Chaque homme vise aux mêmes buts, qui sont les honneurs et la richesse ; mais ils emploient pour les atteindre des moyens variés : l'un la prudence, l'autre la fougue ; l'un la violence, l'autre l'astuce ; celui-ci la patience, cet autre la promptitude ; et toutes ces méthodes sont bonnes en soi.
Publié le 03/11/2013
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Chaque homme vise aux mêmes buts, qui sont les honneurs et la richesse ; mais ils emploient pour les atteindre des moyens variés : l'un la prudence, l'autre la fougue ; l'un la violence, l'autre l'astuce ; celui-ci la patience, cet autre la promptitude ; et toutes ces méthodes sont bonnes en soi. Et l'on voit encore de deux prudents l'un réussir et l'autre échouer ; et à l'inverse deux hommes également prospères qui emploient des moyens opposés. Tout s'explique par les seules circonstances qui conviennent ou non à leurs procédés. De là résulte que des façons de faire différentes produisent un même effet, et de deux conduites toutes pareilles l'une atteint son but, l'autre fait fiasco. Ainsi s'explique également le caractère variable du résultat. Voici quelqu'un qui se gouverne avec patience et circonspection ; si les choses tournent d'une manière sa méthode est heureuse, son succès assuré ; si elles changent soudain de sens, il n'en tire que ruine parce qu'il n'a pas su modifier son action. Très peu d'hommes, quelle que soit leur sagesse, savent s'adapter à ce jeu ; ou bien parce qu'ils ne peuvent s'écarter du chemin où les pousse leur nature ; ou bien parce que, ayant toujours prospéré par ce chemin, ils n'arrivent point à se persuader d'en prendre un autre. C'est pourquoi l'homme d'un naturel prudent ne sait pas employer la fougue quand il le faudrait, ce qui cause sa perte. Si tu savais changer de nature quand changent les circonstances, ta fortune ne changerait point. MACHIAVEL, Le Prince
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