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Claude Fischler, L'Homnivore

Publié le 28/03/2011

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Parties du programme abordées: - Le XXe siècle. - La consommation. Conseils pratiques: Le résumé ne pose pas de problèmes particuliers (texte clair et nettement structuré). La discussion, fort intéressante, invite à dépasser rapidement le thème du texte, la nourriture, pour aborder d'autres types de «consommation« : vêtements par exemple — objets de toutes natures, prétendument indispensables au confort. La réflexion pourra déboucher sur l'information et sur la culture (consommation de nouvelles fraîches et d'images); rapport du qualitatif et du quantitatif, etc.). Difficulté du sujet: ** Pour un Occidental du XXe siècle, l'alimentation ne devrait plus guère poser de questions. À vivre dans les sociétés les plus développées, nous ne courons plus guère le risque de «manquer«. La dernière disette, en France, a eu lieu en 1741-1742. La grande famine irlandaise de la pomme de terre date de 1846-1848. Depuis, seule la guerre a ramené la pénurie et, provisoirement ou localement, la famine. «Joindre les deux bouts«, depuis belle lurette, n'est plus un problème de nourriture mais d'argent. Aujourd'hui, les incertitudes saisonnières sont oubliées. La distribution moderne a même gommé les derniers restes de saisonnalité: il nous paraît presque scandaleux d'être privés de fraises en hiver ou de raisin au printemps. Dans nos contrées, ce sont les plus âgés, marqués par les souvenirs de guerre mondiale, qui se refusent à jeter du pain, qui stockent le sucre ou l'huile en cas de tension politique internationale ; ce sont les plus mobilisés qui frémissent à la pensée de «gaspiller« la nourriture. Nous savons bien que la faim sévit, mais loin, dans le Tiers-Monde... Et pourtant, en dépit de cette sécurité et de cette abondance, l'alimentation semble plus que jamais nous préoccuper, voire nous inquiéter. L'enjeu vital est désamorcé, mais l'enjeu intime nous tenaille plus que jamais. Nos sociétés sécrètent probablement plus de discours sur la nourriture qu'aucune autre n'en a jamais produit. L'alimentation est l'un des grands thèmes-problèmes du temps. La médecine, officielle et parallèle, le consumérisme (1), la presse, l'édition, les mass média, la littérature même, en traitent constamment. Depuis la fin du XIXe siècle, l'Occident bien nourri s'est donné une discipline médicale spécialisée, la nutrition : voici qu'elle est chaque jour davantage mise en demeure de situer les périls, de prescrire les bons choix, de dire où sont le bien et le mal alimentaires. La presse, l'édition contemporaines produisent continuellement du discours sur l'alimentation, qu'il s'agisse de régimes et de santé ou de recettes et de plaisir. La nourriture est partout dans les conversations, dans les opinions, dans les enseignements : la diète et la gastronomie sont également à l'ordre du jour. Au dernier quart du XXe siècle, l'esprit du temps est à la fois à la restriction et au plaisir, au régime et à l'art culinaire. «Que manger, comment manger?« sont des questions qui reviennent sans cesse. Tout se passe comme si l'acte alimentaire, par essence, posait un problème délicat, difficile, peut-être insoluble, à l'individu. La nourriture quotidienne est en fait devenue si problématique, elle va si peu de soi, que l'on se préoccupe aujourd'hui d'apprendre aux enfants à manger et que l'on a inventé pour cela « l'éducation nutritionnelle « Bien entendu, ce ne sont plus ni la peur de manquer ni l'obsession de l'approvisionnement qui occupent les esprits. L'inquiétude contemporaine est double : c'est d'abord celle des excès et des poisons de la modernité ; et devant ce danger, celle du choix et de ses critères. L'abondance, la pléthore (2) : voilà le péril inédit qu'il nous faut affronter. Le mangeur moderne doit gérer non plus la pénurie mais la profusion. Il doit trancher entre des sollicitations multiples, agressives, alléchantes, contradictoires. Il doit opérer des sélections, faire des comparaisons, établir des priorités, combattre des pulsions, résister à des impulsions, bref : déployer tous ses efforts, non pour se procurer l'indispensable, mais pour rejeter le superflu avec discernement. Il se sent par ailleurs menacé sur un front voisin, celui des toxicités. L'aliment moderne nous semble parfois se réduire à ses apparences, de sorte que le soupçon se porte sur ce qu'il contient réellement. Dans les périodes de troubles et de guerres, la rumeur court que l'ennemi a empoisonné les puits; dans notre sécurité alimentaire moderne, paradoxalement, le soupçon surgit à nouveau. Il se porte sur les produits que concocte l'industrie hors de nos regards, dans de louches chaudrons. Additifs, colorants, pollutions diverses ressuscitent ou perpétuent des inquiétudes immémoriales. Ces inquiétudes, il faut admettre qu'elles ne tiennent pas seulement à la réalité des périls que portent en eux nos aliments, mais aussi à l'imaginaire du mangeur. La situation, en effet, est nouvelle, mais le mangeur, lui, ne l'est pas. Il appartient toujours à l'espèce Homo sapiens, un omnivore dont les caractéristiques biologiques, forgées au fil de l'évolution par la pénurie ou l'incertitude, n'ont pas encore pu être modifiées par les quelques décennies d'abondance qu'il a vécues. Le mangeur du XXe siècle doit donc faire face à la constante et régulière abondance actuelle avec un organisme plus adapté à l'irrégularité des ressources, à l'incertitude. Claude Fischler, L'Homnivore, éd. Odile Jacob, 1990. (1) Consumérisme-. ensemble des actions menées par les associations de consommateurs. (2) Pléthore: surabondance, excès. Résumé (8 points) Vous résumerez ce texte en 180 mots. Une marge de 10% en plus ou en moins est admise. Vous indiquerez, à la fin de votre résumé, le nombre de mots utilisés. Vocabulaire (2 points) Vous expliquerez dans leur contexte les mots et expressions du texte : - «les incertitudes saisonnières«, - «combattre des pulsions, résister à des impulsions«. Discussion (10 points) «On se préoccupe aujourd'hui d'apprendre aux enfants à manger«. Ce texte illustre par l'exemple de la nourriture le problème de la nécessité du choix auquel est confronté, si l'on en croit l'auteur, le consommateur dans nos sociétés d'abondance. Comment, selon vous, peut-on apprendre à consommer? Vous ne vous en tiendrez pas au seul domaine de la nourriture.

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