Contes de la bécasse Il reprit : "Non, c't' idée-là, ce serait trop dur.
Publié le 11/04/2014
Extrait du document
«
Dès l'aurore, il fut debout pour reconnaître où le solitaire s'était baugé.
Il accompagna ses piqueurs, disposa
les relais, organisa tout lui-même pour préparer son triomphe ; et, quand les cors sonnèrent le départ, il
apparut dans un étroit vêtement de chasse rouge et or, les reins serrés, le buste large, l'oeil radieux, frais et
fort comme s'il venait de sortir du lit.
Les chasseurs partirent.
Le sanglier débusqué fila, suivi des chiens hurleurs, à travers des broussailles ; et les
chevaux se mirent à galoper, emportant par les étroits sentiers des bois les amazones et les cavaliers, tandis
que, sur les chemins amollis, roulaient sans bruit les voitures qui accompagnaient de loin la chasse.
Mme d'Avancelles, par malice, retint le baron près d'elle, s'attardant, au pas, dans une grande avenue
interminablement droite et longue et sur laquelle quatre rangs de chênes se repliaient comme une voûte.
Frémissant d'amour et d'inquiétude, il écoutait d'une oreille le bavardage moqueur de la jeune femme, et de
l'autre il suivait le chant des cors et la voix des chiens qui s'éloignaient.
"Vous ne m'aimez donc plus ?" disait-elle.
Il répondait : "Pouvez-vous dire des choses pareilles ?"
Elle reprenait : "La chasse cependant semble vous occuper plus que moi."
Il gémissait : "Ne m'avez-vous point donné l'ordre d'abattre moi-même l'animal ?"
Et elle ajoutait gravement : "Mais j'y compte.
Il faut que vous le tuiez devant moi."
Alors il frémissait sur sa selle, piquait son cheval qui bondissait, et, perdant patience : "Mais sacristi !
madame, cela ne se pourra pas si nous restons ici."
Et elle lui jetait, en riant : "Il faut que cela soit, pourtant..
ou alors...
tant pis pour vous."
Puis elle lui parlait tendrement, posant la main sur son bras, ou flattant, comme par distraction, la crinière de
son cheval.
Puis ils tournèrent à droite dans un petit chemin couvert, et soudain, pour éviter une branche qui barrait la
route, elle se pencha sur lui, si près qu'il sentit sur son cou le chatouillement des cheveux.
Alors brutalement
il l'enlaça, et appuyant sur la tempe ses grandes moustaches, il la baisa d'un baiser furieux.
Elle ne remua point d'abord, restant ainsi sous cette caresse emportée ; puis, d'une secousse, elle tourna la
tête, et, soit hasard, soit volonté, ses petites lèvres à elle rencontrèrent ses lèvres à lui, sous leur cascade de
poils blonds.
Alors, soit confusion, soit remords, elle cingla le flanc de son cheval, qui partit au grand galop.
Ils allèrent
ainsi longtemps, sans échanger même un regard.
Le tumulte de la chasse se rapprochait ; les fourrés semblaient frémir, et tout à coup, brisant les branches,
couvert de sang, secouant les chiens qui s'attachaient à lui, le sanglier passa.
Alors le baron, poussant un rire de triomphe, cria : "Qui m'aime me suive !" Et il disparut, dans les taillis,
comme si la forêt l'eût englouti.
Contes de la bécasse
Contes de la bécasse 52.
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