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Cinna ÉMILIE Oui, va, n'écoute plus ma voix qui te retient ; Mon trouble se dissipe, et ma raison revient.

Publié le 12/04/2014

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Cinna ÉMILIE Oui, va, n'écoute plus ma voix qui te retient ; Mon trouble se dissipe, et ma raison revient. Pardonne à mon amour cette indigne faiblesse. Tu voudrais fuir en vain, Cinne, je le confesse, Si tout est découvert, Auguste a su pourvoir À ne te laisser pas la fuite en ton pouvoir. Porte, porte chez lui cette mâle assurance, Digne de notre amour, digne de ta naissance ; Meurs, s'il y faut mourir, en citoyen romain, Et par un beau trépas couronne un beau dessein. Ne crains pas qu'après toi rien ici me retienne : Ta mort emportera mon âme vers la tienne ; Et mon coeur aussitôt, percé des mêmes coups... CINNA Ah ! souffrez que tout mort je vive encore en vous ; Et du moins en mourant permettez que j'espère Que vous saurez venger l'amant avec le père. Rien n'est pour vous à craindre ; aucun de nos amis Ne sait ni vos desseins, ni ce qui m'est promis ; Et, leur parlant tantôt des misères romaines, Je leur ai tu la mort qui fait naître nos haines, De peur que mon ardeur, touchant vos intérêts, D'un si parfait amour ne trahît les secrets ; Il n'est su que d'Évandre et de votre Fulvie. ÉMILIE Avec moins de frayeur, je vais donc chez Livie, Puisque dans ton péril il me reste un moyen De faire agir pour toi son crédit et le mien : Mais si mon amitié par là ne te délivre, N'espère pas qu'enfin je veuille te survivre. Je fais de ton destin des règles à mon sort, Et j'obtiendrai ta vie, ou je suivrai ta mort. CINNA Soyez en ma faveur moins cruelle à vous-même. ÉMILIE Va-t'en, et souviens-toi seulement que je t'aime. SCÈNE IVCINNA, ÉMILIE, ÉVANDRE, FULVIE 11 Cinna ACTE II SCÈNE PREMIÈREAUGUSTE, CINNA, MAXIME, TROUPE DE COURTISANS AUGUSTE Que chacun se retire, et qu'aucun n'entre ici. Vous, Cinna, demeurez, et vous, Maxime, aussi. (Tous se retirent, à la réserve de Cinna et de Maxime) Cet empire absolu sur la terre et sur l'onde, Ce pouvoir souverain que j'ai sur tout le monde, Cette grandeur sans borne et cet illustre rang, Qui m'a jadis coûté tant de peine et de sang, Enfin tout ce qu'adore en ma haute fortune D'un courtisan flatteur la présence importune, N'est que de ces beautés dont l'éclat éblouit, Et qu'on cesse d'aimer sitôt qu'on en jouit. L'ambition déplaît quand elle est assouvie, D'une contraire ardeur son ardeur est suivie ; Et comme notre esprit, jusqu'au dernier soupir, Toujours vers quelque objet pousse quelque désir, Il se ramène en soi, n'ayant plus où se prendre, Et, monté sur le faîte, il aspire à descendre. J'ai souhaité l'empire, et j'y suis parvenu ; Mais, en le souhaitant, je ne l'ai pas connu : Dans sa possession, j'ai trouvé pour tous charmes D'effroyables soucis, d'éternelles alarmes, Mille ennemis secrets, la mort à tout propos, Point de plaisir sans trouble, et jamais de repos. Sylla m'a précédé dans ce pouvoir suprême ; Le grand César mon père en a joui de même. D'un oeil si différent tous deux l'ont regardé, Que l'un s'en est démis, et l'autre l'a gardé ; Mais l'un, cruel, barbare, est mort aimé, tranquille, Comme un bon citoyen dans le sein de sa ville ; L'autre, tout débonnaire, au milieu du sénat, A vu trancher ses jours par un assassinat. Ces exemples récents suffiraient pout m'instruire, ACTE II 12

« ACTE II SCÈNE PREMIÈRE\24AUGUSTE, CINNA, MAXIME, TROUPE DE COURTISANS AUGUSTE Que chacun se retire, et qu'aucun n'entre ici.

Vous, Cinna, demeurez, et vous, Maxime, aussi.

(Tous se retirent, à la réserve de Cinna et de Maxime) Cet empire absolu sur la terre et sur l'onde, Ce pouvoir souverain que j'ai sur tout le monde, Cette grandeur sans borne et cet illustre rang, Qui m'a jadis coûté tant de peine et de sang, Enfin tout ce qu'adore en ma haute fortune D'un courtisan flatteur la présence importune, N'est que de ces beautés dont l'éclat éblouit, Et qu'on cesse d'aimer sitôt qu'on en jouit.

L'ambition déplaît quand elle est assouvie, D'une contraire ardeur son ardeur est suivie ; Et comme notre esprit, jusqu'au dernier soupir, Toujours vers quelque objet pousse quelque désir, Il se ramène en soi, n'ayant plus où se prendre, Et, monté sur le faîte, il aspire à descendre.

J'ai souhaité l'empire, et j'y suis parvenu ; Mais, en le souhaitant, je ne l'ai pas connu : Dans sa possession, j'ai trouvé pour tous charmes D'effroyables soucis, d'éternelles alarmes, Mille ennemis secrets, la mort à tout propos, Point de plaisir sans trouble, et jamais de repos.

Sylla m'a précédé dans ce pouvoir suprême ; Le grand César mon père en a joui de même.

D'un oeil si différent tous deux l'ont regardé, Que l'un s'en est démis, et l'autre l'a gardé ; Mais l'un, cruel, barbare, est mort aimé, tranquille, Comme un bon citoyen dans le sein de sa ville ; L'autre, tout débonnaire, au milieu du sénat, A vu trancher ses jours par un assassinat.

Ces exemples récents suffiraient pout m'instruire, Cinna ACTE II 12. »

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