrés les uns contre les autres, et fous de terreur. - Des ours ! des ours ! s'écria Bell d'une voix étranglée. Et chacun, terrifié, vit ce qu'il voyait. Le glaçon faisait d'effrayantes embardées ; quelquefois il s'inclinait sous des angles si aigus, que les animaux roulaient pêle-mêle les uns sur les autres. Alors ils poussaient des grognements qui luttaient avec les fracas de la tempête, et un formidable concert s'échappait de cette ménagerie flottante. Que ce radeau de glace vînt à culbuter, et les ours, se précipitant vers l'embarcation, en eussent tenté l'abordage. Pendant un quart d'heure, long comme un siècle, la chaloupe et le glaçon naviguèrent de conserve, tantôt écartés de vingt toises, tantôt prêts à se heurter ; parfois l'un dominait l'autre, et les monstres n'avaient qu'à se laisser choir. Les chiens Groënlandais tremblaient d'épouvante. Duk restait immobile. Hatteras et ses compagnons étaient muets ; il ne leur venait pas même à l'idée de mettre la barre dessous pour s'écarter de ce redoutable voisinage, et ils se maintenaient dans leur route avec une inflexible rigueur. Un sentiment vague, qui tenait plus de l'étonnement que de la

« son banc. – Ilfaut s’attendre àtout ici,répondit ledocteur. Ces paroles s’échangeaient aumilieu dessifflements del’air etdu fracas desflots, quela violence duvent réduisait àune impalpable poussièreliquide ;ildevenait presqueimpossible de s’entendre. Le nord étaitdifficile àtenir ; lesembruns épaisnelaissaient pasentrevoir lamer au-delà de quelques toises ;toutpoint derepère avaitdisparu. Cette tempête subite,aumoment oùlebut allait êtreatteint, semblait renfermer desévères avertissements ; elleapparaissait àdes esprits surexcités commeunedéfense d’allerplusloin. La nature voulait-elle doncinterdire l’accèsdupôle ? Cepoint duglobe était-il entouré d’une fortification d’ouragansetd’orages quinepermettait pasd’en approcher ? Cependant, àvoir lafigure énergique deces hommes, oneût compris qu’ilsnecéderaient niau vent niaux flots, etqu’ils iraient jusqu’au bout. Ils luttèrent ainsipendant toutelajournée, bravantlamort àchaque instant, negagnant rien dans lenord, maisneperdant pas,trempés sousunepluie tiède, etmouillés parlespaquets de mer quelatempête leurjetait auvisage ; auxsifflements del’air semêlaient parfoisdesinistres cris d’oiseaux. Mais aumilieu même d’unerecrudescence ducourroux desflots, verssixheures dusoir, ilse fit une accalmie subite.Levent setut miraculeusement.

Lamer semontra calmeetunie, comme si la houle nel’eût passoulevée pendantdouzeheures.

L’ouragan semblaitavoirrespecté cette partie del’Océan polaire. Que sepassait-il donc ?Unphénomène extraordinaire, inexplicable,etdont lecapitaine Sabine fut témoin pendant sesvoyages auxmers groënlandaises. Le brouillard, sansselever, s’était faitétrangement lumineux. La chaloupe naviguaitdansunezone delumière électrique, unimmense feuSaint-Elme resplendissait, maissanschaleur.

Lemât, lavoile, lesagrès sedessinaient ennoir surlefond phosphorescent duciel avec uneincomparable netteté ;lesnavigateurs demeuraient plongés dans unbain derayons transparents, etleurs figures secoloraient dereflets enflammés. L’accalmie soudainedecette portion del’Océan provenait sansdoute dumouvement ascendant descolonnes d’air,tandis quelatempête, appartenant augenre descyclones [76] , tournait avecrapidité autourdececentre paisible. Mais cette atmosphère enfeu fitvenir unepensée àl’esprit d’Hatteras. – Le volcan ! s’écria-t-il. – Est-ce possible ? fitBell. – Non ! non !répondit ledocteur ; nousserions étouffés sises flammes s’étendaient jusqu’à nous.

– C’est peut-être sonreflet danslebrouillard, fitAltamont. – Pas davantage.

Ilfaudrait admettre quenous fussions prèsdeterre, et,dans cecas, nous entendrions lesfracas del’éruption. – Mais alors ?… demanda lecapitaine. – C’est unphénomène cosmique,réponditledocteur, phénomène peuobservé jusqu’ici !… Si nous continuons notreroute, nousnetarderons pasàsortir decette sphère lumineuse pour retrouver l’obscurité etlatempête. – Quoi qu’ilensoit, enavant ! répondit Hatteras. – En avant ! s’écrièrent sescompagnons, quinesongèrent mêmepasàreprendre haleinedans ce bassin tranquille. La voile, avecsesplis defeu, pendait lelong dumât étincelant ; lesavirons plongèrent dansles vagues ardentes etparurent souleverdesflots d’étincelles faitesdegouttes d’eauvivement éclairées.. »

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