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D u citoyen o u qu'elle approuve en soi et qualifie bonne, une chose qu'elle blâme et veut faire passer p our mauvaise en autrui.

Publié le 01/10/2013

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D u citoyen o u qu'elle approuve en soi et qualifie bonne, une chose qu'elle blâme et veut faire passer p our mauvaise en autrui. Car au fond, nous mesurons tous le bien et le mal de quelque chose, au plaisir ou à la douleur qui nous en reviennent présentement, o u que nous en attendons. E t d 'autant que nous voyons de mauvais oeil les bons succès de nos ennemis, à cause qu'ils augmentent leurs honneurs, leurs richesses et leur puissance, et ceux de nos égaux, parce que nous leur disputons le rang, ils nous paraissent mauvais, et le s ont en effet à notre égard ; d'ailleurs pour ce que les hommes o nt de coutume de tenir p our méchants, c'est-àdire d'imputer quelque faute à ceux desquels ils reçoivent d u dommage, il ne peut être autrement, q u'on ne définisse ce qui est blâmable, o u ce qui ne l'est pas, par le c onsentement de ceux à qui les mêmes choses plaisent, ou ne plaisent pas. O n p eut à la vérité convenir en certaines choses générales et les n ommer tous d 'une voix des péchés, comme l'adultère, le larcin, et autres choses semblables; de même que si l 'on disait, que tous n omment une malice à quoi ils d onnent u n n om qui d'ordinaire se p rend en mauvaise part. Mais nous ne recherchons pas en cet endroit, si le larcin, par exemple, est un péché, nous demandons c omment c'est qu'il le faut nommer et ainsi de toutes les autres choses de cette nature. Si d onc parmi une telle diversité d'opinions, il ne faut pas juger de ce qui est à blâmer raisonnablement, par la raison de l'un, plutôt que par celle de l'autre, vu l'égalité de la nature humaine ; et s'il n 'y a aucune raisory en usage dans le m onde que celle des particuliers et celle de l'Etat, il s'ensuit que c'est conformément à cette dernière qu'il faut définir quelles sont les choses qui méritent véritablement d 'être blâmées. D e sorte q u'un péché, une coulpe, une faute, o u u ne offense, se p eut définir en cette manière, ce que qtjelqu'un a fait, a omis, a dit, ou a voulu contre la raison de l'Etat, c'est-à-dire contre les lois. 623 Hobbes XVIII. Différence entre le péché d'infirmité et celui de malice. C ependant il n'y a rien de plus certain que l'on peut transgresser les lois par infirmité humaine, quoique au fond o n désire les o bserver; mais cela n'empêche pas q u'on ne blâme avec raison et q u'on ne n omme une offense une telle action comme contrevenante à la justice. Il y a des personnes qui méprisent les lois chaque fois qu'il y a apparence de gain et d'impunité, et qui ne s'empêchent de les enfreindre par u n scrupule de conscience, quelque promesse o u quelque parole qui ait été donnée. C e ne sont pas les actions seulement de cette sorte de gens qui contreviennent aux lois, leur esprit est le premier dans le dérèglement, mais ceux qui ne pèchent que par infirmité, même lorsqu'ils font une faute, ne méritent pas de perdre le titre de gens de bien, là o ù les autres ne laissent pas d'être des méchants, encore qu'ils ne commettent point de crime. O r, quoique l 'un et l'autre, l'âme et l'action, répugnent aux lois, o n distingue néanmoins par divers noms ces répugnances. Car, l'irrégularité de l'action se n omme injustice, e t celle de l'esprit est proprement malice e t méchanceté. La première est une infirmité qui vient ensuite de quelque perturbation de l'âme, dans laquelle le plus souvent o n n'est pas à soi-même ; mais la dernière est une malice concertée, l'âme y agit sans trouble, et sait bien ce qu'elle fait. XIX. Sous quel genre de péché est réduit l'athéisme. O r, s'il n 'y a p oint d'offense qui ne soit contre quelque loi, ni aucune loi qui ne soit u n c ommandement d u souverain ; et s'il n'y a point de souverain à qui nous n'ayons donné sa puissance par notre consentement, comment dira-t-on que celui-là pèche qui nie l'existence o u la providence de Dieu, o u q ui vomit contre 1-ui quelque autre blasphème? Car, il alléguera qu'il n'a jamais soumis sa volonté à celle de Dieu, duquel même i l n 'a pas cru l'existence. Et que quand bien son opinion serait fausse, et d u rang des offenses, elle ne saurait p ourtant être 624 D u citoyen comprise que parmi les péchés d'imprudence, o u d'ignorance, q u'on ne peut pas punir légitimement. Il me semble que ce discours ne doit être reçu qu'avec restriction et q u'on n 'en peut accorder tout au plus que cette partie, à savoir que ce péché d'athéisme, quoiqu'il soit le pire et le plus pernicieux de tous, doit être rapporté aux péchés d'imprudence * ; mais c'est une chose absurde de penser que cette imprudence, ou que cette ignorance le rende excusable. Il est vrai q u'un athée n'est point puni, o u de Dieu immédiatement, ou des rois que Dieu a établis au-dessous de sa majesté, en qualité de sujet, parce qu'il n 'a pas observé les lois, mais comme un ennemi qui n 'a pas voulu les recevoir ; c'est-à-dire, il est puni par le droit de la guerre * Plusieurs ont trouvé à redire ce que j'avais rapporté l'athéisme à l'imprudence, et non pas à l'injustice : même quelques-uns ont pris cela, comme si j e ne m'étais pas montré assez âpre adversaire des athées. Ils m 'ont objecté ensuite, qu'ayant d it en quelque endroit que l'on p eut savoir p ar les lumières de la raison naturelle que Dieu est, j e devais avouer que les athées pèchent du moins contre la loi de nature et qu 'ainsi ils ne sont pas coupables seulement d'imprudence, mais aussi d'injustice. De moi j e suis si ennemi des athées, que j 'ai recherché f ort soigneusement et a i désiré passionnément de trouver quelque loi p ar laquelle j e puisse les condamner d'injustice : mais n'en découvrant aucune, j e me suis mis ensuite à rechercher de q uel nom Dieu nommait des personnes q ui l ui sont si exécrables. Or, voici comment Dieu parle de ces impies : l'insensé a dit en son coeur, que Dieu n'est p oint; de sorte que j 'ai mis leur péché sous le genre que Dieu même l'a rangé. Après cela, j 'ai f ait voir que les athées étaient ennemis de Dieu et j'estime que ce terme d'ennemi emporte quelque chose de plus atroce que celui d'injuste. Enfin, j e confirme que pour ce sujet, ils sont justement punis de Dieu et des puissances souveraines; si bien que j e n'excuse ni n'exténue p oint ce crime. Quant à ce que j 'ai dit, que l'on p eut savoir p ar raisons naturelles que Dieu existe, i l ne le f aut pas prendre, comme si j e pensais que tous peuvent atteindre à cette connaissance ; si ce n 'est qu'on estimât qu 'il s'ensuit, à cause qu'Archimède a trouvé p ar raison naturelle la proportion que la sphère a au cylindre, que q ui que ce soit du vulgaire p eut découvrir la même démonstration. Je dis donc, q u 'encore que quelques-uns puissent connaître p ar la lumière naturelle que Dieu est, toutefois ceux-là ne le p euvent p oint comprendre, qui sont plongés dans les délices, q ui s'occupent continuellement à la recherche des honneurs, ou des richesses, q ui n'ont pas accoutumé de bien conduire leur raison, q ui n'en savent pas l'usage, ou q ui ne se soucient pas de s'en servir, et enfin, qui sont entachés de quelque folie, du nombre desquels sont les athées et les impies. 625

« Hobbes XVIII.

Différence entre le péché d'infirmité et celui de malice.

Cependant il n'y a rien de plus certain que l'on peut trans­ gresser les lois par infirmité humaine, quoique au fond on désire les observer; mais cela n'empêche pas qu'on ne blâme avec raison et qu'on ne nomme une offense une telle action comme contrevenante à la justice.

Il y a des personnes qui méprisent les lois chaque fois qu'il y a apparence de gain et d'impunité, et qui ne s'empêchent de les enfreindre par un scrupule de conscience, quelque promesse ou quelque parole qui ait été donnée.

Ce ne sont pas les actions seulement de cette sorte de gens qui contreviennent aux lois, leur esprit est le premier dans le dérèglement, mais ceux qui ne pèchent que par infirmité, même lorsqu'ils font une faute, ne méritent pas de perdre le titre de gens de bien, là où les autres ne laissent pas d'être des méchants, encore qu'ils ne commettent point de crime.

Or, quoique l'un et l'autre, l'âme et l'action, répugnent aux lois, on distingue néanmoins par divers noms ces répugnances.

Car, l'irrégularité de l'action se nomme injustice, et celle de l'esprit est proprement malice et méchanceté.

La première est une infir­ mité qui vient ensuite de quelque perturbation de l'âme, dans laquelle le plus souvent on n'est pas à soi-même ; mais la der­ nière est une malice concertée, l'âme y agit sans trouble, et sait bien ce qu'elle fait.

XIX.

Sous quel genre de péché est réduit l'athéisme.

Or, s'il n'y a point d'offense qui ne soit contre quelque loi, ni aucune loi qui ne soit un commandement du souverain ; et s'il n'y a point de souverain à qui nous n'ayons donné sa puis­ sance par notre consentement, comment dira-t-on que celui-là pèche qui nie l'existence ou la providence de Dieu, ou qui vomit contre 1-ui quelque autre blasphème? Car, il alléguera qu'il n'a jamais soumis sa volonté à celle de Dieu, duquel même il n'a pas cru l'existence.

Et que quand bien son opinion serait fausse, et du rang des offenses, elle ne saurait pourtant être 624. »

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