Contes d'une grand-mere Vous connaissez cet ami, mes chères petites, vous savez qu'il est fantaisiste, et que, quand il raconte, son imagination lui fait dépasser le vraisemblable.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Il y en a, monsieur, il y en a en quantité, mais il faut les pêcher.
Eh bien, j'irai les pêcher moi-même.
Apportez le déjeuner.
Le déjeuner fut bon et nous y fîmes honneur.
Les soles étaient excellentes, le vin était sans reproche.
Mais le
dépit de n'avoir point d'huîtres m'empêcha de savourer ce qu'on m'offrait.
Je bus et mangeai sans
discernement, causant toujours avec mon petit vieux, qui semblait compatir à ma peine et prendre intérêt à
mon exploration manquée.
Si bien qu'à la fin du repas je ne saisissais plus très-clairement le sens de ses paroles ni la vue des objets
environnants.
Le gnome, car il avait réellement l'aspect d'un gnome, me paraissait un peu ému aussi, car il
passa son bras sous le mien avec une familiarité touchante en m'appelant son cher ami, et en jurant qu'il allait
me révéler tous les secrets de la nature concernant les huîtres.
Je le suivis sans savoir où j'allais.
La vivacité de l'air achevait de m'éblouir, et je me trouvai avec lui dans une
sorte de grotte, de cave ou de chambre sombre, où étaient entassés des monceaux de coquillages.
Voici ma collection, me dit-il d'un air triomphant: je ne la montre pas au premier venu; mais, puisque vous
êtes un véritable amateur,...
tenez, voici la première des huîtres! ostrea matercula de l'étage permien.
Voyons! m'écriai-je en saisissant l'huître et en la portant à mes lèvres.
Vous voulez la manger? fit le gnome en m'arrêtant: y songez-vous?
Pardon! j'ai cru que vous me l'offriez pour cela.
Mais, monsieur, c'est un échantillon précieux.
On ne le trouve qu'en Russie, dans les calcaires cuivreux.
Cuivreux? merci! Vous avez bien fait de m'arrêter! Mon déjeuner ne me gêne point et je ne recherche pas
les oxydes de cuivre en guise de dessert.
Passons.
Ces ostrea, comme vous les appelez, ne me feront pas faire
le voyage de Russie.
Pourtant, monsieur, dit le gnome en reprenant son huître, elle est bien intéressante, cette représentante des
premiers âges de la vie! Au temps où elle apparut dans les mers, il n'existait ni hommes ni quadrupèdes sur la
terre.
Alors, que faisait-elle dans le monde?
Elle essayait d'exister, monsieur, et elle existait! Allez-vous dire du mal des premières huîtres, sous
prétexte que vous n'étiez pas encore né pour les manger?
Je vis que j'avais fâché le gnome et je le priai de passer à une série plus récente.
Procédons avec ordre, reprit-il; voici ostrea marcignyana, des arkoses et des grès du Keuper.
Elle n'a pas bonne mine, elle est toute plissée et doit manquer de chair.
Les animaux de son temps ne la dédaignaient pas, soyez-en sûr.
Aimez-vous mieux ostrea arcuata,
autrement la gryphée arquée du lias inférieur?
Je la trouve jolie, elle ressemble à une lampe antique, mais quel goût a-t-elle? Contes d'une grand-mere
LE GNOME DES HUITRES 66.
»
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