Condorcet, « Rapport sur l'organisation générale de l'instruction publique « (1792)
En avril 1792, présentant un rapport sur l’instruction publique, le marquis de Condorcet défend une conception de l’enseignement témoignant de l’imprégnation de la Révolution par l’esprit des Lumières. Il juge que tout homme portant en lui sa propre perfectibilité, une politique égalitariste d’instruction publique permettra de former une société composée d’individus responsables, égaux et opposés au despotisme. Dès lors, parce qu’il détermine l’émergence d’une conscience civique et citoyenne, le droit universel à la pédagogie et au partage de la connaissance cautionne en profondeur le progrès de l’idéal du bonheur commun, vertu nécessaire à l’affirmation d’une vraie démocratie.
« Rapport sur l’organisation générale de l’instruction publique « par le marquis de Condorcet (20 et 21 avril 1792)
Messieurs,
Offrir à tous les individus de l’espèce humaine les moyens de pourvoir à leurs besoins, d’assurer leur bien-être, de connaître et d’exercer leurs droits, d’entendre et de remplir leurs devoirs ;
Assurer à chacun d’eux la facilité de perfectionner son industrie [entendre « habileté professionnelle «], de se rendre capable des fonctions sociales auxquelles il a droit d’être appelé, de développer toute l’étendue des talents qu’il a reçus de la nature, et par là, établir entre les citoyens une égalité de fait, et rendre réelle l’égalité politique reconnue par la loi :
Tel doit être le premier but d’une instruction nationale ; et, sous ce point de vue, elle est pour la puissance publique un devoir de justice.
Diriger l’enseignement de manière que la perfection des arts augmente les jouissances de la généralité des citoyens et l’aisance de ceux qui les cultivent, qu’un plus grand nombre d’hommes deviennent capables de bien remplir les fonctions nécessaires à la société, et que les progrès toujours croissants des lumières ouvrent une source inépuisable de secours dans nos besoins, de remèdes dans nos maux, de moyens de bonheur individuel et de prospérité commune ;
Cultiver enfin, dans chaque génération, les facultés physiques, intellectuelles et morales, et, par là, contribuer à ce perfectionnement général et graduel de l’espèce humaine, dernier but vers lequel toute institution sociale doit être dirigée :
Tel doit être l’objet de l’instruction ; et c’est pour la puissance publique un devoir imposé par l’intérêt commun de la société, par celui de l’humanité entière. […]
Source : Condorcet (Marie Jean Antoine Nicolas de Caritat, marquis de), « Rapport sur l’organisation générale de l’instruction publique «, 20 et 21 avril 1792.
Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.