Devoir de Philosophie

« Ce qui implique contradiction ne peut point exister »

Publié le 02/03/2011

Extrait du document

Ces disputes et ces variations continuelles devraient au moins nous convaincre que les idées de la Divinité n'ont ni l'évidence ni la certitude qu'on leur attribue, et qu'il peut être permis de douter de la réalité d'un être que les hommes voient si diversement, sur lequel ils ne sont jamais d'accord, et dont l'image varie si souvent en eux-mêmes. Malgré tous les efforts et les subtilités de ses plus ardents défenseurs, l'existence de Dieu n'est pas même probable, et quand elle le serait, toutes les probabilités du monde peuvent-elles acquérir la force d'une démonstration ? N'est-il pas bien étonnant que l'existence de l'être le plus important à croire et à connaître n'ait pas même pour elle la probabilité, tandis que des vérités beaucoup moins importantes nous sont évidemment démontrées ? Ne pourrait-on pas en conclure que nul homme n'est pleinement assuré de l'existence d'un être qu'il voit si sujet à varier au-dedans de lui-même, et qui, deux jours de suite ne se présente point sous les mêmes traits à son esprit? SYSTÈME DE LA NATURE, 2e PARTIE, CHAPITRE VII, 1770. Tous les principes religieux sont une affaire de pure imagination, à laquelle l'expérience et le raisonnement n'eurent jamais aucune part. On trouve beaucoup de difficulté à les combattre parce que l'imagination, une fois préoccupée de chimères qui l'étonnent ou la remuent, est incapable de raisonner. Celui qui combat la religion et ses fantômes par les armes de la Raison ressemble à un homme qui se servirait d'une épée pour tuer des moucherons : aussitôt que le coup est frappé, les moucherons et les chimères reviennent voltiger, et reprennent dans les esprits la place dont on croyait les avoir bannis à jamais. Dès qu'on se refuse aux preuves que la théologie prétend donner de l'existence d'un dieu, on oppose aux arguments qui la détruisent un sens intime, une persuasion profonde, un penchant invincible inhérent à tout homme, qui lui retrace malgré lui l'idée d'un être fort puissant qu'il ne peut totalement expulser de son esprit, et qu'il est forcé de reconnaître en dépit des raisons les plus fortes qu'on peut lui alléguer. Mais si l'on veut analyser ce sens intime auquel on donne tant de poids, on trouvera qu'il n'est que l'effet d'une habitude enracinée qui, faisant fermer les yeux sur les preuves les plus démonstratives, ramène le plus grand nombre des hommes, et souvent même les personnes les plus éclairées, aux préjugés de l'enfance. Qu'est-ce que peut ce sens intime, ou cette persuasion peu fondée, contre l'évidence qui nous démontre que ce qui implique contradiction ne peut point exister? On nous dit très gravement qu'il n'est pas démontré que Dieu n'existe pas. Cependant rien n'est plus démontré, d'après tout ce que les hommes en ont dit jusqu'à présent, que ce dieu est une chimère dont l'existence est totalement impossible, vu que rien n'est plus évident et plus démontré qu'un être ne peut rassembler des qualités aussi disparates, aussi contradictoires, aussi inconciliables que celles que toutes les religions de la terre assignent à la divinité. Le dieu du théologien, ainsi que le dieu du théiste, n'est-il pas évidemment une cause incompatible avec les effets qu'on lui attribue? De quelque façon qu'on s'y prenne, il faut ou inventer un autre dieu, ou convenir que celui dont depuis tant de siècles on entretient les mortels est à la fois très bon et très méchant, très puissant et très faible, immuable et changeant, parfaitement intelligent et parfaitement dépourvu et de raison, et de plan, et de moyens, ami de l'ordre et permettant le désordre, très juste et très injuste, très habile et très maladroit. Enfin, n'est-on pas forcé d'avouer qu'il est impossible de concilier les attributs discordants qu'on entasse sur un être dont on ne peut dire un seul mot sans tomber aussitôt dans les contradictions les plus palpables? Que l'on essaie d'attribuer une seule qualité à la divinité, et sur-le-champ ce qu'on en dira se trouvera contredit par les effets que l'on assigne à cette cause. LE BON SENS OU IDÉES NATURELLES OPPOSÉES AUX IDÉES SURNATURELLES, $109,1772.

Liens utiles