Daniel Picouly Le Champ de personne, chap. 6 Flammarion, 1995 - Sujet non corrigé
Publié le 21/01/2020
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Daniel Picouly
Le Champ de personne, chap. 6 Flammarion, 1995
La dictée est le meilleur moyen qu’a trouvé le maître pour nous calmer au retour de la gymnastique. Dès que je l’aperçois sur le pas de la porte de la classe, la sueur se glace le long de ma colonne vertébrale. M. Brulé nous attend, la blouse bien sanglée, les mains dans le dos, les lunettes déjà méfiantes sur le nez. On entre un par un. La salle de classe attend dans une pénombre bleutée. On dirait une chapelle. Le maître a tiré les grands rideaux. Il ne faut pas qu’il y ait le moindre morceau de ciel pour nous distraire. « Ça sent l’encre fraîche ! » aurait dit un ogre en entrant. M. Brulé a rempli les encriers jusqu’à l’œil. Il utilise une jolie bouteille de verre, qui a un bec verseur métallique, comme au café. Garçon, un calva1 ! C’est pas de refus. Je vais avoir besoin d’un remontant. Sur le bureau, les cahiers sont empilés comme des assiettes. Il n’y a plus qu’à se servir. [...]
Pour moi, la dictée, c’est le zéro assuré. Pourtant, j’en connais des mots. Des listes entières, recopiées sur mon cahier de collection. Je les rencontre dans les livres, les magazines ou les journaux. Il y a les mots compliqués, que je ne retrouve plus jamais ou que je ne reconnais pas au passage. Les familiers, qui tout à coup font le caméléon et se dissimulent au milieu d’une phrase. Certains, même, se faufilent en douce, un peu comme quand je resquille à la distribution de lait dans le préau, ou dans la file de cinéma au Raincy. Sauf que eux ne se font pas prendre. Moi, pour les fautes d’orthographe, je bats tous les records de l’école. Et sans élan ! [...]
— Ouvrez vos cahiers et écrivez « dictée ».
Je regarde les copains autour de moi. On dirait le départ du cross de l’Humanité'1-. On s’assouplit le poignet, la nuque, on respire profondément, le dos bien plat, certains ferment les yeux, desserrent leur ceinture de blouse. D’autres s’agitent, s’arrachent la peau des doigts, se trémoussent comme s’ils avaient des fourmis sous le derrière. Ça n’a pas manqué, comme chaque fois, le petit Lucas se prend soudain l’entrejambe et se lève. « Monsieur ! Monsieur ! — Allez, mais dépêche-toi ! » Moi, j’ai le calme de celui qui va avoir zéro. Je flotte dans les airs comme un albatros3, plus confiant encore que Delac qui ne fait jamais aucune faute, à aucun mot. Il attend, serein, son porte-plume levé comme une lance de chevalier de la Table ronde avant l’assaut. C’est l’Ivanhoé4 de l’imparfait du subjonctif. En plus, il le parle couramment, même à la récréation. « Il me 35 serait agréable que tu me rendisses mon goûter ». Il peut toujours courir.
1. Calva : abréviation de « calvados », boisson fortement alcoolisée.
2. L’Humanité : journal communiste, organisateur d’un cross.
3. Albatros : grand oiseau marin.
4. Ivanhoé : chevalier anglais du XIIe siècle.
■ Questions (15 points)
I. UN SOUVENIR D’ÉCOLE 5 POINTS
► 1. Ce récit se déroule dans les années soixante. Donnez deux indices qui permettent de le montrer. (1 point)
► 2. A quelle période de la vie du narrateur renvoie cette histoire ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur le texte. (0,5point)
► 3. a) Relevez dans le texte quatre mots différents servant à désigner l’instituteur. (1 point)
b) En dehors du narrateur et du maître, quels sont les autres personnages présents de cette scène ? (0,5 point)
► 4. « On dirait », « on s’assouplit » (lignes 23 et 24) : donnez la classe grammaticale et la valeur de « on », en précisant ce qu’il désigne dans chaque cas. (1 point)
► 5. a) Quel effet le narrateur recherche-t-il en employant le présent de l’indicatif ? (0,5 point)
b) « On dirait » (ligne 6), « aurait dit un ogre » (ligne 8) : quel est le mode utilisé ? Justifiez son emploi. (0,5point)
II. LE JEU DES MOTS 5 POINTS
► 6. Dans le dernier paragraphe :
a) Quel niveau de langue utilise Delac (lignes 34-35) ? Justifiez votre réponse. (0,5point)
b) Quel est le niveau de langue du narrateur ? Justifiez votre réponse en citant le texte. (0,5point)
► 7. « Les [mots] familiers [...] font le caméléon » (lignes 16-17) : expliquez le sens de cette comparaison. (1 point)
«
ROMAN • SUJET
plus confiant encore que Delac qui ne fait jamais aucune faute, à aucun
mot.
Il attend, serein, son porte-plume levé comme une lance de chevalier
de la Table ronde avant l'assaut.
C'est !'Ivanhoé de l'imparfait du sub
jonctif.
En plus, il le parle couramment, même à la récréation.
« Il me
ss serait agréable que tu me rendisses mon goûter ».
Il peut toujours courir.
1.
Calva : abréviation de " calvados », boisson fortement alcoolisée.
2.
L'Humanité: journal communiste, organisateur d'un cross.
3.
Albatros : grand oiseau marin.
4.
Ivanhoé : chevalier anglais du XIIe siècle.
• Questions (15 points)
l.
UN SOUVENIR D'ÉCOLE 5 POINTS
~ 1.
Ce récit se déroule dans les années soixante.
Donnez deux indices qui
permettent de le montrer.
(1 point)
~ 2.
À quelle période de la vie du narrateur renvoie cette histoire ? J usti
fiez votre réponse en vous appuyant sur le texte.
(0,5 point)
~ 3.
a) Relevez dans le texte quatre mots différents servant à désigner l'ins
tituteur.
(1 point)
b) En dehors du narrateur et du maître, quels sont les autres personnages
présents de cette scène ? (0,5 point)
~ 4.
«On dirait», «on s'assouplit» (lignes 23 et 24) : donnez la classe
grammaticale et la valeur de« on », en précisant ce qu'il désigne dans cha
que cas.
(1 point)
~ 5.
a) Quel effet le narrateur recherche+il en employant le présent de
l'indicatif? (0,5 point)
b) « On dirait» (ligne 6), « aurait dit un ogre» (ligne 8) : quel est le mode
utilisé ? ] ustifiez son emploi.
(0,5 point)
Il.
LE JEU DES MOTS 5 POINTS
~ 6.
Dans le dernier paragraphe :
a) Quel niveau de langue utilise Delac (lignes 34-35) ? Justifiez votre
réponse.
(0,5 point)
b) Quel est le niveau de langue du narrateur ? ] ustifiez votre réponse en
citant le texte.
(0,5 point)
~ 7.
«Les [mots] familiers[ ...
] font le caméléon» (lignes 16-17): expli
quez le sens de cette comparaison.
(1 point).
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