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Buffon (1707-1788), Premier discours sur la manière de traiter l'Histoire Naturelle

Publié le 27/04/2011

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L'histoire naturelle, prise dans toute son étendue, est une histoire immense : elle embrasse tous les objets que nous présente l'univers. Cette multitude prodigieuse de quadrupèdes, d'oiseaux, de poissons, d'insectes, de plantes, de minéraux, etc., offre à la curiosité de l'esprit humain un vaste spectacle, dont l'ensemble est si grand qu'il paraît et qu'il est en effet inépuisable dans les détails...    Le premier obstacle qui se présente dans l'étude de l'histoire naturelle vient de cette grande multitude d'objets : cependant, en se familiarisant avec ces mêmes objets, en les voyant souvent, et, pour ainsi dire, sans dessein, ils forment peu à peu des impressions durables, qui bientôt se lient dans notre esprit par des rapports fixes et invariables ; et de là, nous nous élevons à des vues plus générales, par lesquelles nous pouvons embrasser à la fois plusieurs objets différents ; et c'est alors qu'on est en état d'étudier avec ordre, de réfléchir avec fruit, et de se frayer des routes pour arriver à des découvertes utiles.    On doit donc commencer par voir beaucoup et revoir souvent. Quelque nécessaire que l'attention soit à tout, ici on peut s'en dispenser d'abord, je veux parler de cette attention scrupuleuse, toujours utile lorsqu'on sait beaucoup, et souvent nuisible à ceux qui commencent à s'instruire. L'essentiel est de leur meubler la tête d'idées et de faits, de les empêcher, s'il est possible, d'en tirer trop tôt des raisonnements et des rapports; car il arrive toujours que par l'ignorance de certains faits, et par la trop petite quantité d'idées, ils épuisent leur esprit en fausses combinaisons, et se chargent la mémoire de conséquences vagues et de résultats contraires à la vérité, lesquels forment dans la suite des préjugés qui s'effacent difficilement.    C'est pour cela que j'ai dit qu'il fallait commencer par voir beaucoup : il faut aussi voir presque sans dessein, parce que, si vous avez résolu de ne considérer les choses que dans une certaine vue, dans un certain ordre, dans un certain système, eussiez-vous pris le meilleur chemin, vous n'arriverez jamais à la même étendue de connaissances à laquelle vous pourrez prétendre si vous laissez dans les commencements votre esprit marcher de lui-même, se reconnaître, s'assurer sans secours, et former seul la première chaîne qui représente l'ordre de ses idées.    Cela est vrai, sans exception, pour toutes les personnes dont l'esprit est fait et le raisonnement formé : les jeunes gens, au contraire, doivent être guidés plus tôt et conseillés à propos ; il faut même les encourager par ce qu'il y a de plus piquant dans la science, en leur faisant remarquer les choses les plus singulières, mais sans leur en donner d'explications précises : le mystère, à cet âge, excite la curiosité, au lieu que dans l'âge mûr il n'inspire que le dégoût. Les enfants se lassent aisément des choses qu'ils ont déjà vues; ils revoient avec indifférence, à moins qu'on ne leur présente le même objet sous d'autres points de vue; et au lieu de leur répéter simplement ce qu'on leur a déjà dit, il vaut mieux y ajouter des •circonstances, même étrangères ou inutiles : on perd moins à les tromper qu'à les dégoûter.    Lorsque après avoir vu et revu plusieurs fois les choses, ils commencent à se les représenter en gros, que d'eux-mêmes ils se feront des divisions, qu'ils commenceront à apercevoir des distinctions générales, le goût de la science pourra naître et il faudra l'aider. Ce goût, si nécessaire à tout, mais en même temps si rare, ne se donne point par les préceptes : en vain l'éducation voudrait y suppléer, en vain les pères contraignent-ils leurs enfants ; ils ne les amèneront jamais qu'à ce point commun à tous les hommes, à ce degré d'intelligence et de mémoire qui suffit à la société ou aux affaires ordinaires ; mais c'est à la nature que l'on doit cette première étincelle de génie, ce germe de goût dont nous parlons, qui se développe ensuite plus ou moins, suivant les différentes circonstances et les différents objets.    Aussi doit-on présenter à l'esprit des jeunes gens des choses de toute espèce, des études de tout genre, des objets de toute sorte, afin de reconnaître le genre auquel leur esprit se porte avec plus de force, ou se livre avec plus de plaisir. L'histoire naturelle doit leur être présentée à son tour, et précisément dans ce temps où la raison commence à se développer, dans cet âge où ils pourraient commencer à croire qu'ils savent déjà beaucoup : rien n'est plus capable de rabaisser leur amour-propre et de leur faire sentir combien il y a de choses qu'ils ignorent ; et indépendamment de ce premier effet, qui ne peut qu'être utile, une étude, même légère, de l'histoire naturelle élèvera leurs idées et leur donnera des connaissances d'une infinité de choses que le commun des hommes ignore et qui se retrouvent souvent dans l'usage de la vie.    Buffon (1707-1788), Premier discours sur la manière de traiter l'Histoire Naturelle, 1749.    Vous ferez de ce texte à votre choix un résumé (en suivant le fil du développement) ou une analyse (en mettant en relief la structure logique de la pensée, sans vous attacher à l'ordre linéaire du texte).    Vous choisirez dans le texte un problème qui offre une réelle consistance et qui vous aura intéressé, vous en préciserez les données et vous exposerez vos vues personnelles sous la forme d'une argumentation ordonnée menant à une conclusion.

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