Candide possibles.
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
CHAPITRE TROISIÈME
COMMENT CANDIDE SE SAUVA D'ENTRE LES BULGARES, ET CE QU'IL DEVINT
Rien n'était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées.
Les trompettes, les fifres, les
hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu'il n'y en eut jamais en enfer.
Les canons
renversèrent d'abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur
des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface.
La baïonnette fut aussi la raison
suffisante de la mort de quelques milliers d'hommes.
Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille
âmes.
Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu'il put pendant cette boucherie
héroïque.
Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum chacun dans son camp, il prit le parti d'aller
raisonner ailleurs des effets et des causes.
Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna
d'abord un village voisin ; il était en cendres : c'était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les
lois du droit public.
Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient
leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là des filles éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de
quelques héros rendaient les derniers soupirs ; d'autres, à demi brûlées, criaient qu'on achevât de leur donner
la mort.
Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés.
Candide s'enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à des Bulgares, et des héros abares l'avaient
traité de même.
Candide, toujours marchant sur des membres palpitants ou à travers des ruines, arriva enfin
hors du théâtre de la guerre, portant quelques petites provisions dans son bissac, et n'oubliant jamais Mlle
Cunégonde.
Ses provisions lui manquèrent quand il fut en Hollande ; mais ayant entendu dire que tout le
monde était riche dans ce pays-là, et qu'on y était chrétien, il ne douta pas qu'on ne le traitât aussi bien qu'il
l'avait été dans le château de monsieur le baron avant qu'il en eût été chassé pour les beaux yeux de Mlle
Cunégonde.
Il demanda l'aumône à plusieurs graves personnages, qui lui répondirent tous que, s'il continuait à faire ce
métier, on l'enfermerait dans une maison de correction pour lui apprendre à vivre.
Il s'adressa ensuite à un homme qui venait de parler tout seul une heure de suite sur la charité dans une grande
assemblée.
Cet orateur, le regardant de travers, lui dit : « Que venez-vous faire ici ? y êtes-vous pour la
bonne cause ? \24 Il n'y a point d'effet sans cause, répondit modestement Candide, tout est enchaîné
nécessairement et arrangé pour le mieux.
Il a fallu que je fusse chassé d'auprès de Mlle Cunégonde, que j'aie
passé par les baguettes, et il faut que je demande mon pain jusqu'à ce que je puisse en gagner ; tout cela ne
pouvait être autrement.
\24 Mon ami, lui dit l'orateur, croyez-vous que le pape soit l'Antéchrist ? \24 Je ne l'avais
pas encore entendu dire, répondit Candide ; mais qu'il le soit ou qu'il ne le soit pas, je manque de pain.
\24 Tu ne mérites pas d'en manger, dit l'autre ; va, coquin, va, misérable, ne m'approche de ta vie.
» La femme
de l'orateur, ayant mis la tête à la fenêtre et avisant un homme qui doutait que le pape fût antéchrist, lui
répandit sur le chef un plein...
O ciel ! à quel excès se porte le zèle de la religion dans les dames !
Un homme qui n'avait point été baptisé, un bon anabaptiste, nommé Jacques, vit la manière cruelle et
ignominieuse dont on traitait ainsi un de ses frères, un être à deux pieds sans plumes, qui avait une âme ; il
l'amena chez lui, le nettoya, lui donna du pain et de la bière, lui fit présent de deux florins, et voulut même lui
apprendre à travailler dans ses manufactures aux étoffes de Perse qu'on fabrique en Hollande.
Candide, se
prosternant presque devant lui, s'écriait : « Maître Pangloss me l'avait bien dit que tout est au mieux dans ce
monde, car je suis infiniment plus touché de votre extrême générosité que de la dureté de ce monsieur à
manteau noir et de madame son épouse.
» Candide
CHAPITRE TROISIÈME 4.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Amour dans Candide de Voltaire
- Nègre de Surinam - de Candide ou l’optimiste, un conte philosophique écrit par Voltaire en 1759
- Chapitre 19 de Candide de Voltaire : De quel manière Voltaire dénonce-t-il l’esclavage ?
- Candide – CHAPITRE DIX-NEUF (commentaire gratuit)
- Résumé Candide de Voltaire