de lois), mais s'il était découvert, il serait, sans aucun doute, puni de mort ou de vingt-cinq ans au moins de ravaux forcés dans un camp.
Publié le 31/10/2013
Extrait du document
«
mais
àqui iln’avait jamaisparlé,entrèrent danslasalle àl’improviste.
L’uneétaitunefille qu’il croisait souvent
dans lescouloirs.
Ilne savait passon nom, maisilsavait qu’elle travaillait auCommissariat auxRomans.
Il
l’avait parfois vueavec desmains huileuses ettenant uneclefanglaise.
Elles’occupait probablement àquelque
besogne mécanique surl’une desmachines àécrire desromans.
C’étaitunefille d’aspect hardi,d’environ vingt-
sept ans,auxépais cheveux noirs,auvisage couvert detaches derousseur, àl’allure viveetsportive.
Uneétroite
ceinture rouge,emblème delaLigue Anti-Sexe desJuniors, plusieurs foisenroulée àsa taille, par-dessus sa
combinaison, étaitjuste assez serrée pourfaireressortir laforme agileetdure deses hanches.
Winstonl’avait
détestée dèslepremier coupd’œil.
Ilsavait pourquoi.
C’étaitàcause del’atmosphère deterrain dehockey, de
bains froids, derandonnées encommun, derigoureuse propretémoralequ’elles’arrangeait pourtransporter
avec elle.Ildétestait presquetouteslesfemmes, surtoutcellesquiétaient jeunesetjolies.
C’étaient toujoursles
femmes, etspécialement lesjeunes, quiétaient lesbigotes duParti : avaleuses deslogans, espionnes amateurs,
dépisteuses d’hérésies.Maiscettefilleenparticulier luidonnait l’impression qu’elleétaitplusdangereuse que
les autres.
Unefois, alors qu’ils secroisaient danslecorridor, elleluiavait lancé unrapide regard decôté qui
semblait letranspercer etl’avait rempli unmoment d’uneatroce terreur.
L’idéeluiavait même traversé l’esprit
qu’elle étaitpeut-être unagent delaPolice delaPensée.
C’étaitàvrai dire trèsimprobable.
Néanmoins,il
continuait àressentir unmalaise particulier, faitdefrayeur autantqued’hostilité, chaquefoisqu’elle setrouvait
près delui quelque part.
L’autre personne étaitunhomme nommé O’Brien, membre duParti intérieur.
Iloccupait unposte si
important etsiélevé queWinston n’avaitqu’une idéeobscure decequ’il pouvait être.Unsilence momentané
s’établit danslegroupe despersonnes quientouraient leschaises quandellesvirent approcher sacombinaison
noire, celled’unmembre duParti intérieur.
O’Brienétaitunhomme grandetcorpulent, aucou épais, auvisage
rude, brutal etcaustique.
Endépit decette formidable apparence,ilavait uncertain charme danslesmanières.
Il avait unefaçon d’assurer seslunettes surson nezquiétait curieusement désarmante–et, d’une manière
indéfinissable, curieusementcivilisée.C’étaitungeste qui,siquelqu’un pouvaitencorepenser entermes
semblables, auraitrappelé celuid’unhomme duXVIII e
offrant satabatière.
WinstonavaitvuO’Brien une
douzaine defois peut-être, dansunnombre presque égald’années.
Ilse sentait vivement attiréparlui.Cen’était
pas seulement parcequ’ilétait intrigué parlecontraste entrel’urbanité desmanières d’O’Brien etson physique
de champion delutte.
C’était, beaucoup plus,àcause delacroyance secrète–ce n’était peut-être mêmepasune
croyance, maisseulement unespoir –que l’orthodoxie delapolitique d’O’Brien n’étaitpasparfaite.
Quelque
chose danssonvisage lesuggérait irrésistiblement.
Maispeut-être n’était-ce mêmepaslanon-orthodoxie qui
était inscrite surson visage, mais,simplement, l’intelligence.
Detoute façon, ilparaissait êtrequelqu’un àqui
l’on pourrait parlersil’on pouvait duperletélécran etlevoir seul.
Winston n’avaitjamaisfaitlemoindre effort
pour vérifier cettesupposition ; envérité, iln’y avait aucun moyen delavérifier.
O’Brien, àce moment, regarda
son bracelet-montre, vitqu’il était prèsdeonze heures etdécida, detoute évidence, derester dansle
Commissariat auxArchives jusqu’àlafin des Deux Minutes delaHaine.
Ilprit une chaise surlemême rangque
Winston, deuxplaces plusloin.
Unepetite femme rousse, quitravaillait danslacellule voisine decelle de
Winston, lesséparait.
Lafille auxcheveux noirsétaitassise immédiatement derrièreeux.
Un instant plustard, unhorrible crissement, commeceluidequelque monstrueuse machinetournant sans
huile, éclata danslegrand télécran dubout delasalle.
C’était unbruit àvous fairegrincer desdents etàvous
hérisser lescheveux.
LaHaine avaitcommencé.
Comme d’habitude, levisage d’Emmanuel Goldstein,l’EnnemiduPeuple, avaitjaillisurl’écran.
Ilyeut des
coups desifflet çàetlàdans l’assistance.
Lapetite femme roussejetauncridefrayeur etde dégoût.
Goldstein
était lerenégat etletraître.
Ilyavait longtemps (combiendetemps, personne nelesavait exactement) ilavait
été l’un desmeneurs duParti presque aumême titrequeBigBrother lui-même.
Ils’était engagé dansune
activité contre-révolutionnaire, avaitétécondamné àmort, s’était mystérieusement échappéetavait disparu.
Le
programme desDeux Minutes delaHaine variait d’unjouràl’autre, maisiln’y enavait pasdans lequel
Goldstein nefût laprincipale figure.Ilétait letraître fondamental, lepremier profanateur delapureté duParti.
Tous lescrimes subséquents contreleParti, trahisons, actesdesabotage, hérésies,déviations, jaillissaient
directement deson enseignement.
Quelquepart,onnesavait où,ilvivait encore etourdissait desconspirations.
Peut-être au-delàdesmers, souslaprotection desmaîtres étrangers quilepayaient.
Peut-être, commeonle
murmurait parfois,dansl’Océania même,enquelque lieusecret.
Le diaphragme deWinston s’étaitcontracté.
Ilne pouvait voirlevisage deGoldstein sanséprouver un
pénible mélange d’émotions.
C’étaitunmince visage deJuif, largement auréolédecheveux blancsvaporeux, qui
portait unebarbiche enforme debouc, unvisage intelligent etpourtant méprisable parquelque chosequilui
était propre, avecunesorte desottise séniledanslelong nezmince surlequel, prèsdel’extrémité, étaitperchée
une paire delunettes.
Cevisage ressemblait àcelui d’unmouton, etlavoix, elleaussi, étaitdugenre bêlant.
Goldstein débitaitsavenimeuse attaquehabituelle contrelesdoctrines duParti.
Uneattaque siexagérée etsi
perverse qu’unenfant auraitpulapercer àjour, etcependant justeassez plausible pouremplir chacun dela
crainte qued’autres, moinsbienéquilibrés pussents’ylaisser prendre.
Goldstein insultaitBigBrother, dénonçait
la dictature duParti, exigeait l’immédiate conclusiondelapaix avec l’Eurasia, défendait laliberté deparler, la
liberté delapresse, laliberté deréunion, laliberté depensée.
Ilcriait hystériquement quelarévolution avaitété.
»
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