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Contes de la bécasse "Cent francs par mois, c'est point suffisant pour nous priver du p'tit ; ça travaillera dans quéqu' z'ans c't' éfant ; i nous faut cent vingt francs.

Publié le 11/04/2014

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Contes de la bécasse "Cent francs par mois, c'est point suffisant pour nous priver du p'tit ; ça travaillera dans quéqu' z'ans c't' éfant ; i nous faut cent vingt francs." Mme d'Hubières, trépignant d'impatience, les accorda tout de suite ; et, comme elle voulait enlever l'enfant, elle donna cent francs en cadeau pendant que son mari faisait un écrit. Le maire et un voisin, appelés aussitôt, servirent de témoins complaisants. Et la jeune femme, radieuse, emporta le marmot hurlant, comme on emporte un bibelot désiré d'un magasin. Les Tuvache, sur leur porte, le regardaient partir, muets, sévères, regrettant peut-être leur refus. On n'entendit plus du tout parler du petit Jean Vallin. Les parents, chaque mois, allaient toucher leurs cent vingt francs chez le notaire ; et ils étaient fâchés avec leurs voisins parce que la mère Tuvache les agonisait d'ignominies, répétant sans cesse de porte en porte qu'il fallait être dénaturé pour vendre son enfant, que c'était une horreur, une saleté, une corromperie. Et parfois elle prenait en ses bras son Charlot avec ostentation, lui criant, comme s'il eût compris "J' tai pas vendu, mé, j' t'ai pas vendu, mon p'tiot. J' vends pas m's éfants, mé. J' sieus pas riche, mais vends pas m's éfants." Et, pendant des années et encore des années, ce fut ainsi chaque jour ; chaque jour des allusions grossières qui étaient vociférées devant la porte, de façon à entrer dans la maison voisine. La mère Tuvache avait fini par se croire supérieure à toute la contrée parce qu'elle n'avait pas vendu Charlot. Et ceux qui parlaient d'elle disaient : "J' sais ben que c'était engageant, c'est égal, elle s'a conduite comme une bonne mère." On la citait ; et Charlot, qui prenait dix-huit ans, élevé dans cette idée qu'on lui répétait sans répit, se jugeait lui-même supérieur à ses camarades, parce qu'on ne l'avait pas vendu. Les Vallin vivotaient à leur aise, grâce à la pension. La fureur inapaisable des Tuvache, restés misérables, venait de là. Leur fils aîné partit au service. Le second mourut ; Charlot resta seul à peiner avec le vieux père pour nourrir la mère et deux autres soeurs cadettes qu'il avait. Il prenait vingt et un ans, quand, un matin, une brillante voiture s'arrêta devant les deux chaumières. Un jeune monsieur, avec une chaîne de montre en or, descendit, donnant la main à une vieille dame aux cheveux blancs. La vieille dame lui dit : "C'est là, mon enfant, à la seconde maison." Et il entra comme chez lui dans la masure des Vallin. La vieille mère lavait ses tabliers ; le père infirme, sommeillait près de l'âtre. Tous deux levèrent la tête, et le jeune homme dit : "Bonjour, papa ; bonjour, maman." Ils se dressèrent, effarés. La paysanne laissa tomber d'émoi son savon dans son eau et balbutia : Contes de la bécasse 49 Contes de la bécasse "C'est-i té, m'n éfant ? C'est-i té, m'n éfant ?" Il la prit dans ses bras et l'embrassa, en répétant : "Bonjour, maman." Tandis que le vieux, tout tremblant, disait, de son ton calme qu'il ne perdait jamais : "Te v'là-t'il revenu Jean ?" Comme s'il l'avait vu un mois auparavant. Et, quand ils se furent reconnus, les parents voulurent tout de suite sortir le fieu dans le pays pour le montrer. On le conduisit chez le maire, chez l'adjoint, chez le curé, chez l'instituteur. Charlot, debout sur le seuil de sa chaumière, le regardait passer. Le soir, au souper, il dit aux vieux : "Faut-il qu' vous ayez été sots pour laisser prendre le p'tit aux Vallin !" Sa mère répondit obstinément : "J' voulions point vendre not' éfant !" Le père ne disait rien. Le fils reprit : "C'est-il pas malheureux d'être sacrifié comme ça !" Alors le père Tuvache articula d'un ton coléreux : "Vas-tu pas nous r'procher d' t'avoir gardé ?" Et le jeune homme, brutalement : "Oui, j' vous le r'proche, que vous n'êtes que des niants. Des parents comme vous ca fait l' malheur des éfants. Qu' vous mériteriez que j' vous quitte." La bonne femme pleurait dans son assiette. Elle gémit tout en avalant des cuillerées de soupe dont elle répandait la moitié : "Tuez-vous donc pour élever d's éfants !" Alors le gars, rudement : "J'aimerais mieux n'être point né que d'être c' que j' suis. Quand j'ai vu l'autre, tantôt, mon sang n'a fait qu'un tour. Je m' suis dit : - v'là c' que j' serais maintenant !" Il se leva. "Tenez, j' sens bien que je ferai mieux de n' pas rester ici, parce que j' vous le reprocherais du matin au soir, et que j' vous ferais une vie d' misère. Ça, voyez-vous, j' vous l' pardonnerai jamais !" Les deux vieux se taisaient, atterrés, larmoyants ! Contes de la bécasse 50

« "C'est-i té, m'n éfant ? C'est-i té, m'n éfant ?" Il la prit dans ses bras et l'embrassa, en répétant : "Bonjour, maman." Tandis que le vieux, tout tremblant, disait, de son ton calme qu'il ne perdait jamais : "Te v'là-t'il revenu Jean ?" Comme s'il l'avait vu un mois auparavant.

Et, quand ils se furent reconnus, les parents voulurent tout de suite sortir le fieu dans le pays pour le montrer. On le conduisit chez le maire, chez l'adjoint, chez le curé, chez l'instituteur.

Charlot, debout sur le seuil de sa chaumière, le regardait passer.

Le soir, au souper, il dit aux vieux : "Faut-il qu' vous ayez été sots pour laisser prendre le p'tit aux Vallin !" Sa mère répondit obstinément : "J' voulions point vendre not' éfant !" Le père ne disait rien.

Le fils reprit : "C'est-il pas malheureux d'être sacrifié comme ça !" Alors le père Tuvache articula d'un ton coléreux : "Vas-tu pas nous r'procher d' t'avoir gardé ?" Et le jeune homme, brutalement : "Oui, j' vous le r'proche, que vous n'êtes que des niants.

Des parents comme vous ca fait l' malheur des éfants. Qu' vous mériteriez que j' vous quitte." La bonne femme pleurait dans son assiette.

Elle gémit tout en avalant des cuillerées de soupe dont elle répandait la moitié : "Tuez-vous donc pour élever d's éfants !" Alors le gars, rudement : "J'aimerais mieux n'être point né que d'être c' que j' suis.

Quand j'ai vu l'autre, tantôt, mon sang n'a fait qu'un tour.

Je m' suis dit : - v'là c' que j' serais maintenant !" Il se leva.

"Tenez, j' sens bien que je ferai mieux de n' pas rester ici, parce que j' vous le reprocherais du matin au soir, et que j' vous ferais une vie d' misère.

Ça, voyez-vous, j' vous l' pardonnerai jamais !" Les deux vieux se taisaient, atterrés, larmoyants ! Contes de la bécasse Contes de la bécasse 50. »

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