Chantecler (1910). HYMNE AU SOLEIL
Publié le 31/05/2011
Extrait du document
Toi qui sèches les pleurs des moindres graminées, Qui fais d'une fleur morte un vivant papillon, Lorsqu'on voit, s'effeuillant comme des destinées, Trembler au vent des Pyrénées Les amandiers du Roussillon, Je t'adore, Soleil! ô toi dont la lumière, Pour bénir chaque front et mûrir chaque miel, Entrant dans chaque fleur et dans chaque chaumière, Se divise et demeure entière Ainsi que l'amour maternel! Je te chante, et tu peux m'accepter pour ton prêtre, Toi qui viens dans la cuve où trempe un savon bleu, Et qui choisis souvent, quand tu vas disparaître, L'humble vitre d'une fenêtre Pour lancer ton dernier adieu! Tu fais tourner les tournesols du presbytère, Luire le frère d'or que j'ai sur le clocher, Et quand, par les tilleuls, tu viens avec mystère, Tu fais bouger des ronds par terre Si beaux qu'on n'ose plus marcher! Tu changes en émail le vernis de la cruche, Tu fais un étendard en séchant un torchon, La meule a, grâce à toi, de l'or sur sa capuche, Et sa petite soeur la ruche A de l'or sur son capuchon! Gloire à toi sur les prés! Gloire à toi dans les vignes! Sois béni parmi l'herbe et contre les portails, Dans les yeux des lézards et sur l'aile des cygnes! O toi qui fais les grandes lignes Et qui fais les petits détails! C'est toi qui, découpant la soeur jumelle et sombre Qui se couche et s'allonge au pied de ce qui luit, De tout ce qui nous charme as su doubler le nombre, A chaque objet donnant une ombre Souvent plus charmante que lui! Je t'adore, Soleil! Tu mets dans l'air des roses, Des flammes dans la source, un dieu dans le buisson! Tu prends un arbre obscur et tu l'apothéoses! O Soleil! toi sans qui les choses Ne seraient que ce qu'elles sont.
(Chantecler, acte II, sc. III, Fasquelle, édit.)
QUESTIONS D'EXAMEN
I. — L'ensemble. — Une pièce lyrique d'une magnifique envolée. — Qui chante le magique effet du soleil sur la nature? Le coq peut-il à juste titre, se considérer comme le prêtre du soleil? (dire pourquoi); Quelle est l'idée générale développée dans la pièce? (O Soleil, tu transfigures, tu embellis, tu poétises toute chose...) ; Montrez que les détails de chaque strophe concourent à ce développement; A quel point de vue se place le poète? (Un cultivateur, un vigneron, un hygiéniste ne célébreraient-ils pas d'autres bienfaits du soleil?) Le poète n'a-t-il seulement fait preuve que d'imagination? (montrez que chaque détail révèle une observation exacte); Par quoi vous frappe la lecture de cet hymne?
II. — L'analyse du morceau. — Essayez de caractériser chaque strophe, — avec sobriété et précision; Qu'entend le poète par les pleurs des moindres graminées? A quels vers de Victor Hugo fait-il allusion à la fin de la deuxième strophe? Avez-vous observé, sous une allée d'arbres, les ronds mobiles dont il parle? A quel épisode de l'Histoire sainte fait-il allusion dans l'expression : un Dieu dans le buisson?
III. — Le style ; — les expressions. — Montrez le lyrisme et l'harmonie des vers (le lyrisme est caractérisé par la chaleur, l'enthousiasme du poète, par l'élévation des idées); Quelles sont les images qui vous ont le plus frappé? (on peut citer les images suivantes : les pleurs des graminées, la sœur jumelle et sombre, etc...) ; Relevez quelques antithèses (les grandes lignes et les petits détails...); Que faut-il entendre par les roses que le soleil mer dans l'air, et par les flammes qu'il met dans la source? Commentez ces deux vers :
O Soleil! toi sans qui les choses Ne seraient que ce qu'elles sont!
IV. — La grammaire. — Quels sont les mots de la même famille que capuché et capuchon? Indiquez la composition des verbes disparaître et découper; Distinguez les propositions contenues dans la troisième strophe; Nature et fonction de chacun des pronoms employés dans cette strophe.
Rédaction. — Aspect d'un lieu qui vous est familier (à choisir) par un temps très nuageux — puis par une belle journée de soleil. — En taire ressortir le contraste.
Liens utiles
- L'Hymne au Soleil, dans Chantecler (E. Rostand)
- Orphée : HYMNE AU SOLEIL
- Diogène: Ote-toi de mon soleil !
- Louis XIV: POURQUOI LE ROI SOLEIL ?
- C.E. 4 mars 1910, THÉROND, Rec. 193, concl. Pichat