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Chapitre 14 EXPÉDITIONS À LA RECHERCHE DE FRANKLIN Le mercredi 23 mai,

Publié le 31/10/2013

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franklin
Chapitre 14 EXPÉDITIONS À LA RECHERCHE DE FRANKLIN Le mercredi 23 mai, le Forward avait repris son aventureuse navigation, louvoyant adroitement au milieu des packs et des ice-bergs, grâce à sa vapeur, cette force obéissante qui manqua à tant de navigateurs des mers polaires ; il semblait se jouer au milieu de ces écueils mouvants ; on eût dit qu'il reconnaissait la main d'un maître expérimenté, et, comme un cheval sous un écuyer habile, il obéissait à la pensée de son capitaine. La température remontait. Le thermomètre marqua à six heures du matin vingt-six degrés (-3° centigrades), à six heures du soir vingt-neuf degrés (-2° centigrades), et à minuit vingt-cinq degrés (-4° centigrades) ; le vent soufflait légèrement du sud-est. Le jeudi, vers les trois heures du matin, le Forward arriva en vue de la baie Possession, sur la côte d'Amérique, à l'entrée du détroit de Lancastre ; bientôt le cap Burney fut entrevu. Quelques Esquimaux se dirigèrent vers le navire ; mais Hatteras ne prit pas le loisir de les attendre. Les pics de Byam-Martin qui dominent le cap Liverpool, laissés sur la gauche, se perdirent dans la brume du soir ; celle-ci empêcha de relever le cap Hay, dont la pointe, très basse d'ailleurs, se confond avec les glaces de la côte, circonstance qui rend souvent fort difficile la détermination hydrographique des mers polaires. Les puffins, les canards, les mouettes blanches se montraient en très grand nombre. La latitude par observation donna 74°01', et la longitude, d'après le chronomètre, 77°15'. Les deux montagnes de Catherine et d'Elisabeth élevaient au-dessus des nuages leur chaperon de neige. Le vendredi, à dix heures, le cap Warender fut dépassé sur la côte droite du détroit, et sur la gauche, l'Admiralty-Inlet, baie encore peu explorée par des navigateurs qui avaient hâte de se porter dans l'ouest. La mer devint assez forte, et souvent les lames balayèrent le pont du brick en y projetant des morceaux de glace. Les terres de la côte nord offraient aux regards de curieuses apparences avec leurs hautes tables presque nivelées, qui répercutaient les rayons du soleil. Hatteras eût voulu prolonger les terres septentrionales, afin de gagner au plus tôt l'île Beechey et l'entrée du canal Wellington ; mais une banquise continue l'obligeait, à son grand déplaisir, de suivre les passes du sud. Ce fut pour cette raison que, le 26 mai, au milieu d'un brouillard sillonné de neige, le Forward se trouva par le travers du cap York ; une montagne d'une grande hauteur et presque à pic le fit reconnaître ; le temps s'étant un peu levé, le soleil parut un instant vers midi, et permit de faire une assez bonne observation : 74°4' de latitude, et 84°23' de longitude. Le Forward se trouvait donc à l'extrémité du détroit de Lancastre. Hatteras montrait sur ses cartes, au docteur, la route suivie et à suivre. Or, la position du brick était intéressante en ce moment. - J'aurais voulu, dit-il, me trouver plus au nord, mais à l'impossible nul n'est tenu ; voyez, voici notre situation exacte. Le capitaine pointa sa carte à peu de distance du cap York. - Nous sommes au milieu de ce carrefour ouvert à tous les vents, et formé par les débouchés du détroit de Lancastre, du détroit de Barrow, du canal de Wellington, et du passage du Régent ; c'est un point auquel ont nécessairement abouti tous les navigateurs de ces mers. - Eh bien, répondit le docteur, cela devait être embarrassant pour eux ; c'est un véritable carrefour, comme vous dites, auquel viennent se croiser quatre grandes routes, et je ne vois pas de poteaux indicateurs du vrai chemin ! Comment donc les Parry, les Ross, les Franklin, ontils fait ? - Ils n'ont pas fait, docteur, ils se sont laissés faire : ils n'avaient pas le choix, je vous assure ; tantôt le détroit de Barrow se fermait pour l'un, qui, l'année suivante, s'ouvrait pour l'autre ; tantôt le navire se sentait inévitablement entraîné vers le passage du Régent. Il est arrivé de tout cela, que, par la force des choses, on a fini par connaître ces mers si embrouillées. - Quel singulier pays ! fit le docteur, en considérant la carte ; comme tout y est déchiqueté, déchiré, mis en morceaux, sans aucun ordre, sans aucune logique ! Il semble que les terres voisines du pôle Nord ne soient ainsi morcelées que pour en rendre les approches plus difficiles, tandis que dans l'autre hémisphère elles se terminent par des pointes tranquilles et effilées comme le cap Horn, le cap de Bonne-Espérance et la péninsule Indienne ! Est-ce la rapidité plus grande de l'Équateur qui a ainsi modifié les choses, tandis que les terres extrêmes, encore fluides aux premiers jours du monde, n'ont pu se condenser, s'agglomérer les unes aux autres, faute d'une rotation assez rapide ? - Cela doit être, car il y a une logique à tout ici-bas, et rien ne s'y est fait sans des motifs que Dieu permet quelquefois aux savants de découvrir ; ainsi, docteur, usez de la permission. - Je serai malheureusement discret, capitaine. Mais quel vent effroyable règne dans ce détroit ? ajouta le docteur en s'encapuchonnant de son mieux. - Oui, la brise du nord y fait rage surtout, et nous écarte de notre route. - Elle devrait cependant repousser les glaces au sud et laisser le chemin libre. - Elle le devrait, docteur, mais le vent ne fait pas toujours ce qu'il doit. Voyez ! cette banquise paraît impénétrable. Enfin, nous essayerons d'arriver à l'île Griffith, puis de contourner l'île Cornwallis pour gagner le canal de la Reine, sans passer par le canal de Wellington. Et cependant, je veux absolument toucher à l'île Beechey, afin d'y refaire ma provision de charbon. - Comment cela ? répondit le docteur étonné. - Sans doute ; d'après l'ordre de l'Amirauté, de grandes provisions ont été déposées sur cette île, afin de pourvoir aux expéditions futures, et, quoi que le capitaine MacClintock ait pu prendre en août 1859, je vous assure qu'il en restera pour nous. - Au fait, dit le docteur, ces parages ont été explorés pendant quinze ans, et, jusqu'au jour où la preuve certaine de la perte de Franklin a été acquise, l'Amirauté a toujours entretenu cinq ou six navires dans ces mers. Si je ne me trompe, même, l'île Griffith, que je vois là sur la carte, presque au milieu du carrefour, est devenue le rendez-vous général des navigateurs. - Cela est vrai, docteur, et la malheureuse expédition de Franklin a eu pour résultat de nous faire connaître ces lointaines contrées. - C'est juste, capitaine, car les expéditions ont été nombreuses depuis 1845. Ce ne fut qu'en 1848 que l'on s'inquiéta de la disparition de l'Erebus et du Terror, les deux navires de Franklin. On voit alors le vieil ami de l'amiral, le docteur Richardson, âgé de soixante-dix ans, courir au Canada et remonter la rivière Coppermine jusqu'à la mer Polaire ; de son côté, James Ross, commandant l'Entreprise et l'Investigator, appareille d'Uppernawik en 1848, et arrive au cap York où nous sommes en ce moment. Chaque jour, il jette à la mer un baril contenant des papiers destinés à faire connaître sa position ; pendant la brume, il tire le canon ; la nuit, il lance des fusées et brûle des feux de Bengale, ayant soin de se tenir toujours sous une petite voilure ; enfin il hiverne au port Léopold de 1848 à 1849 ; là, il s'empare d'une grande quantité de renards blancs, fait river à leur cou des colliers de cuivre sur lesquels était gravée l'indication de la situation des navires et des dépôts de vivres, et il les fait disperser dans toutes les directions ; puis au printemps, il commence à fouiller les côtes de North-Sommerset sur des traîneaux, au milieu de dangers et de privations qui rendirent presque tous ses hommes malades ou estropiés, élevant des cairns[39] dans lesquels il enfermait des cylindres de cuivre, avec les notes nécessaires pour rallier l'expédition perdue ; pendant son absence, le lieutenant MacClure explorait sans résultat les côtes septentrionales du détroit de Barrow. Il est à remarquer, capitaine, que James Ross avait sous ses ordres deux officiers destinés à devenir célèbres plus tard, MacClure qui franchit le passage du nord-ouest, MacClintock qui découvrit les restes de Franklin. - Deux bons et braves capitaines, aujourd'hui, deux braves Anglais ; continuez, docteur, l'histoire de ces mers que vous possédez si bien ; il y a toujours à gagner aux récits de ces tentatives audacieuses. - Eh bien, pour en terminer avec James Ross, j'ajouterai qu'il essaya de gagner l'île Melville plus à l'ouest ; mais il faillit perdre ses navires, et, pris par les glaces, il fut ramené malgré lui jusque dans la mer de Baffin. - Ramené, fit Hatteras en fronçant le sourcil, ramené malgré lui ! - Il n'avait rien découvert, reprit le docteur ; ce fut à partir de cette année 1850 que les navires anglais ne cessèrent de sillonner ces mers, et qu'une prime de vingt mille livres[40] fut promise à toute personne qui découvrirait les équipages de l'Erebus et du Terror. Déjà en 1848, les capitaines Kellet et Moore, commandant l'Hérald et le Plover, tentaient de pénétrer par le détroit de Behring. J'ajouterai que pendant les années 1850 et 1851, le capitaine Austin hiverna à l'île Cornwallis, le capitaine Penny explora sur l'Assistance et la Résolue le canal Wellington, le vieux John Ross, le héros du pôle magnétique, repartit sur son yacht le Félix à la recherche de son ami, le brick le Prince-Albert fit un premier voyage aux frais de Lady Franklin, et enfin que deux navires américains expédiés par Grinnel avec le capitaine Haven, entraînés hors du canal de Wellington, furent rejetés dans le détroit de Lancastre. Ce fut pendant cette année que MacClintock, alors lieutenant d'Austin, poussa jusqu'à l'île Melville et au cap Dundac, points extrêmes atteints par Parry en 1819, et que l'on trouva à l'île Beechey des traces de l'hivernage de Franklin en 1845. - Oui, répondit Hatteras, trois de ses matelots y avaient été inhumés, trois hommes plus chanceux que les autres ! - De 1851 à 1852, continua le docteur, en approuvant du geste la remarque d'Hatteras, nous voyons le Prince-Albert entreprendre un second voyage avec le lieutenant français Bellot ; il hiverne à Batty-Bay dans le détroit du Prince Régent, explore le sud-ouest de Sommerset, et en reconnaît la côte jusqu'au cap Walker. Pendant ce temps, l'Entreprise et l'Investigator, de retour en Angleterre, passaient sous le commandement de Collinson et de Mac Clure, et rejoignaient Kellet et Moore au détroit de Behring ; tandis que Collinson revenait hiverner à Hong-Kong, MacClure marchait en avant, et, après trois hivernages, de 1850 à 1851, de 1851 à 1852, de 1852 à 1853, il découvrait le passage du nord-ouest, sans rien apprendre sur le sort de Franklin. De 1852 à 1853, une nouvelle expédition composée de trois bâtiments à voile, l'Assistance, le Résolute, le North-Star, et de deux bateaux à vapeur, le Pionnier et l'Intrépide, mit à la voile sous le commandement de sir Edward Belcher, avec le capitaine Kellet pour second ; sir Edward visita le canal de Wellington, hiverna à la baie de Northumberland, et parcourut la côte, tandis que Kellet, poussant jusqu'à Bridport dans l'île de Melville, explorait sans succès cette partie des terres boréales. Mais alors le bruit se répandit en Angleterre que deux navires, abandonnés au milieu des glaces, avaient été aperçus non loin des côtes de la Nouvelle-Écosse. Aussitôt, lady Franklin arme le petit steamer à hélice l'Isabelle, et le capitaine Inglefied, après avoir remonté la baie de Baffin jusqu'à la pointe Victoria par le quatre-vingtième parallèle, revient à l'île Beechey sans plus de succès. Au commencement de 1855, l'américain Grinnel fait les frais d'une nouvelle expédition, et le docteur Kane, cherchant à pénétrer jusqu'au pôle.... - Mais il ne l'a pas fait, s'écria violemment Hatteras, et Dieu en soit loué ! Ce qu'il n'a pas fait, nous le ferons ! - Je le sais, capitaine, répondit le docteur, et si j'en parle, c'est que cette expédition se rattache forcément aux recherches de Franklin. D'ailleurs, elle n'eut aucun résultat. J'allais omettre de vous dire que l'Amirauté, considérant l'île Beechey comme le rendez-vous général des
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« tantôt ledétroit deBarrow sefermait pourl’un,qui,l’année suivante, s’ouvraitpourl’autre ; tantôt lenavire sesentait inévitablement entraînéverslepassage duRégent.

Ilest arrivé de tout cela, que,parlaforce deschoses, onafini par connaître cesmers siembrouillées. – Quel singulier pays !fitledocteur, enconsidérant lacarte ; comme toutyest déchiqueté, déchiré, misenmorceaux, sansaucun ordre, sansaucune logique ! Ilsemble quelesterres voisines dupôle Nord nesoient ainsimorcelées quepour enrendre lesapproches plus difficiles, tandisquedans l’autre hémisphère ellesseterminent pardes pointes tranquilles et effilées comme lecap Horn, lecap deBonne-Espérance etlapéninsule Indienne ! Est-cela rapidité plusgrande del’Équateur quiaainsi modifié leschoses, tandisquelesterres extrêmes, encore fluidesauxpremiers joursdumonde, n’ontpusecondenser, s’agglomérer lesunes aux autres, fauted’une rotation assezrapide ? – Cela doitêtre, carilya une logique àtout ici-bas, etrien nes’y est fait sans desmotifs que Dieu permet quelquefois auxsavants dedécouvrir ; ainsi,docteur, usezdelapermission. – Je serai malheureusement discret,capitaine.

Maisquelvent effroyable règnedansce détroit ? ajoutaledocteur ens’encapuchonnant deson mieux. – Oui, labrise dunord yfait rage surtout, etnous écarte denotre route. – Elle devrait cependant repousserlesglaces ausud etlaisser lechemin libre. – Elle ledevrait, docteur, maislevent nefait pas toujours cequ’il doit.

Voyez ! cettebanquise paraît impénétrable.

Enfin,nousessayerons d’arriveràl’île Griffith, puisdecontourner l’île Cornwallis pourgagner lecanal delaReine, sanspasser parlecanal deWellington.

Et cependant, jeveux absolument toucheràl’île Beechey, afind’yrefaire maprovision de charbon.

– Comment cela ?répondit ledocteur étonné. – Sans doute ; d’après l’ordredel’Amirauté, degrandes provisions ontétédéposées surcette île, afin depourvoir auxexpéditions futures,et,quoi quelecapitaine MacClintock aitpu prendre enaoût 1859, jevous assure qu’ilenrestera pournous. – Au fait, ditledocteur, cesparages ontétéexplorés pendantquinzeans,et,jusqu’au jouroùla preuve certaine delaperte deFranklin aété acquise, l’Amirauté atoujours entretenu cinqou six navires danscesmers.

Sije ne me trompe, même,l’îleGriffith, quejevois làsur lacarte, presque aumilieu ducarrefour, estdevenue lerendez-vous généraldesnavigateurs. – Cela estvrai, docteur, etlamalheureuse expéditiondeFranklin aeu pour résultat denous faire connaître ceslointaines contrées. – C’est juste, capitaine, carlesexpéditions ontéténombreuses depuis1845.Cenefut qu’en 1848 quel’ons’inquiéta deladisparition del’ Erebus et du Terror , les deux navires deFranklin. On voit alors levieil amidel’amiral, ledocteur Richardson, âgédesoixante-dix ans,courir au Canada etremonter larivière Coppermine jusqu’àlamer Polaire ; deson côté, James Ross, commandant l’ Entreprise et l’ Investigator , appareille d’Uppernawik en1848, etarrive aucap York oùnous sommes encemoment.

Chaquejour,iljette àla mer unbaril contenant des papiers destinés àfaire connaître saposition ; pendantlabrume, iltire lecanon ; lanuit, illance des fusées etbrûle desfeux deBengale, ayantsoindesetenir toujours sousunepetite voilure ; enfin ilhiverne auport Léopold de1848 à1849 ; là,ils’empare d’unegrande quantité de renards blancs,faitriver àleur coudescolliers decuivre surlesquels étaitgravée l’indication de la situation desnavires etdes dépôts devivres, etilles fait disperser danstoutes lesdirections ; puis auprintemps, ilcommence àfouiller lescôtes deNorth-Sommerset surdes traîneaux, au milieu dedangers etde privations quirendirent presquetousseshommes maladesou estropiés, élevantdes cairns [39] dans lesquels ilenfermait descylindres decuivre, avecles notes nécessaires pourrallier l’expédition perdue ;pendantsonabsence, lelieutenant MacClure exploraitsansrésultat lescôtes septentrionales dudétroit deBarrow.

Ilest à remarquer, capitaine,queJames Rossavait soussesordres deuxofficiers destinés àdevenir. »

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