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de Gibraltar et fait route vers le nord-est.

Publié le 30/10/2013

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de Gibraltar et fait route vers le nord-est. Des avions de reconnaissance anglais, espagnols et français ont aussitôt survolé la lotte. Le temps était beau, parfaitement calme et clair, et voici ce que nous a téléphoné, dès son retour à Gibraltar, notre nvoyé spécial à bord de l'un de ces avions :  Ici Gibraltar. Je vous téléphone depuis l'aéroport militaire où un avion Vautour de la Royal Navy m'a déposé il y a dix minutes. Ce que je viens de voir en survolant l'armada dépasse l'imagination. Près de cent bateaux couvrent la mer. Alors que le vent est nul et la houle inexistante en ce moment, les ponts des navires émergent à peine de l'eau. Je n'ai pas vu un eul navire intact. Toutes les coques sont mangées par la rouille, certaines même percées au-dessus de la flottaison. Tout cela tient du miracle et a tenu par miracle. Nous avons effectué plusieurs passages à basse altitude, au milieu d'une puanteur difficilement supportable. Les ponts des navires sont littéralement couverts de formes noires et blanches. Noires sont les peaux de ces milliers de pauvres gens, blanches sont les tuniques qui les habillent. L'encombrement des ponts est inimaginable. On croirait survoler une sorte de charnier dont les cadavres seraient encore vivants, car je vois des milliers de bras s'agiter. Selon les estimations, il semblerait que huit cent mille survivants se trouvent à bord des navires. La flotte se dirige droit au nord-est, c'est-à-dire dans l'exacte direction de la Côte d'Azur, Il est vraisemblable que les bateaux s'y échoueront, car aucun ne possède une ancre. Les écubiers sont vides. De toute façon, à en juger par ce que j'ai vu, cette flotte serait tout à fait incapable de retourner à son point de départ, ni même de tenir la mer une semaine de plus. Je me suis livré à un rapide calcul. D'après la vitesse actuelle de la flotte et si le beau temps se maintient, cet échouage devrait se situer dans la nuit du samedi au dimanche de Pâques, c'est-à-dire demain soir. Sur toute la côte espagnole, c'est un sentiment de soulagement qui domine et l'on reparle de pitié et de solidarité. Ici Gibraltar, Radio France. La voix du journaliste parisien enchaîna : -- Voilà ce que nous téléphonait, à seize heures, notre envoyé spécial. Depuis ce moment-là, nous avons reçu de multiples confirmations de la route suivie par la flotte immigrante et c'est bien vers la France, vers la Côte d'Azur, que cette route la conduit. Par ailleurs, les radios arabes du Maghreb multiplient les appels en langue indie, exhortant leurs frères de la flotte immigrante à gagner le nord de la Méditerranée, car c'est là seulement, je cite, que le lait coule à flots et que commence l'Occident, fin de citation. Dans toutes les villes du Midi, en dépit des appels au calme et à la solidarité diffusés durant ces derniers jours par la presse et les autorités locales, il semble que s'amorçait le début d'un exode vers le nord. Les trains et les avions partent complets depuis ce matin et sur l'autoroute A 7 le point de saturation était atteint dès seize heures. On remarque aussi de nombreux magasins et villas fermés. Les entreprises de déménagement font savoir d'ores et déjà qu'elles n'ont plus de camions disponibles. À dix-sept heures, M. Jean Orelle, ministre de l'Information et porte-parole du gouvernement, a lu à la presse le communiqué suivant, que nous vous faisons entendre pour la seconde fois : -- Devant la nouvelle dûment confirmée que c'est bien vers le midi de la France que se dirige la flotte du Gange (la voix du vieux ministre semblait ferme, mais sourde, comme s'il dominait avec peine une grande fatigue), le gouvernement a arrêté un certain nombre de mesures propres à organiser l'accueil provisoire des immigrants. Les quatre départements côtiers sont placés sous l'autorité de M. Jean Perret, secrétaire d'État aux Affaires étrangères, nommé délégué personnel du président de la République pour toute la région du Midi. Si les circonstances l'imposent, le gouvernement n'hésitera pas à proclamer l'état d'urgence. Des éléments de l'armée et de la gendarmerie ont reçu l'ordre d'établir un cordon sanitaire le long du rivage et de s'opposer à tout débarquement incontrôlé qui pourrait nuire à l'équilibre de l'une de nos provinces les plus prospères. Le gouvernement assure de la façon la plus solennelle qu'à ce problème tout à fait nouveau seront assorties des solutions humaines, imposées s'il le faut. Le président de la République a tenu à réaffirmer l'estime qu'il porte à tous ceux, très nombreux dans l'opinion, qui ont exprimé leur solidarité envers les immigrants, mais il les met en garde contre certains excès peu conformes au maintien de l'ordre sans lequel rien n'est possible. Les initiatives privées ne seront pas tolérées. En outre, il est demandé aux populations du Midi de conserver le plus grand calme, de poursuivre le cours de leurs occupations quotidiennes et de faire confiance au gouvernement... -- Quand il m'a quitté tout à l'heure, remarqua le Président, il n'y croyait déjà plus. Nous avions mis ce communiqué au point, ensemble, vers seize heures. Il est vrai que tout va si vite ! Tout se passe exactement comme dans l'écroulement de cette maison qu'avait imaginé jadis un écrivain italien, Buzzati, je crois. Quelqu'un arrachait un volet, sans y prendre garde, et toute la maison s'effondrait pan par pan, écrasant ses habitants. On dirait que les faméliques ont déjà arraché le volet. Buzzati, quant à lui, ne donnait aucune explication. Il se bornait à constater. Je crains que nous ne puissions faire mieux... -- C'était à dix-sept heures, donc, la déclaration du ministre de l'Information, reprit la voix du journaliste. Mais, depuis, l'exode s est accentué. Il prend les proportions d'une migration en masse. On note cependant un léger mouvement inverse, vers le sud, de caractère hétéroclite. Des bandes organisées de la banlieue parisienne, des groupes de jeunes travailleurs de la métallurgie, des sections d'étudiants de diverses obédiences, ainsi que de nombreux ecclésiastiques et militants chrétiens ont pris la route du Sud. On signalait à dix-neuf heures un affrontement brutal au poste de péage n° 3 de l'autoroute A 6 entre l'un de ces groupes et la police qui s'opposait à son passage. M. Clément Dio, rédacteur en chef du journal La Pensée nouvelle, a fait savoir qu'il élevait une protestation solennelle contre cette entrave à la liberté de déplacement et qu'il partait lui aussi pour le Midi, en donnant à son geste une valeur exemplaire. Voici ce qu'il a déclaré à notre reporter, devant es bureaux de La Pensée nouvelle, avant de monter dans sa voiture : On entendit la voix de Dio, au milieu d'une ambiance de rue mêlée de nombreuses acclamations.)  Le Sud de notre pays se vide de sa population et, au fond, cela ne m'étonne pas. L'opinion occidentale a des remords. lle ne peut supporter le spectacle de la misère qui s'avance, alors elle préfère s'enfuir en silence plutôt que de faire face énéreusement, en ouvrant ses bras. Qu'importe ! Puisque nos départements du Midi se transforment subitement en déserts, nous n'y serons que plus au large pour accueillir et installer ces malheureux et leur offrir leur dernière chance. Je le dis tout net : c'est dans cet unique but que je quitte la capitale et que je pars pour le Midi. J'invite tous ceux qui pensent, comme oi, que l'idéal humain se place au-dessus des nations, des systèmes économiques, des religions et des races, à me ejoindre là-bas. Je nous voudrais nombreux, car que signifient ces mouvements de troupes ? Ce gauleiter Perret qui vient 'être nommé ? J'ai entendu, comme tout le monde, le ministre de l'Information parler d'accueil... provisoire, de solution... mposée, de cordon... sanitaire ! Ce cordon sanitaire n'est qu'un front militaire. Va-t-on donner à nos soldats l'ordre de tirer sur des affamés ? Va-t-on ouvrir des camps de concentration ? Va-t-on... -- Il me fatigue, dit le Président, en baissant la puissance du son. Mais, au moins, ajouta-t-il, pensif, celui-là sait ce qu'il veut ! -- Qui a eu l'idée de ce cordon baptisé « sanitaire « ? demanda le secrétaire d'État. -- Moi, soupira le Président. J'ai beaucoup hésité, mais quand j'ai vu le mouvement d'exode s'amplifier, je me suis dit qu'on ne l'arrêterait plus. C'est une vieille habitude nationale qui s'est toujours fortifiée dans le bien-être et la richesse. Autant l'accélérer et en profiter comme on pouvait. J'ai pensé qu'en la débarrassant des lâchetés morales de l'arrière, il restait une chance à l'armée de faire son métier. Le reste, l'appel au calme et la poursuite des occupations quotidiennes, c'est pour la galerie. -- Mais les épidémies du Moyen Âge n'existent plus, monsieur le président. Tout le monde le sait. -- Eh bien ! dit le Président, ceux qui se cherchent une excuse à détaler au lieu de défendre leurs biens n'auront qu'à supposer qu'elles existent. Je devais bien ça à mes électeurs, non ? Et il se pencha vers le cadran du transistor. -- Après ces déclarations, reprit la voix du journaliste, M. Clément Dio a quitté aussitôt la capitale en compagnie de sa femme, l'écrivain Iris Nan-Chan et de quelques amis, donnant rendez-vous sur la Côte à tous ceux qui l'acclamaient...

« nous n’yserons queplus aularge pouraccueillir etinstaller cesmalheureux etleur offrir leurdernière chance.Jeledis tout net : c’est danscetunique butque jequitte lacapitale etque jepars pour leMidi.

J’invite tousceux quipensent, comme moi, quel’idéal humain seplace au-dessus desnations, dessystèmes économiques, desreligions etdes races, àme rejoindre là-bas.Jenous voudrais nombreux, carque signifient cesmouvements detroupes ? Cegauleiter Perretquivient d’être nommé ? J’aientendu, commetoutlemonde, leministre del’Information parlerd’accueil...

provisoire,desolution... imposée, decordon...

sanitaire ! Cecordon sanitaire n’estqu’un frontmilitaire.

Va-t-ondonnerànos soldats l’ordredetirer sur des affamés ? Va-t-onouvrirdescamps deconcentration ? Va-t-on... — Il mefatigue, ditlePrésident, enbaissant lapuissance duson.

Mais, aumoins, ajouta-t-il, pensif,celui-là saitcequ’il veut ! — Qui aeu l’idée dececordon baptisé « sanitaire » ? demandalesecrétaire d’État. — Moi, soupiralePrésident.

J’aibeaucoup hésité,maisquand j’aivulemouvement d’exodes’amplifier, jeme suis dit qu’on nel’arrêterait plus.C’est unevieille habitude nationale quis’est toujours fortifiéedanslebien-être etlarichesse. Autant l’accélérer eten profiter commeonpouvait.

J’aipensé qu’enladébarrassant deslâchetés moralesdel’arrière, il restait unechance àl’armée defaire sonmétier.

Lereste, l’appel aucalme etlapoursuite desoccupations quotidiennes, c’est pourlagalerie. — Mais lesépidémies duMoyen Âgen’existent plus,monsieur leprésident.

Toutlemonde lesait. — Eh bien !ditlePrésident, ceuxquisecherchent uneexcuse àdétaler aulieu dedéfendre leursbiens n’auront qu’à supposer qu’ellesexistent.

Jedevais biençaàmes électeurs, non ? Et ilse pencha verslecadran dutransistor. — Après cesdéclarations, repritlavoix dujournaliste, M. Clément Dioaquitté aussitôt lacapitale encompagnie desa femme, l’écrivain IrisNan-Chan etde quelques amis,donnant rendez-vous surlaCôte àtous ceux quil’acclamaient.... »

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