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Bruno BETTELHEIM. Éduquer : donner un sens à la vie. (Psychanalyse des contes de fées, p. 13-15.)

Publié le 22/03/2011

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Aujourd'hui, comme jadis, la tâche la plus importante et aussi la plus difficile de l'éducation est d'aider l'enfant à donner un sens à sa vie. Pour y parvenir, il doit passer par de nombreuses crises de croissance. A mesure qu'il grandit, il doit apprendre à se comprendre mieux ; en même temps, il devient plus à même de comprendre les autres et, finalement, il peut établir avec eux des relations réciproquement satisfaisantes et significatives. Pour découvrir le sens profond de la vie, il faut être capable de dépasser les limites étroites d'une existence égocentrique et croire que l'on peut apporter quelque chose à sa propre vie, sinon immédiatement, du moins dans l'avenir. Ce sentiment est indispensable à l'individu s'il veut être satisfait de lui-même et de ce qu'il fait. Pour ne pas être à la merci des hasards de la vie, il doit développer ses ressources intérieures afin que les sentiments, l'imagination et l'intellect s'appuient et s'enrichissent mutuellement. Nos sentiments positifs nous donnent la force de développer notre nationalité ; seule notre confiance en l'avenir peut nous soutenir contre les adversités que nous ne pouvons éviter de rencontrer. Lorsque je m'occupais d'enfants gravement perturbés en tant qu'éducateur et thérapeute, l'essentiel de mon travail consistait à donner un sens à leur existence. Ce travail m'a fait apparaître comme une évidence que, si leurs éducateurs avaient su donner un sens à leur vie, ces enfants n'auraient pas eu besoin de soins spéciaux. J'ai été amené à rechercher les expériences qui, dans la vie de l'enfant, étaient les plus propres à l'aider à découvrir ses raisons de vivre et, en général, à donner le maximum de sens à sa vie. En ce qui concerne ces expériences, rien n'est plus important que l'influence des parents et de tous ceux qui éduquent l'enfant ; vient ensuite notre héritage culturel, s'il est transmis convenablement à l'enfant. Quand il est jeune, c'est dans les livres qu'il peut le plus aisément trouver ces informations. A partir de là, je me suis trouvé très insatisfait de la plus grande partie de la littérature destinée à former l'esprit et la personnalité de l'enfant : elle est incapable, en effet, de stimuler et d'alimenter les ressources intérieures qui lui sont indispensables pour affronter ses difficiles problèmes. Les abécédaires et autres livres pour débutants sont étudiés pour enseigner la technique de la lecture, et ne servent à rien d'autre. La masse énorme des autres livres et publications qui forment ce qu'on appelle la « littérature enfantine « vise à amuser l'enfant ou à l'informer, ou les deux à la fois. Mais la substance de ces écrits est si pauvre qu'elle n'a guère de signification profonde pour lui. L'acquisition des techniques — y compris celle de la lecture — perd de la valeur si ce que l'enfant a appris à lire n'ajoute rien d'important à sa vie. Nous avons tous tendance à évaluer les mérites futurs de n'importe quelle activité sur la base de ce qu'elle offre sur le moment. C'est particulièrement vrai pour l'enfant qui, beaucoup plus que les adultes, vit dans le présent : bien qu'angoissé par l'avenir, il n'a que des notions très vagues sur ce que celui-ci peut être et sur ce qu'il exigera de lui. L'enfant ne peut pas croire que ses lectures puissent enrichir plus tard sa vie si les histoires qu'on lui lit ou qu'il lit tout seul sont dénuées de sens. Le principal reproche que l'on puisse faire à ces livres, c'est qu'ils trompent l'enfant sur ce que la littérature peut lui apporter : la connaissance du sens plus profond de la vie et ce qui est significatif pour lui au niveau de développement qu'il a atteint. Pour qu'une histoire accroche vraiment l'attention de l'enfant, il faut qu'elle le divertisse et qu'elle éveille sa curiosité.

Mais, pour enrichir sa vie, il faut, en outre, qu'elle stimule son imagination ; qu'elle l'aide à développer son intelligence et à voir clair dans ses émotions : qu'elle soit accordée à ses angoisses et à ses aspirations; qu'elle lui fasse prendre conscience de ses difficultés, tout en lui suggérant des solutions aux problèmes qui le troublent. Bref, elle doit, en un seul et même temps, se mettre d'accord avec tous les aspects de sa personnalité sans amoindrir, au contraire en la reconnaissant pleinement, la gravité de la situation de l'enfant et en lui donnant, par la même occasion, confiance en lui et en son avenir. Sur tous ces points et sur beaucoup d'autres, rien ne peut être plus enrichissant et plus satisfaisant dans toute la littérature enfantine (à de très rares exceptions près) que les contes de fées puisés dans le folklore, et cela est aussi vrai pour les enfants que pour les adultes. A vrai dire, si on se contente d'aborder superficiellement les contes de fées, ils ont peu de chose à nous apprendre sur les conditions de vie propres à la société de masse que nous connaissons aujourd'hui ; ces contes ont été créés bien avant son avènement. Mais ils ont infiniment plus de choses à nous apprendre sur les problèmes intérieurs de l'être humain et sur leurs solutions, dans toutes les sociétés, que n'importe quel autre type d'histoire à la portée de l'entendement de l'enfant. Comme il est appelé à être exposé à tout moment à la société dans laquelle il vit, l'enfant apprendra certainement à s'adapter aux conditions qu'elle lui offre, pourvu que ses ressources intérieures le lui permettent. Vous ferez de ce texte un résumé ou une analyse. Indiquez nettement, en tête de votre copie, par le mot résumé ou analyse la nature de votre choix. Cette partie de votre travail sera nettement séparée de la suivante qui sera précédée du titre : discussion. Parmi les problèmes posés par ce passage, vous choisirez celui auquel vous attachez un intérêt particulier. Vous en formulerez l'énoncé dans votre introduction et vous exposerez, en les illustrant par des exemples, vos propres vues sur la question.

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